L'Edit de Nantes, origines et suites
Cours : L'Edit de Nantes, origines et suites. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar bjc911 • 5 Novembre 2016 • Cours • 2 300 Mots (10 Pages) • 1 143 Vues
L’édit de Nantes, origines et suites
Le 13 avril 1598, Henri IV signe à Nantes un traité qui met fin, au moins provisoirement, à plus de trente ans de guerres civiles. Ce texte fondateur règle pour un siècle les rapports entre catholiques et protestants. Deux Eglises, deux cultures coexistent officiellement sur un même territoire. En imposant la paix civile, Henri IV assoit les principes de la monarchie absolue.
Pourtant, plus qu’un édit de tolérance dans le sens où on l’entend aujourd’hui, le document constitue plutôt un compromis inégal, dont la révocation par l’édit de Fontainebleau en 1685 est à la fois la négation et l’aboutissement.
Par l’édit de Nantes, la France devient le premier royaume d'Europe où la religion du roi n'est pas imposée officiellement à tous ses sujets. Pourtant, la négociation de l'édit a été lente et difficile, et ses dispositions ne sont pas si exceptionnelles qu'on veut le croire : il n’est en effet pas le premier texte de ce type en France. À la suite des troubles constatés depuis quatre décennies, Charles IX a signé l’édit de Saint-Germain le 17 janvier 1562 qui, dans le même esprit que le futur édit de Nantes, accordait la liberté de culte aux protestants dans les faubourgs. On peut noter également l’édit d'Amboise (19 mars 1563) qui réduit l'application de ces droits aux seuls gentilshommes, ainsi que la paix de Saint-Germain (8 août 1570) qui accorde aux protestants la liberté de conscience, la liberté de culte et quatre places fortes : La Rochelle, Cognac, Montauban et La Charité-sur-Loire. De même, l’édit de Nantes est moins favorable dans ses dispositions que celui de Beaulieu, adopté en 1576. Mais ce qui fait la différence entre ces textes et l’édit de Nantes, c’est la mise en application réelle de ce dernier grâce à l’autorité d’Henri IV, lui-même ancien réformé.
Né en 1553, Henri IV est le fils de Jeanne d’Albret, reine de Navarre et réformée, et d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, descendant d’un fils de Saint-Louis. Comme Henri III meurt en 1589 sans descendance mâle et que son dernier frère est décédé en 1584, Henri de Navarre se trouve donc, en vertu de la loi salique, l’héritier légitime du trône de France. Il lui faudra cependant plusieurs années pour conquérir son royaume. Henri, roi de France mais huguenot, doit s’engager à "maintenir et conserver" la religion catholique en l’état. En effet, dans l’esprit du temps, il n’était pas concevable que le roi ait une religion différente de celle de la grande majorité de ses sujets, même si les "lois fondamentales du royaume" ne faisaient pas encore du catholicisme du roi une règle impérative, le cas ne s’étant jamais présenté. Il faut l’abjuration d’Henri IV en 1593 pour transformer en règle ce qui n’avait été, jusque là, que l’exigence de la majorité. Il adopte donc officiellement la religion catholique le 25 juillet à la cathédrale de Saint-Denis, haut-lieu de la monarchie française, et est sacré à Chartres le 24 février 1594. Ainsi la France apparaît en conformité avec le reste de l’Europe qui se divise religieusement selon le principe "cujus regio, ejus religio". Alors que les catholiques se satisfont de la situation religieuse du royaume, les protestants exigent du roi, après son abjuration, des garanties réelles quant à leur liberté de conscience et à l'exercice de leur culte. L'édit de Nantes est voulu par Henri IV qui connaît les deux religions pour avoir appartenu à l’une et à l’autre : à partir de 1598, la coexistence légale de deux religions est une originalité dans la carte religieuse européenne.
En 1597, la ville d’Amiens est reprise aux Espagnols : épuisés par leurs échecs aux Pays-Bas et contre l'Angleterre, ils acceptent la paix de Vervins le 2 mai 1598. Dans le même temps se déroulent des négociations avec les protestants sur les questions principales : exercice du culte, concession de places de sûreté, accès aux emplois royaux. Henri IV peut alors tourner toutes ses forces vers le dernier soutien de la Ligue, parti qui s’est donné pour but la défense de la religion catholique contre le protestantisme : le duc de Mercœur, gouverneur de la Bretagne et allié des Espagnols. La situation de ce dernier n’est plus tenable : l’ensemble du royaume de France est revenu dans l’obéissance au nouveau roi, grâce à ses succès militaires et à sa conversion au catholicisme. Dans les premiers jours de 1598, le roi envoie ses armées vers la Bretagne. Arrivé à Angers, Henri IV multiplie les gestes symboliques pour rallier les catholiques favorables à la Ligue. Il se rend à la cathédrale pour entendre la messe. Il reçoit à genoux, à l’entrée de l’église, la bénédiction de l’évêque. La Bretagne se soulève contre son duc ; celui-ci perd plusieurs places fortes bretonnes qui rallient le roi de France : Mercœur négocie sa soumission et le roi lance la préparation de l’édit, qui sera signé à Nantes et qui n’est alors pas appelé « édit de Nantes », ni même « édit d’Angers » mais « édit de pacification ».
