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Jurasic Toys

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uatre dans le monde étaient fabriqués en Chine, par des ouvrières

officiellement âgées de plus de 17 ans, mais payées environ 60 euros net par mois,

pour des journées de 10 à 14 heures. On estimait ainsi à plus d’un million le nombre

de personnes employées par l’industrie du jouet en Chine. Au cours des

années 1990, les usines avaient quitté Hongkong et les environs de Shenzhen pour

s’installer plus loin dans la province de Guangdong, où des villes industrielles telles

que Dongguan attiraient des millions d’immigrants des campagnes, qui acceptaient

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des conditions de travail pénibles, insalubres et même illégales au regard du droit

chinois, pour des salaires mensuels d’environ 200 euros. Des associations telles que

China Labor Watch dénonçaient régulièrement cette situation.

Par ailleurs, la Chine était une pépinière de nouveaux concurrents : d’anciens soustraitants

hongkongais des multinationales américaines, comme V Tech (jouets

électroniques), Playmates (jouets sous licences du type Star Trek) ou Manley (jouets

en bois, jouets de plein air), avaient pris leur indépendance et produisaient

désormais également pour leur propre compte, avec un niveau de qualité

comparable à celui des Occidentaux (ils figuraient dans les dix premières marques

mondiales). D’autres producteurs chinois allaient vraisemblablement les imiter dans

leur émancipation. L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce

en décembre 2001 n’avait fait qu’accroître cette tendance.

Si l’industrie du jouet était strictement encadrée par de nombreuses normes de

sécurité, les pouvoirs publics n’avaient pas les moyens de contrôler toutes les

importations. Depuis 2007, alors que la tension commerciale s’accentuait entre les

États-Unis et la Chine, l’industrie avait été secouée par une série de scandales

impliquant des sous-traitants chinois (utilisation de peinture toxique au plomb,

présence de petites pièces pouvant être ingérées). Mattel avait été forcé de rappeler

plus de 18 millions de jouets.

La distribution

En France, la grande distribution contrôlait un peu plus de 40 % du marché des

jouets (même si cela ne représentait que 1 à 2 % de son chiffre d’affaires). Soucieux

d’optimiser la rentabilité de leurs linéaires, les hypermarchés cherchaient à limiter le

nombre de références en rayon : ils réalisaient 50 à 70 % de leurs ventes avec

seulement 150 à 200 produits (pour moins de 3000 références proposées en

moyenne). Pour être référencé dans les centrales d’achat, il fallait donc être connu,

ce qui passait nécessairement par la publicité à la télévision, dont l’impact sur les

ventes était énorme : la télévision devait représenter au moins 10 % du chiffre

d’affaires d’une marque. Le Français Smoby avait ainsi triplé son budget publicitaire

entre 2001 et 2004. Cependant, ce n’était qu’une goutte d’eau par rapport au budget

publicitaire de Hasbro, qui atteignait plus de 15 % de ses ventes, soit 7 euros par

enfant et par an, ou encore l’équivalent du chiffre d’affaires cumulé des trois

premières entreprises françaises du secteur. Indissociable de ces dépenses

publicitaires, l’obtention de licences était devenue incontournable. En France comme

aux États-Unis, plus de 25 % des jouets étaient sous licence et cette proportion

augmentait chaque année. L’obtention de ces licences auprès des grands studios de

cinéma – essentiellement américains – était aussi coûteuse qu’indispensable. Pour un

montant estimé entre 7 et 13 % du prix de chaque jouet, l’impact pouvait être

déterminant : Hasbro avait vendu pour 494 millions de dollars de jouets Star Wars

rien qu’en 2005 (il en détenait la licence jusqu’en 2018), alors que Mattel avait

lourdement investi dans des licences Disney Pixar (le directeur général de Mattel

avait d’ailleurs siégé au conseil d’administration de Pixar à la fin des années 1990).

Parallèlement, plus de 120 entreprises utilisaient l’image d’Harry Potter en Europe.

Cette boulimie publicitaire imposait une assise financière de plus en plus vaste, ce

qui entraînait une concentration croissante. Pour exister sur le marché mondial, on

estimait qu’un fabricant de jouet généraliste devait dépasser les 350 millions d’euros

de chiffre d’affaires. Mattel, après avoir vainement tenté d’acheter Hasbro en 1996

pour plus de 4,8 milliards d’euros, avait ainsi acquis le numéro trois américain, Tyco

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(voitures miniatures Matchbox), ainsi que Fisher Price. De son côté, Hasbro avait

racheté Playskool et Kenner Parker.

La concentration était encouragée par la concurrence des fabricants de consoles de

jeux vidéo (Microsoft, Sony, Nintendo), qui tentaient de détourner les enfants des

jouets classiques en utilisant des moyens publicitaires tout aussi colossaux. Face à

cette menace, certains fabricants de jouets classiques développaient d’ailleurs euxmêmes

des jeux vidéo (jeux d’aventure Barbie chez Mattel, jeux de simulation chez

Lego, etc.). De même, Hasbro avait racheté les éditeurs de jeux Atari et Microprose,

et Bandai avait fusionné avec le spécialiste Namco.

En dehors de la grande distribution généraliste, les jouets étaient diffusés par des

chaînes spécialisées. La principale était Toys ‘R’ Us, qui avait réalisé un chiffre

d’affaires de 13,6 milliards de dollars en 2009 avec plus de 1500 magasins dans le

monde, dont 42 en France. Toys ‘R’ Us, qui détenait un peu moins de 15 % de la

distribution des jouets en France et aux États-Unis, poussait ses fournisseurs à

développer la publicité télévisée, non pour réduire ses références (la profusion faisait

partie de sa stratégie, avec plus de 8 000 références proposées), mais pour limiter le

nombre de vendeurs et le service à sa clientèle. Toys ‘R’ Us avait cependant connu

une période difficile au milieu des années 2000, notamment du fait de la concurrence

du distributeur généraliste Wal-Mart sur le marché américain. Contraint de céder une

partie de ses magasins, il avait laissé la place à des concurrents tels que les chaînes

La Grande Récré et King Jouet ou le groupe coopératif JouéClub en France. Les

chaînes spécialisées détenaient ainsi plus de 45 % de la distribution du jouet en

France en 2009. Parallèlement, la vente de jouets sur Internet se développait. Elle

représentait déjà 20 % de la distribution au Royaume-Uni, mais moins de 6 % en

France.

Une industrie européenne sinistrée

À la demande des fabricants espagnols et portugais, l’Union européenne avait établi

dès 1994 des quotas d’importation sur certains jouets en

...

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