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Disgrace

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Par   •  4 Mars 2020  •  Cours  •  3 760 Mots (16 Pages)  •  487 Vues

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Présentation de l’œuvre :

Ce livre relate l’histoire d’un professeur de communication, qui à la suite d’un scandale est contraint de démissionner. David Lurie, qui n’est autre que le protagoniste est accusé du viol de Mélanie Isaacs, une de ses étudiantes. Cet incident qui va rompre la quiétude qui semblait régner dans la vie du professeur Lurie est loin d’être le fruit du hasard, mais plutôt quelque chose d’inéluctable . En effet, d’emblée, l’incipit nous offre un avant-goût de la vie tumultueuse de David Lurie qui a recours à la prostitution et ce afin de préserver un semblant de vie sexuelle après l’échec de ses deux mariages. Un jour alors qu’il flâne en ville où « le flot des corps circulent, où le désir est aux aguets », il aperçoit Soraya, la prostituée qu’il fréquente régulièrement, accompagnée de ses deux enfants. Lorsque leurs regards se croisent David comprend que rien ne sera jamais comme avant. Ainsi sa semaine « sans l’interlude du jeudi est comme un désert dont rien ne brise la monotonie ». C’est sa rencontre avec la jeune Mélanie qui va donner un nouvel élan à sa vie sexuelle. L’ironie du sort a voulu que ce soit son dernier « coup d’éclat ».

En effet les parents de Mélanie décident de porter plainte et l’affaire éclate au grand jour. Le professeur Lurie doit répondre de ses actes devant une commission disciplinaire qui n’est pas sans rappeler la Truth and Reconciliation Commission . Réticent à l’idée de devoir se livrer à des excuses publiques, le professeur refuse de formuler toute excuse et va jusqu’à offusquer la commission en évoquant « les droits du désir » en guise de défense. L’argument de David Lurie est assez révélateur et semble trahir un profond malaise chez le personnage. Comment peut-on revendiquer de tels « droits »? L’idée de « droits au désir » n’implique -t-elle pas le sacrifice d’innocents comme Mélanie qui seraient à la merci des plus forts ? En somme ne s’agit-il pas d’un simple retour à l’anarchie, à l’état de nature ? L’argument de David Lurie perd toute pertinence eu égard à la diégèse (post-Apartheid). En effet chez Lurie, la notion de « droit » fait allusion à une période révolue dans laquelle l’Homme blanc régnait en maître.

C’est d’ailleurs ce que Farodia Rassool condamne lorsqu’elle parle d’« une exploitation qui remonte fort loin ». Dès lors, il semble y avoir un certain décalage entre les aspirations du protagoniste et celles de cette Nouvelle Afrique du Sud régie par un certain puritanisme et dont la commission disciplinaire multiraciale se veut la voix. Véritable révolution sociétale ou leurre ? La première partie de l’œuvre nous donne un tout autre visage de l’Afrique du Sud dans laquelle les abus et les exploitations, racisme, sexisme sont sévèrement punis. Il semblerait que ce soit « la fin de l’Histoire ». Toujours est-il que le séjour de David Lurie à Salem montre qu’il en va tout autrement. Son séjour à la campagne s’apparente davantage à un retour à l’état de nature où les tensions ancestrales sont remises au goût du jour : désir de vengeance, désir d’humilier « l’autre ». L’antagonisme entre passé et présent semble aller dans cette direction. Le passé refait surface et vient hanter le présent. Ainsi le cadre spatio-temporel de l’œuvre nous offre-t-il tel un microcosme , un aperçu des tensions inhérentes à la nation arc-en-ciel au sein de laquelle, David Lurie, Lucy, Mélanie et Pétrus naviguent sans cesse entre passé et présent. En fin de compte l’histoire n’est pas achevée. Elle est un éternel recommencement. Dans un tel cas, peut-il y avoir un futur avec le fardeau que semble constituer le passé ?

Auteur inconnu (pseudonyme) source : https://fr.scribd.com

Extrait 1 :

Le théâtre de l’Amicale des étudiants est plongé dans l’obscurité. Sans se faire remarquer, il prend place au dernier rang. En dehors d’un homme presque chauve vêtu de l’uniforme du personnel d’entretien quelques rangs devant lui, il est le seul spectateur dans la salle.

Le titre de la pièce qu’on répète est Le soleil se couche au salon du Globe : c’est une comédie sur la nouvelle Afrique du Sud qui se passe dans un salon de coiffure à Hillbrow, quartier de Johannesburg. Sur la scène, un coiffeur, un homosexuel exubérant, s’occupe de deux clientes, une Blanche et une Noire. On échange des galéjades : des plaisanteries, des insultes. Tout semble reposer sur un principe cathartique : tous les vieux préjugés les plus grossiers sont mis au grand jour et liquidés dans le déchaînement des rires.

