Qu'est-ce qu'une nation?
Dissertation : Qu'est-ce qu'une nation?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar colinou • 21 Février 2017 • Dissertation • 5 903 Mots (24 Pages) • 4 104 Vues
DURRMEYER Coline TD 25/03/2016
L1 Lettres
Exposé de littérature comparée
Qu'est-ce qu'une nation ?
Ernest Renan
Dans sa conférence donnée le 11 mars 1882 à la Sorbonne, l'historien et universitaire Ernest Renan (1823-1892) s'intéresse à l'idée de nation qu'il tente d'analyser, une idée en apparence claire mais en réalité bien plus complexe qu'elle ne le laisse paraître et qui peut conduire à de dangereux malentendus. Ce texte, resté célèbre, s'efforce de proposer une conception française de cette notion. Le terme de nation correspond, selon le petit Larousse, à « une grande communauté humaine, le plus souvent installé sur un même territoire et qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique plus ou moins forte ». Cependant, on ne peut pas limiter ces critères objectifs pour caractériser la nation. Il y a aussi une sorte de contrat social implicite entre les membres de la population qui doivent être convaincus d'appartenir à une même nation. C'est sur ce deuxième point qu'Ernest Renan insiste lorsqu'il tente de définir ce qu'est une nation et comment elle se forme. Il prône sa vision lors de la conférence, retranscrite dans un ouvrage intitulé Qu'est-ce qu'une nation ?
En listant les différents modes de groupements qui existent ou ont existé, Renan nous met dès le début en garde contre les dangers et les funestes erreurs que peuvent provoquer une confusion sur l'idée de race et celle de nation, tout en insistant sur la délicatesse de la tâche dans laquelle il se lance. L'enjeu mis en avant par l'auteur est double. D'une part en effet, il s'agit de remettre en question les définitions erronées du terme de nation, des définitions qui cherchent à fonder la nation dans la race, dans la langue ou bien encore dans la religion. Et il s'agit d'autre part de définir la nation comme un mode de groupements particulier et historiquement déterminé. Ainsi, Renan formule l'idée qu'une nation repose à la fois sur un héritage passé, qu'il faut honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer. Il est à l'origine du courant dit « français » de la vision de la nation qui s'oppose au courant allemand selon lequel la nation doit être issue de la race.
Au delà-de ça, ce texte est surtout un modèle de rhétorique très représentatif de la pensée française. Il examine méthodiquement les constituants du concept de nation selon les conceptions de son temps, à savoir race, langue, religion, économie et géographie.
Afin de réaliser un commentaire complet de l'ouvrage, nous allons dans un premier temps faire une brève présentation de l'auteur et replacer l'œuvre dans son contexte, puis nous nous intéresseront plus particulièrement à l'œuvre en retraçant d'abord l'origine historique du mode de groupement particulier qu'est la nation, ensuite en examinant les erreurs auxquelles le fondamentalisme nationaliste amène en listant ce que la nation n'est pas, avant de reprendre la définition positive de l'auteur qui propose une articulation originale entre un peuple et son histoire.
I. Présentation de l'auteur et du contexte
Né en 1823 en Bretagne, il perd son père à l'âge de cinq ans, un événement qui entraînera des difficultés financières pour sa famille. Il suit une formation religieuse mais opère en 1845 un tournant dans sa carrière, ayant perdu sa foi, il s'engage dans des études de lettres. Cette double formation en théologie et en lettres le conduira à réaliser des ouvrages dans un style poétique mais aussi polémique dans son approche, du fait de sa culture religieuse.
En plus d'être historien, Renan est à la fois philosophe et philologue. Il étudie les langues en se fondant sur l'analyse critique des textes, sa spécialité se concentrant sur les langues sémitiques. Il multiplie également les voyages à l'étranger qui lui permettent d'être immergé dans les civilisations qu'il étudie. C'est lors d'un voyage en mer du Nord qu'il apprend la déclaration de guerre de la France à la Prusse en 1870.
