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Ordonnance de réformation de l'administration par Saint Louis au retour de la croisade

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Par   •  21 Mars 2020  •  Dissertation  •  6 338 Mots (26 Pages)  •  910 Vues

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Ordonnance de réformation de l’administration par Saint Louis au retour de la croisade

        « A justice tenir et à droit rendre, sois loyal et raide à tes sujets […] et soutiens la querelle du pauvre jusqu’à ce que la querelle soit éclaircie ». Ainsi déclare Saint Louis, particulièrement soucieux d’une justice équitable, à son fils aîné Phillipe en 1255. Cette thématique de la justice équitable occupe une place remarquable dans ce document qui est une ordonnance de réformation de l’administration émise en décembre 1254. Une ordonnance est une constitution royale fixant des procédures de règlement et qui a force de loi. Dans ce cas, l’ordonnance est élaborée directement par Louis IX, dit Saint Louis.  Louis IX, second fils connu de Louis VIII et de Blanche de Castille, est né le 25 avril 1214 à Poissy – seigneurie que son père reçoit de son grand-père en 1209. Il règne pendant plus de 43 ans de 1226 jusqu'à sa mort en 1270. Il hérite de la couronne à la mort de son père, alors qu'il n'est âgé que de douze ans. Il est alors sacré le 29 novembre 1226 en la cathédrale de Reims, mais c'est sa mère Blanche de Castille qui exerce la régence du Royaume jusqu'à la majorité de Louis IX. Louis IX est un roi réformateur qui veut un royaume dont les sujets sont soumis à un pouvoir juste : il introduit dans le pays des baillis et des prévôts, ordonne la présomption d'innocence, atténue l'usage de la torture, interdit l'ordalie et la vengeance privée et institue la supplicatio, consistant à pouvoir faire appel au roi pour l'amendement d'un jugement. Il est canonisé le 11 août 1297 sous le nom de saint Louis de France par le pape Boniface VIII, sous l'impulsion de son petit-fils Philippe IV le Bel. Cette ordonnance de réformation de l’administration tient compte des insuffisances de l'administration royale, des abus des officiers royaux, révélés par l'enquête menée en 1247. Inquesta, inquisitio (enquête) et querimonia (plainte) désignent les vastes enquêtes demandées par Louis IX avant la croisade en 1247-1248 et à son retour de Terre sainte en 1254 jusqu’à sa mort en 1270. Cette ordonnance tient compte aussi de la volonté du monarque de gouverner avec un esprit de rigueur religieuse et morale qu'il a acquis au cours de la croisade, notamment pour permettre que les baillis et prévôts soient irréprochables. Le bailli a d’abord désigné un agent domanial, qui exerce ou non des fonctions judiciaires ou financières. Le bailli royal du Moyen-Age est un représentant du roi dans l’ensemble de ses fonctions dans une vaste circonscription, qu’est le bailliage. L’institution se stabilise vers 1240-1250, le bailli devient donc un agent unique nommé par le roi, salarié, soumis au contrôle des institutions centrales et enquêteurs royaux et révocable à tout moment. Un prévôt est, à l’époque médiévale, au sens domanial, un personnage chargé de gérer des biens et des revenus pour le compte d’un maître, un seigneur laïc ou ecclésiastique. Les fonctions d’intendant et maire ont une signification semblable. Il faut aussi ajouter à ses fonctions, les fonctions judiciaires, les enquêtes et la conduite de contingents locaux à l’ost du roi. Telles sont ces principales fonctions que Louis IX veut contrôler et rendre irréprochables. A travers cette ordonnance, Louis IX interdit le blasphème, le jeu, la prostitution et la fréquentation des tavernes. Cette ordonnance de réformation de l’administration royale est promulguée en décembre 1254 dans un contexte de retour de la septième croisade, première pour Saint Louis. Nous pouvons reprendre la définition de la croisade de Michel Balard : « La croisade est un pèlerinage en armes, qui se donne pour objet la délivrance du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Lancée par une bulle pontificale, elle est placée sous l’autorité de l’Eglise, en la personne d’un légat pontifical. Ses participants se reconnaissent à certains signes extérieurs, tel le port d’une croix, et bénéficient de privilèges spirituels et temporels, garantis par l’Eglise. » Cette septième croisade débute avec la prise de la croix par Saint Louis en décembre 1244, dans une société où l’esprit de croisade est en déclin. Louis IX prend donc la croix de sa seule volonté et doit rallier à sa cause le royaume. Pour l’historien Jacques le Goff, Saint-Louis veut « incarner le modèle du roi chrétien idéal, pour accomplir son salut en servant son royaume de France et la Chrétienté ; la croisade faisant partie de ce programme. » Le départ se fait de Paris le 12 juin 1248 et l’embarquement à Aigues-Mortes le 25 août 1248. Louis IX choisit l’Egypte pour le débarquement le 5 juin 1249, puisque l’Egypte et Damiette sont le symbole pour les chrétiens de la clé militaire et politique de la Palestine. Louis IX a l’intention d’installer en Egypte un peuplement chrétien, ce qui se traduit par la construction d’une église chrétienne à Damiette après la prise de la ville, ce qui permet de davantage sécuriser la Terre sainte. Lors de cette croisade, nous pouvons ajouter que Saint-Louis va chercher le Christ lui-même en Orient au-delà du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Mais la croisade prend un tournant autre que celui escompté. En effet, pendant les mois suivant le débarquement, Saint-Louis et son armée font face aux épidémies (typhus, scorbut) mais aussi à la supériorité militaire des musulmans dans certains domaines, notamment le feu grégeois. Par conséquent, les musulmans détruisent trois châteaux construits par les croisés. Les croisés tentent donc une traite par la terre et par l’eau, avec l’apogée de Saint-Louis en roi chevalier lors de la victoire de la Mansourah le 9 février 1250. Mais, l’armée en retraite est battue le 6 avril 1250 à Fariskur, où Saint-Louis lui-même est fait prisonnier pendant un mois. Nous pouvons ajouter que Saint-Louis décide de rester en Terre sainte pour une durée indéterminée, une absence – longue pour une croisade – durant de mai 1250 à avril 1254. Mais Louis IX met fin brutalement à son séjour en Terre sainte, lorsqu’il apprend au printemps 1253 la mort de sa mère Blanche de Castille, décédée le 27 novembre 1252. Nous sommes aussi dans un contexte où, au XIIIe siècle, les souverains ont repris en main l’aristocratie à une échelle géographique de plus en plus large. En effet, nous assistons à la reconstruction de l’autorité royale avec des fondations posées progressivement d’un Etat royal centralisé et administratif. C’est donc dans ce contexte de retour précipité de croisade en décembre 1254, marquée par son échec en Egypte, et de reconstruction et d’affirmation de l’autorité royale que cette ordonnance de réformation de l’administration est émise.