Disgrace J.M. Coetzee

Extrait 2 :

Sur la place Donkin les marchands montent des tables sur des tréteaux et étalent leurs produits. Il y a une odeur de viande qui grille. Un brouillard froid recouvre la ville ; les gens se frottent les mains, tapent des pieds, jurent. A son soulagement, Lucy se tient à l’écart de la bonhomie qui règne.

Leur étal semble être dans la partie du marché réservée aux produits maraîchers. A leur gauche trois Africaines vendent du lait, du masa, du beurre ; ainsi que des os pour la soupe, stockés dans un seau recouvert d’un chiffon humide. A leur droite, c’est un vieux couple d’Afrikaners, que Lucy salue en les appelant Tante Miems et Oncle Koos, aidé par un garçon coiffé d’un passe montagne et qui n’a guère plus de dix ans. Comme Lucy, ils vendent des pommes de terre et des oignons, des pots de confiture, des conserves, des fruits secs, des paquets de plantes à infusion, buchu et autres, des herbes aromatiques. (…)

Beaucoup de clientes de Lucy l’appellent par son nom : des femmes qui ne sont déjà plus jeunes pour la plupart la traitent comme l’une des leurs, comme si sa réussite était aussi la leur. A chacune, elle le présente : « Mon père, David Lurie, qui est venu me voir du Cap. » « Vous devez être fier de votre fille, monsieur Lurie », disent-elles. « Ça oui, répond-il, je suis très fier d’elle. »

« Bev s’occupe du refuge pour les animaux abandonnés, dit Lucy après l’avoir présenté à l’une de ses clientes. Je vais lui donner un coup de main de temps en temps. On s’arrêtera chez elle en rentrant, si tu n’y vois pas d’inconvénient. »

Bev Shaw ne lui a guère plu, une petite femme affairée, rondelette, avec des grains de beauté noirs, des cheveux drus, coupés très court, et pas de cou. Il n’aime pas les femmes qui ne se donnent pas la peine d’être séduisantes. Il a déjà éprouvé ce genre de réticence envers les amies de Lucy. Il n’y a pas de quoi être fier de ça : c’est un préjugé qu’il a dans sa façon de voir, un préjugé solidement ancré dans sa tête. Sa tête est devenue le refuge de vieilles idées, qui flottent là, stériles, indigentes, n’ayant nulle part où aller. Il devrait les chasser, faire le ménage. Mais peu lui importe de passer

Disgrace J.M. Coetzee

Document 1 :

Image extraite du film Disgrace de Steve Jacobs 2008

Extrait 3 :

Trois hommes s’avancent vers eux sur le chemin, ou plutôt deux hommes et un jeune garçon. Ils marchent vite, à grandes enjambées comme les paysans. Le chien que Lucy tient en laisse ralentit, hérisse le poil.

« Il y a lieu de s’inquiéter? dit-il à voix basse.

– Je ne sais pas. »

Elle raccourcit les laisses des dobermans. Les hommes arrivent à leur hauteur.

Signe de tête, salut, ils les ont croisés.

« Qui sont-ils ? demande-t-il.

– Je ne les ai jamais vus. »

Ils arrivent à la limite de la plantation et font demi-tour. Les inconnus ont disparu.

Comme ils approchent de la maison, ils entendent les chiens qui se déchaînent dans leurs cages. Lucy hâte le pas.

Les trois types sont là, qui les attendent. Les deux hommes se tiennent à l’écart, tandis que le plus jeune, près des cages, jette des sifflements vers les chiens et fait des gestes brusques, menaçants. Les chiens, furieux, aboient, claquent des mâchoires. Le chien que Lucy tient en laisse tire pour se libérer.

Même la vieille chienne bouledogue, qu’il semble avoir adoptée comme sa chienne à lui, grogne doucement.

« Petrus ! » crie Lucy. Mais pas trace de Petrus. « Éloigne-toi des chiens ! crie-t-elle. Hamba !»

Le garçon s’éloigne nonchalamment et rejoint ses compagnons. Il a un visage aplati, sans expression, de petits yeux porcins ; il porte une chemise à fleurs, un petit chapeau jaune. Ses deux compagnons sont en bleu de travail. Le plus grand est beau garçon, un physique exceptionnel, le front haut, des pommettes bien découpées, les narines larges, bien ouvertes.

A l’approche de Lucy, les chiens se calment. Elle ouvre la troisième cage et y fait entrer les deux dobermans libérés de leur laisse. Geste courageux, se dit-il ; mais est-ce bien sage ?

Elle s’adresse aux hommes : « Qu’est-ce que vous voulez ? »

C’est le jeune qui parle. «

...

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