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True Blood-Tome 2

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aller au bout du bar téléphoner à sa sœur pour la prévenir. Les Bellefleur vivaient dans une vieille maison qui datait de la guerre de Sécession, dans la plus belle rue du quartier le plus chic de Bon Temps. Sur Magnolia Creek Road, toutes les maisons donnent sur la partie du parc qui est traversée par la rivière, avec, çà et là, quelques ponts plus ou moins décoratifs réservés aux piétons. La maison des Bellefleur n’était pas la seule de Magnolia Creek Road à dater du XIXe siècle, mais les autres n’étaient pas aussi décrépites. Le fait est que Portia, avec son salaire d’avocate, et Andy, qui ne devait pas gagner une fortune en tant que flic, n’avaient pas les moyens de la restaurer. Et cela faisait déjà un bon moment que le magot familial, qui aurait pu servir à entretenir une telle propriété, avait été dilapidé. Mais Caroline, leur grand-mère, refusait obstinément de vendre. Portia a répondu à la deuxième sonnerie. — Portia ? C’est Sookie Stackhouse. J’étais obligée d’élever la voix pour couvrir le boucan du bar. — Vous devez être à votre travail ? — Oui. Andy est assis devant moi et il est rond comme une queue de pelle. J’ai pris ses clés. Vous pouvez venir le chercher ? — Andy a trop bu ? Ça ne lui ressemble pas. J’arrive tout de suite. Je serai là dans dix minutes. Et elle a raccroché. — T’es une chic fille, Sookie, a lâché subitement Andy – comme quoi la vie est pleine de surprises ! Il venait de finir son verre. Je le lui ai enlevé, en espérant qu’il n’allait pas en commander un autre. — Merci, Andy. Tu es plutôt un chic type, toi aussi. — Il est où, ton... ton p’tit copain ? -4-

— Ici, a répondu une voix glaciale. J’ai souri à Bill par-dessus la tête dodelinante d’Andy (qui avait visiblement de plus en plus de mal à la porter). Brun aux yeux noirs, Bill Compton mesurait un mètre quatre-vingt-dix. Il avait la carrure et la musculature d’un type qui a des années de travail manuel derrière lui. Il avait d’abord aidé son père à la ferme, puis avait repris l’exploitation familiale, avant de partir pour la guerre. La guerre de Sécession, je veux dire. — Hé ! B.V. ! Bill a levé la main pour saluer Ralph. Le mari de Charlsie Tooten l’appelait toujours « Bill le Vampire » (d’où « B.V. ») sans que B.V. y trouve rien à redire. — Bonsoir, monsieur le Vampire, a lancé en passant mon frère Jason. Jason n’avait pas exactement accueilli Bill à bras ouverts dans la famille. Cependant, il avait complètement changé d’attitude à son égard, ces derniers temps. J’espérais que cela durerait. — Bill, t’es pas si mal pour un suceur de sang, a déclaré Andy en faisant pivoter son tabouret pour regarder le « suceur de sang » en question. J’ai révisé mon estimation à la hausse : Andy était encore plus soûl que je ne l’avais pensé. Il avait toujours eu du mal à avaler que le gouvernement ait accepté d’intégrer les vampires à la société américaine, et ce brusque revirement trahissait une alcoolémie qui aurait fait exploser le ballon, si ses propres services l’avaient interpellé pour l’obliger à souffler dedans. — Merci, lui a répondu sèchement Bill. Tu n’es pas mal non plus pour un Bellefleur. Il s’est penché pour m’embrasser. Ses lèvres étaient aussi froides que sa voix, mais je m’y étais habituée – tout comme je m’étais habituée à ne pas entendre de battements de cœur quand je posais la tête sur son torse. — Bonsoir, mon amour, a-t-il murmuré. J’ai fait glisser un verre de sang de synthèse – du B négatif made in Japan – le long du comptoir. Il l’a vidé d’un trait et s’est passé la langue sur les lèvres. Ses joues ont aussitôt repris des couleurs. -5-

Je lui ai demandé ce qu’avait donné sa réunion (il avait passé la majeure partie de la nuit à Shreveport). — Je te raconterai ça plus tard. J’espérais que ses histoires de boulot seraient moins déprimantes que celles d’Andy. — OK. Dis, j’aimerais bien que tu aides Portia à embarquer Andy dans sa voiture. Tiens ! La voilà, justement. J’ai désigné la porte d’un signe de tête. Pour une fois, Portia n’arborait pas l’uniforme tailleurmocassins bleu marine-chemisier blanc qui constituait sa tenue de travail. Elle l’avait troqué contre un jean et un tee-shirt. Portia était aussi carrée que son frère. Encore une chance qu’elle ait les cheveux longs ! De beaux cheveux épais, avec de jolis reflets auburn. Le soin qu’elle apportait à sa coiffure prouvait qu’elle n’avait pas encore tout à fait renoncé à séduire, d’ailleurs. Elle a fendu la foule, se frayant un chemin à travers la clientèle plutôt agitée du bar d’un pas martial. — Eh bien, pour être éméché, il est éméché ! a-t-elle dit en jaugeant son frère d’un œil réprobateur. Elle ignorait ostensiblement Bill. Elle était toujours mal à l’aise en sa présence. — Ça ne lui arrive pas souvent, a-t-elle poursuivi. Mais quand il décide de se soûler, il ne fait pas les choses à moitié ! — Portia, Bill peut vous aider à porter Andy jusqu’à votre voiture, si vous voulez. C’était juste une proposition. Andy étant plus grand que Portia, elle n’était manifestement pas de taille à le transporter toute seule. — Je pense pouvoir me débrouiller, m’a-t-elle répondu d’un ton ferme, en évitant toujours de regarder Bill, qui levait vers moi un regard interrogateur. Je l’ai laissée passer un bras autour des épaules de son frère pour tenter de le faire descendre de son tabouret. Mais elle eut beau se démener, Andy resta juché sur son perchoir. Elle chercha Sam Merlotte des yeux. Pas très grand et du genre fil de fer, Sam n’en est pas moins étonnamment costaud pour son gabarit. Et je ne dis pas ça parce que c’est mon patron.

