La sanction: Petites sanctions à l'usage des éducateurs d'Eirick Prairat
Fiche de lecture : La sanction: Petites sanctions à l'usage des éducateurs d'Eirick Prairat. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Marlène Bergami • 5 Avril 2022 • Fiche de lecture • 5 572 Mots (23 Pages) • 534 Vues
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L'ouvrage que j'ai choisi de présenter est La sanction: petites méditations à l'usage des éducateurs d'Eirick Prairat. Mon choix s'est porté sur un livre court et synthétique sur un thème qui me tenait à cœur et sur lequel j'avais énormément de questions, à la fois sur la théorie, la pratique et le bon positionnement professionnel à avoir quand on veut établir une sanction, comment s'y prendre pour ne pas tomber dans le piège de la punition et la violence. Je ne connaissais pas cet auteur et je me suis surtout décidée en fonction du thème, car pour moi l'éducation est le principal élément à connaître et à appliquer dans notre futur métier, et la sanction éducative est un élément à ne pas négliger si l'on veut pouvoir faire progresser intelligemment les jeunes ou adultes que nous accompagnons. Il ne faut cependant pas oublier que ce n'est qu'une partie de notre métier, et il n'y a pas d'évolution positive sans erreur de la part de notre public (les erreurs étant une étape normale dans l'accomplissement de soi), et que nous pouvons corriger ou aider avec des actions éducatives ciblées et personnalisées. La sanction en fait selon moi partie, et il est judicieux de pouvoir se renseigner sur la portée de cet acte, le but et les limites à ne pas dépasser pour rester dans le cadre d'un enjeu éducatif et non répressif. C'est ici tout l'enjeu que s'est fixé Eirick Prairat dans son livre, et que nous allons étayer dans cette fiche de lecture.
L'auteur Eirick Prairat, né en 1957, est un professeur de sciences de l'éducation (université de Lorraine – Nancy 2), il y enseigne la philosophie ainsi que l'éducation. Après des études à l'Ecole Normale de Nancy, Eirick Prairat poursuit sa formation à l'Université Nancy 2 et à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Titulaire d'un CAPES de philosophie, il soutient sa thèse de doctorat, à l'Université Nancy 2, en 1991. Il présentera son Habilitation à Diriger des Recherches, toujours à l'Université Nancy 2, en juin. De 1993 à 2002, il est Maître de conférences en sciences de l'éducation à l'IUFM de Lorraine où il va notamment présider la commission recherche de l'institut (1998-2002). En octobre 2002, il est nommé Professeur de sciences de l'éducation à l'Université Nancy2 et devient, en 2006, directeur du Laboratoire Interuniversitaire de Sciences de l'Education et de la Communication.[1] Par le passé, il a autrefois enseigné en tant que professeur de philosophie, puis a été formateur pour des enseignants et des conseillers principaux d’éducation. Il tient régulièrement des conférences (il est titulaire du titre de Maître de Conférences à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres en 1993) et il fait partie du comité d’experts des Etats Généraux sur la Parentalité depuis 2010. Il est actuellement membre des conseils scientifiques de l’Institut de Recherche et de Documentation Pédagogique de Neuchâtel, de la mission laïque française, et de l’Espace de Réflexion Ethique du Grand Est. Tout son parcours professionnel est donc centré autour de la dimension éducative de la sanction, de l'autorité, des normes mais également les enjeux éthiques et déontologiques dans l'éducatif (et le corps enseignant), et l'auteur utilise régulièrement des grands noms de la pensée philosophique pour illustrer ses propos ou simplement faire comprendre certaines notions des auteurs qu'il cite.
Cet ouvrage, La Sanction. Petites méditations à l'usage des éducateurs (sorti en 2000), est le second ouvrage d’une trilogie sur la sanction en éducation, sortis entre 1994 (Eduquer et punir. Généalogie du discours psychologique) et 2001 (Sanction et socialisation, Idées, résultats et problèmes). Il a également écrit de nombreux ouvrages centrés sur l'éducation, tels que Penser la sanction. Les grands textes (1999), La sanction en éducation (2003), ou encore récemment avec Propos sur l'enseignement (2019), ce qui prouve son investissement et son intérêt dans ce domaine.