Un édit est un acte rendu par le roi sur une seule matière. Déclaré « perpétuel et irrévocable », ce qui signifie que seul un autre édit peut modifier ou supprimer ses clauses, celui-ci est destiné à "ceux de la religion prétendue réformée", c’est-à-dire aux protestants, mais aussi indirectement aux catholiques qui doivent être rassurés par l’affirmation que le catholicisme est bien la religion dominante et que le culte public du protestantisme est limité. Il se compose de :
- 95 articles de caractère général, précédés d’un préambule; 92 de ces articles sont retenus par le Parlement de Paris chargé d’enregistrer l’Edit ;
- 56 articles secrets (les particuliers) qui concernent la mise en application concrète de l'édit ;
- 2 brevets, accordés par le roi à titre personnel et donc non enregistrés par le Parlement : 1 sur le financement du culte, des collèges et académies réformés, et l’autre concernant les 150 places fortes (ou places de sûreté) accordées aux protestants.
L'ensemble des mesures de l'édit de Nantes reprennent à peu près celles des édits de pacification antérieurs, mais elles sont, cette fois, appliquées.
Le préambule affirme que la paix du royaume est nécessaire, même si tous les sujets ne prient pas Dieu de la même manière, comme c'était le cas avant les guerres de Religion : « Et s'il ne lui a plu [à Dieu] de permettre que ce soit pour encore en une même forme de religion, que ce soit au moins d'une même intention, et avec telle règle qu'il n'y ait point pour cela de trouble ou de tumulte entre eux. »
La liberté de conscience est affirmée à l'article 6 : « Nous permettrons à ceux de ladite Religion prétendue réformée de vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de notre royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés, ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience, ni pour raison d'icelle être recherchés ès maisons et lieux où ils voudront habiter». Mais la liberté du culte est restreinte : l’édit accorde aux réformés la liberté de culte dans deux localités par bailliage et chez les seigneurs hauts justiciers protestants (mais non à Paris et dans ses environs) ainsi que de façon privée, à condition que l'assistance ne dépasse pas trente personnes. Les deux religions ne sont pas traitées de manière égale, l'édit privilégiant l'Église catholique.
L'édit accorde l'égalité civique et l'admission des protestants aux offices et charges publiques, des chambres mi-parties (tribunaux moitié catholiques-moitié protestants), le droit de tenir consistoires et synodes et, à titre de garantie, pour une durée de huit ans.
Les protestants se voient octroyer une centaine de places de sûreté aux frais du roi, dotées chacune d'un gouverneur et d'une garnison protestants, privilège renouvelé en 1607, 1611 et 1615 et qui correspond à une abdication de la souveraineté du roi sur ces villes. Parmi ces places de sûreté figurent La Rochelle, Loudun, Mantes, Montauban, Montpellier, Nîmes, Saint-Jean-d'Angély, Saumur, ou encore Uzès. L'édit de Nantes consacre le parti protestant en tant qu'organisation militaire, et l'indépendance des grands seigneurs dans leurs places de sûreté n'est pas sans rappeler l'époque féodale ; c'est ce qu'on appelle « l'État dans l'État ».
Si l’édit de Nantes peut être imposé, c’est parce que le roi dispose désormais d'un réel pouvoir, soutenu par un parti puissant réunissant à la fois des catholiques et des protestants. Henri IV est résolu à faire respecter ses décisions, ainsi qu'il l'affirme nettement aux parlements qui tardent à enregistrer le texte. En effet, le texte est mal perçu lors de sa proclamation, les protestants se plaignant d'avoir peu obtenu, tandis que les catholiques sont indignés que le roi accorde des avantages aux protestants. Il rencontre l'hostilité de quasiment tous les parlements du royaume à commencer par celui de Paris, qui doit obligatoirement ratifier l’édit pour qu’il prenne force de loi dans tout le royaume et qui ne l’enregistre que le 25 février 1599, non sans en avoir renégocié le texte, qui passe de 95 à 92 articles. Les parlements de province le ratifient pour la plupart en 1600; mais il faut attendre 1609 pour que le parlement de Rouen consente à l'accepter. Théodore Agrippa d'Aubigné, célèbre poète protestant et proche d’Henri IV, le qualifie d’« abominable édit » et s'exile à Genève. L'édit de Nantes est aussi très critiqué par le pape Clément VIII, pour lequel « … la liberté de conscience […] était la pire chose du monde ».
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