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J’ai quand même préféré préciser à Portia que ce n’était pas la peine d’insister. — Il y a une petite fête au country club, ce soir. Sam tient le bar. Vous feriez mieux de laisser Bill vous donner un coup de main. — D’accord, a finalement dit l’avocate bon teint, les yeux rivés au contreplaqué du comptoir. Merci beaucoup. En moins de trois secondes, Bill avait soulevé Andy et se dirigeait avec lui vers la sortie. À les voir traîner par terre comme ça, on aurait cru que les jambes d’Andy étaient en caoutchouc. Ralph Tooten s’est précipité pour ouvrir la porte, et Bill a pu transporter Andy jusqu’au parking d’une seule traite. — Merci, Sookie. Sa note est réglée ? m’a demandé Portia. J’ai hoché la tête. — Parfait. Elle a plaqué ses mains sur le comptoir, comme pour donner le signal du départ, et a rejoint Bill devant la porte de Chez Merlotte (après avoir dû endurer, au passage, tout un tas de conseils bien intentionnés, généreusement prodigués par des mecs à peu près aussi lucides que son frère). Voilà comment la vieille Buick de l’inspecteur Andy Bellefleur s’est retrouvée à stationner sur le parking de Chez Merlotte toute la nuit et une partie du lendemain. Par la suite, Andy devait jurer que le véhicule était vide quand il en était sorti pour entrer dans le bar. Il affirma aussi sous serment qu’il avait été tellement bouleversé par tout ce qui s’était passé au poste, ce matin-là, qu’il avait oublié de fermer la portière. Pourtant, à un moment donné, entre 20 heures, quand Andy avait débarqué Chez Merlotte, et 10 heures le lendemain matin, lorsque j’y suis arrivée pour ouvrir le bar, la voiture d’Andy s’était trouvé un nouveau passager. Un passager qui allait être à l’origine de bien des déboires pour le malheureux inspecteur Bellefleur. Et pour cause : il était raide mort. Je n’aurais pas dû être là. Comme j’étais de nuit, la veille, j’étais censée être encore de nuit le lendemain. Mais Bill voulait que je l’accompagne à Shreveport, et il m’avait demandé si je -7-

pouvais me faire remplacer. Sam n’avait pas dit non. Alors, j’avais appelé Arlène. Normalement, elle avait sa journée. Mais comme elle nous enviait toujours les gros pourboires qu’on se faisait la nuit, elle avait accepté de venir à 17 heures. Logiquement, Andy aurait dû récupérer sa voiture avant d’aller travailler. Mais avec la gueule de bois carabinée qu’il se coltinait, il avait préféré se faire conduire directement au commissariat par sa sœur. Portia lui avait dit qu’elle passerait le chercher à midi. Ils iraient déjeuner ensemble Chez Merlotte. Comme ça, il pourrait reprendre sa voiture en même temps. La Buick et son macabre passager avaient donc dû patienter beaucoup plus longtemps que prévu. J’avais eu mes six heures de sommeil et j’étais en pleine forme. Ce n’est pas évident de sortir avec un vampire, quand, comme moi, on est plutôt du matin. Après la fermeture, j’étais rentrée à la maison avec Bill vers 1 heure. On avait pris ensemble un bon bain chaud (et fait quelques autres petites choses pas désagréables), mais j’avais tout de même réussi à me coucher un peu avant 3 heures. Il n’était pas loin de 9 heures quand je m’étais levée. Quant à Bill, ça faisait déjà un bon moment qu’il était retourné sous terre. J’avais bu quelques verres d’eau et de jus d’orange, en ingurgitant des comprimés multivitaminés surdosés en fer : mon petit déjeuner habituel depuis que Bill était entré dans ma vie, apportant avec lui (en plus de pas mal d’amour, d’aventure et de passion) la menace permanente de l’anémie. Le temps s’était un peu rafraîchi (Dieu merci !) et j’étais assise sur la véranda, vêtue de mon gilet et de mon pantalon noirs de serveuse, que je mettais quand il ne faisait pas assez

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