Prairat s’appuie sur des ressources essentiellement historiques et philosophiques, ainsi que des ouvrages et articles d'une soixantaine auteurs, qu'ils soient majoritairement philosophiques[2], mais aussi pédagogues/ psychopédagogues[3], psychologues et psychanalystes[4], sociologues et psychosociologues[5], professeurs / chercheurs et écrivains[6], ou même religieux[7]. La bibliographie accordée à cet ouvrage est très étoffée, et beaucoup de citations illustrent les propos de l'auteur ou les mettent en opposition avec son point de vue. Grâce à cela, il parvient également à nous démontrer que la définition même de la punition, de même que la sanction a pu évoluer à travers les âges et les mentalités. Il définit également les enjeux de la sanction dans la pratique éducative (notamment à travers la loi, l’autorité etc).
Dans ce livre, il est question de définir ce qu'est la sanction, d'un point de vue à la fois historique, mais aussi philosophique et juridique selon le point de vue de l'auteur, mais aussi de comparer sanction et punition afin de distinguer la nuance entre les deux notions. A l'origine, sanctionner vient du latin « sancire » qui signifie rendre sacré ; il a donné par la suite les mots serment, sacrifice, sanctifier... On peut donc en déduire qu’auparavant, la sanction avait une connotation et une signification religieuse et sacrée, tel un funeste destin dont on ne pouvait en réchapper. Sa définition a ensuite évolué vers une dimension sociologique et éducative. Si l’on se base sur la définition du Larousse, la sanction est une « mesure répressive infligée par une autorité pour l'inexécution d'un ordre, l'inobservation d'un règlement, d'une loi », elle est donc perçue négativement et aurait une tendance répressive.
Eirick Prairat nous propose ainsi une rétrospective sur la décision de punir dans les lieux d'éducation, pour ensuite basculer sur une méthode plus éducative que répressive au fil du temps, en passant par la présentation de théories du point de vue d'autres auteurs pour dérouler le plan de son ouvrage. Il va ensuite expliquer ce qu'est la sanction, puis l'éducation, en comparant son point de vue à celui de Fernand Deligny ("l'éducation commence là où la sanction s'arrête"), qui mêle éducation et violence en opposition à la sanction, alors même que l'auteur n'est pas du même avis que ce dernier. Il expliquera ainsi tout le processus de la dynamique éducative à travers la loi, le conflit et l'autorité.
Eirick Prairat organise ainsi son livre en deux grandes parties et d'une conclusion: la première consiste à définir les repères historiques et les orientations qui mènent à la punition/sanction, en explicitant les différentes formes de punition/sanction, pour ensuite en parler selon une perspective anthropologique, et finalement comparer punition et sanction selon la définition de plusieurs autres auteurs. La seconde partie, introduite par un court chapitre sur la sanction sociale, la punition et l’éducation, fait état de la sanction éducative en définissant tout d’abord l’éducation, pour ensuite le développer sous différentes catégories. Il comparera ensuite ces différentes notions à la loi sous différents concepts que nous aborderons plus tard. Il terminera ensuite par une ouverture sur la reconnaissance des conflits, comment les reconnaître et s’en prémunir, avant de conclure en revenant sur la question de la sanction éducative.