Renan prononce son discours à la Sorbonne le 11 mars 1882, soit environ onze ans après la fin des hostilités franco-prussiennes de 1870-1871. La défaite de la France a entraîné, en plus de la chute de l'empire français et de l'acquittement d'une importante indemnité de guerre, l'annexion des quatre anciens départements de l'Alsace-Moselle. Cette région deviendra une province allemande sous le nom d'Alsace-Lorraine et ce, jusqu'à la défaite allemande de la Première Guerre mondiale et le traité de Versailles. Si les Allemands ont revendiqué cette acquisition, c'est parce que, selon eux, les Alsaciens étaient allemands d'après les critères suivants : similarité de l'origine ethnique, partage d'une culture identique et germanisme de la langue alsacienne. Cette approche de la nation découle de la définition de Fichte donnée en 1806, qui la fait reposer sur des facteurs objectifs tels que la culture, la langue ou l'origine ethnique.
Or, du côté français, c'est une toute autre approche, qui remet en question les critères allemands. C'est ce que formule Renan dans sa conférence et nous allons désormais étudier en quoi consiste sa pensée, à travers son œuvre, et plus généralement la conception française de la nation.
II. Analyse du texte
Le contexte dans lequel l'auteur établit sa pensée est maintenant défini. Lorsqu'il expose sa réflexion à la Sorbonne, il la divise en trois parties distinctes à la suite d'une brève introduction. Il cite dans cette dernière de nombreux exemples historiques et annonce que son analyse va se centrer sur une forme précise de regroupement des individus : la nation. La dimension sociologique de ses propos est mise en avant. Nous allons essayer de mettre en valeur les différents points développés par Renan dans sa définition de la nation, en suivant la structure du texte.
A) Origine historique de la nation
L'organisation en nation est un mode de groupement humain qui n'existait pas à l'Antiquité et qui est apparu à la fin de l'empire romain avec la dislocation de l'empire de Charlemagne. L'origine historique de la nation peut donc être fixée vers 476 après J.-C. L'établissement d'un nouvel empire romain comme au temps de Charlemagne serait désormais impossible car, de nos jours, la division de l'Europe est trop grande et aucune tentative de domination universelle ne serait permise sans provoquer de coalition des autres pays. Par la suite, on a pu voir un nouvel empire durable en Europe du fait de son morcellement, ayant instauré une sorte d'équilibre entre les États. Cet équilibre promet d'être maintenu car les différents pays qui composent l'Europe seront longtemps encore des « individualités historiques ».
L'Antiquité classique a connu des républiques, des royautés, des confédérations, des empires mais pas de nation au sens où nous l'entendons. Des villes comme Athènes ou Sparte, bien que remarquables pour leur patriotisme, étaient des cités au territoire trop restreint, tandis que les peuplades telles que la Gaule, l'Espagne ou encore l'Italie, bien que liguées entre elles, n'avaient ni institutions centrales, ni dynasties. De même, l'empire assyrien, l'empire persan ou l'empire d'Alexandre n'étaient pas des patries non plus. En revanche, l'empire romain, s'il ne peut pas tout à fait être considéré comme une patrie, est celui qui s'en rapprocha le plus. En effet, la domination romaine, d'abord rejetée, finit peu à peu par être acceptée car cette grande association instaurait l'ordre, la paix et la civilisation et il y avait un vrai sentiment de la « paix romaine » opposée au chaos menaçant de la barbarie. Cependant, le problème était la taille de l'empire, beaucoup trop grand pour former un État dans l'acception moderne du terme, d'où la scission inévitable entre l'Orient et l'Occident. Si Renan multiplie ici les exemples historiques, c'est pour montrer que l'éclosion de la nation est un phénomène isolé, tant géographiquement que temporellement.
Les cités grecques et l'empire romain ne constituaient donc pas des nations au sens moderne. Ce serait, selon l'auteur, les peuples germaniques qui seraient à l'origine du principe qui a servi de base à la création des nationalités, introduit lors de leurs différentes vagues d'invasion. Les invasions germaniques du Ve au Xe siècles ont imposé dans toute l'Europe occidentale des dynasties, auxquelles sont venues s'ajouter le système de noblesse, les habitudes militaires ou encore la notion de patriotisme. Les Germains ont ainsi créé de nouveaux blocs comme la Burgondie, la Lombardie et plus tard la Normandie. L'empire franc a assuré l'unité temporaire de l'Occident jusqu'à sa fracture vers le milieu du IXe siècle qui a donné naissance à des divisions immuables. C'est ainsi que sont nés la France, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne. La création des nationalités européennes telles que nous les connaissons aujourd'hui commence véritablement après la dislocation de l'empire de Charlemagne, suite au Traité de Verdun de 843.
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