        Par conséquent, nous pouvons nous demander en quoi, à travers cette ordonnance de réformation, Saint-Louis, au retour de sa première croisade, exprime sa volonté de contrôler, de moraliser et de moderniser l’administration.

        De prime abord, nous aborderons le fait que cette ordonnance veut limiter la liberté d’action des officiers royaux. Dans un second temps, nous justifierons le fait que Saint-Louis veut une justice plus moderne. Enfin, nous verrons qu’à travers cette ordonnance, un meilleur contrôle du royaume passe par un contrôle total et moral sur les agents royaux.

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        Par cette ordonnance de réformation de l‘administration, Saint Louis veut limiter la liberté des officiers royaux. Tout d’abord, cette ordonnance annonce limiter la liberté des officiers dans leurs baillages. Premièrement, cela passe par le fait de limiter leurs droits. En effet, les baillis représentent le roi auprès des officiers inférieurs, comme les prévôts ou les vassaux royaux. Le roi se doit donc de limiter les droits des baillis, puisqu’ils agissent en son nom.  De plus, nous pouvons préciser que plusieurs fois dans cette ordonnance, Saint-Louis utilise « sans notre accord », notamment aux lignes 48 et 52. C’est une première manière pour Louis IX de limiter les droits des baillis, puisque pour agir, ils doivent avoir l’accord du roi en personne. Afin de limiter leurs droits, où Saint Louis donne ou non son accord, ce dernier annonce plusieurs mesures. Une de ces mesures est annoncée par Louis IX des lignes 46 à 48 où il déclare qu’il interdit que ses baillis « n’achètent ou ne fassent acheter par eux ou d’autres des biens ou des terres dans leurs bailliages ou d’autres, pendant qu’ils sont à notre service ». Ici, Saint Louis précise que les baillis, à partir du moment où ils ont prêté serment au roi, ne peuvent pas se constituer de propriété foncière, bien évidemment sans l’accord du roi. Cela marque donc une volonté de Saint Louis de limiter les droits des baillis, puisque s’ils se constituent une propriété foncière, ils auront un ancrage territorial, ce qui détourne les baillis de leur fonction de représentation du roi à l’échelle locale. En effet, ils ne vont plus agir pour le roi, mais pour eux, pour assurer la prospérité de leur propriété foncière. Il tient aussi à préciser que des lignes 50 à 52, Saint Louis déclare que les baillis ne doivent pas marier « leurs fils et filles ni d’autres personnes qui leur appartiennent, à aucune personne de leur baillage sans notre accord ». Saint Louis précise qu’il faut son « accord » pour que les enfants des baillis puissent se marier avec une personne du même, ou d’un autre, bailliage. Nous voyons donc que c’est une autre manière pour Louis IX de limiter les droits des agents royaux. Pour expliquer ceci, nous pouvons faire référence aux stratégies de mariage des baillis. En effet, les baillis sont recrutés parmi la petite noblesse et la bourgeoisie urbaine. Ces mêmes baillis vont donc essayer, dans leurs bailliages respectifs, de marier leurs enfants pour créer des liens de filiations avec d’autres personnes du même rang qu’eux ou d’un rang supérieur. Par conséquent, le fils d’un bailli va chercher à contracter un mariage hypergamique, c’est-à-dire avec une personne de rang supérieur, de l’aristocratie locale. Dans ce cas, le bailli va nouer des liens avec cette famille aristocratique et va d’avantage agir pour ses intérêts et les intérêts de cette famille, que pour l’intérêt du roi, d’où la nécessité pour Saint Louis de limiter les droits des baillis en matière de mariages de ses enfants. Nous voyons donc que Louis IX décide de limiter la liberté des baillis dans leurs baillages en limitant leur droit d’achat de terres en limitant leur de droit de mariage de leurs enfants. Mais, Saint Louis limite, comme nous pouvons le voir dans son ordonnance, la liberté d’action des baillis et prévôts en matière de guerre, d’impôts et d’exportations.

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