Dans la première partie du livre, Prairat résume 400 ans d'éducation traditionnelle (de la naissance des collèges / Le Siècle des Lumières, à l'avènement des pédagogies nouvelles) en la présentant sous 8 points qui s'opposent: les rhétoriques de légitimation, le faire et le dire, l'être et le devoir être, la punition et la discipline, les motifs coupables, le médical et le juridique, les cérémonials punitifs et les vertus magistrales. Les rhétoriques de légitimation sont ici pour justifier d'une pratique punitive, et ainsi en donner du sens, et selon Prairat il y en a trois; la première consistant à établir une base d'apprentissage car en punissant un jeune, il finira par apprendre suite à la pression imposée, il y a volonté de plier le jeune à un formatage sous contrainte. Cette rhétorique a peu à peu disparu car vivement contestée avec le temps. La seconde justification est de punir dans les écoles dans un but préventif, pour établir un cadre serein et axé sur l'apprentissage dans l'ordre et le calme. Le risque est alors d'instaurer un climat de peur voire de conditionner négativement des jeunes dans leurs apprentissages. La troisième justification est l'apprentissage moral du jeune enfant, en lui autorisant de faire ce qui est permis ou non par le biais de la sanction, il pourra par la suite construire son identité en définissant sa propre dichotomie du bien et du mal. Dans "Le faire et le dire", on se rend compte qu'il y a bien souvent un décalage, voire quelque chose de tabou, car la punition est bien souvent pratiquée mais sans jamais la dénoncer, ou l'encenser, de même que personne n'en fait l'apologie et ce depuis des lustres. On pensera d'ailleurs à la fessée, punition autrefois utilisée à demi-mot, passée taboue pour finalement être interdite et qualifiée de maltraitance envers les jeunes. L'être et le devoir être est une représentation par les adultes des jeunes qui n'ont reçu aucune éducation et qu'il faudrait mâter tels des animaux afin de les rediriger vers la bonne voie. La remarque de Prairat y est alors très juste, il est impossible d'uniformiser ce conditionnement vers un jeune adulte éduqué, car chaque adulte qui impose ces sanctions aura une représentation différente de l'Homme éduqué, de sa façon de faire et des résultats qui en découleront. La punition et la discipline font référence au cadre scolaire et aux règles qui y sont imposées, l'éducation ne pouvant se faire s'il n'y a pas de trame établie à suivre, les jeunes y seraient perdus, et le chaos y prendrait place au lieu de la discipline. Les punitions sont une extension des règles en y posant les limites à ne pas franchir, et rester dans ce cadre éducatif. Les motifs coupables sont les raisons qui poussent à la punition, et ces raisons varies selon la personne, et ont pu évoluer à travers le temps. Ainsi, le libertinage par exemple, vu comme un vice, une déviance répréhensible et gravement punie, n'est aujourd'hui plus passible de ce qu'on peut appeler une punition de nos jours. Dans le Médical et le juridique, la punition est vu comme un exutoire, à dimension religieuse dans les premières définitions de la punition, tel que le définit Socrate, la punition étant "comme la médecine de la méchanceté", permettant de guérir l'âme de ses maux tout comme la médecine guérit le corps. Avec le temps, la punition se place davantage dans un contexte juridique tel que nous l'explique Prairat, tout d'abord grâce aux règlements scolaires comme cité précédemment, puis comme volonté de punir ceux qui ne sont pas dans les règles de la société, qui ont commis des délits et des transgressions. Les cérémonials punitifs ont pour but de théatraliser la punition en tant que telle, afin d'en renforcer son efficacité: elle humilie, elle montre aux autres la honte d'être puni, cela fait peur et ne donne plus envie d'être puni. Cela "confère à la sanction un supplément d'efficacité symbolique, car il marque les esprits", et il y a là une image de dominant/dominé, qui va disparaître avec le temps dans le milieu scolaire notamment, afin que le rapport élève/professeur ne soit pas déséquilibré et que le respect prime sur la soumission à l'autorité. Les vertus magistrales font référence aux capacités oratoires et d'autorité, autrement dit le charisme que peut imposer ou non la personne qui punit, ainsi que son sens de la justice. Une personne qui saura punir avec justesse et équité sera dès lors respectée et la punition n'en sera que justifiée, et perçue comme une leçon de morale non remise en cause. Au commencement de la punition, c'est tout d'abord un châtiment qui en ressort, c'est surtout punir pour remettre dans le cadre, et la dimension éducative et juridique y prend place que bien plus tard. L'évolution vers cette dimension éducative et juridique y est progressive, au fur et à mesure que l'enfant soit de plus en plus considéré dans la société comme un adulte, responsabilité et capable de se maîtriser.
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