Identités Culturelles
Compte Rendu : Identités Culturelles. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirese - qui laissent leur empreinte sur un individu, et qui contribuent à la composition de sa personnalité, de son identité. Evidemment la question raciale - la couleur de la peau, le nom que l'on porte, sont ici des questions primordiales. Kureishi est intéressé par son propre cas, le curieux mélange de continents et de sangs, le sentiment d'appartenir à la fois à l'Angleterre et au sous-continent indien. Le thème de l'environnement urbain (Londres et sa banlieue sud) est également présenté - si ce n'était pas déjà fait dans le titre du livre. Cependant, ces fils conducteurs ne dominent par son ouvrage au point de devenir la force motrice de son écriture. Ils sont là néanmoins, mêlés à d'autres thèmes, et ils sous-tendent les autres questions traitées, telle l'appartenance à un groupe social, que ce soit une famille, un clan, un groupe racial ou une classe sociale... mais qu'est-ce que l'identité, si ce n'est une définition de soi-même par rapport à autrui? Par rapport aux repères temporels et spatiaux ? Il est évident, comme disait le critique Brian Appleyard dans le Sunday Times Magazine (17 mars 1990) que ce roman "flirte dangereusement avec l'autobiographie." Le personnage de Karim et l'auteur Kureishi ont beaucoup de choses en commun. Né en 1954 à Bromley dans le Kent d'un père pakistanais et d'une mère anglaise, tous deux commencent leur carrière au théâtre "alternatif" ou marginal. Karim est acteur - le métier de la mutation par excellence - et Kureishi, lui, écrit des pièces. Mieux connu probablement comme scénariste du film My Beautiful Launderette, mis en scène par Stephen Frears en 1985, pour lequel il a été présélectionné pour un oscar, en fait Kureishi écrivait des pièces produites essentiellement sur le circuit "fringe" à Londres (Riverside, Soho Poly), avant d'entrer au Royal Court Theatre comme écrivain résident (writer in residence), Scénariste de Sammy and Rosie Get Laid (1988), également mis en scène par Stephen Frears et de London Kills Me (1991) qu'il a mis en scène lui-même, il travaille également comme journaliste, collaborant à divers journaux et périodiques, notamment New Society and Statesman. Il n'hésite pas à afficher ses préférences politiques, qui sont bien connues d'ailleurs, profitant de ces diverses plates-formes pour condamner les excès de l'époque thatchérienne et approuvant les émeutes anti-poll tax. Il se sait condamné à rester aux marges de la société britannique, et se plaît donc à renforcer bien volontiers cette position. Cette place marginale et sa prise de position politique déteignent sur ses oeuvres, donnant une raison d'être à son écriture. Son identité fluide, qui est le résultat de l'étonnante mixité et de la diversité de ses origines et de ses expériences (il est licencié en philosophie de l'Université de Londres) lui permet de vaciller dans sa marche vers la récupération totale par la société "imainstream," |
33En fait il refuse d'être totalement récupéré - de toute façon, ce n'est pas possible - et ce qui le sauve, c'est son sens de l'humour. Est-ce son héritage britannique qui l'amène à voir l'absurde et le comique autour de lui? Toutes ses oeuvres sont pleines de situations comiques, absurdes ou grotesques, le tout dépeint d'une touche légère. Même ses oeuvres les plus noires ou les plus pessimistes, comme The King and Me (1980), onte leurs moments d'humour. Revenant à son roman, on pourrait classer The Buddha of Suburbia dans la meilleure tradition du roman picaresque, bien que les éléments classiques de ce genre se trouvent aussi dans ses pièces et ses scénarios. Il met en scène des personnages issus du peuple, volontiers vagabonds, qui errent, toujours à la recherche d'autre chose, jamais sûrs et jamais satisfaits. Cette errance (ou vagabondage) est examinée au niveau concret - ses personnages zigzaguent à travers la carte du Grand Londres, à la recherche de choses et de gens, réels ou imaginaires. En même temps, leurs diverses quêtes les entraînent dans des voyages à travers le temps et à la rencontre de diverses cultures et sous-cultures lorsqu'ils cherchent à se fixer et, justement, à s'établir une identité. Ce mouvement, cette fluidité leur permettent d'emprunter, de voler des morceaux afin de se construire une sorte d'identité en "kit." N'est-ce pas ce que nous faisons tous? L'homme est composé d'un ensemble de morceaux en recomposition constante. Pour parler de la question d'identité(s) dans l'oeuvre de Kureishi on pourrait examiner ce sujet à partir de ces critères qui, une fois ajoutés les uns aux autres, donnent l'image composite d'un homme ou d'une femme - ce sont les constituants de son identité. Pour les besoins de cette analyse on peut les diviser grossièrement en deux grands groupes: premièrement, les critères qui confèrent une identité "externe" à une personne, c'est à dire les éléments "visibles" (race, classe sociale, etc.). Le deuxième groupe comprendrait les éléments "internes," plus subtils, qui sont les influences formatrices. On pourrait y inclure l'influence de la famille, les lieux géographiques, voire "l'air du temps." Pour rester "politically correct" il ne faudrait pas insister sur la couleur de la peau comme élément majeur dans cet exercice de construction de l'identité. Néanmoins, comme nous l'avons déjà dit, le problème de la race, et tous les problèmes épineux et sans solution que cette question soulève, sont fondamentaux dans les travaux de Kureishi. En fait, il y puise une source inexploitée jusque-là. Avant lui, personne n'a décrit la micro-société asiatique en |
34Grande-Bretagne. Victime dans sa vie personnelle de la discrimination et de la violence qui l'accompagne parfois, c'est en arrivant que Kureishi a pu prendre sa revanche intellectuelle. Mais il ne faut pas croire qu'il épingle seulement le racisme de la société britannique vis à vis de ses concitoyens de l'ancien Empire. Ses dards sont destinés autant aux Pakistanais qu'aux Anglais. En fait, il est intéressant de noter une évolution dans sa façon de traiter cette question. Dans ses premiers travaux, il traitait les Noirs et les Blancs séparément. Par exemple, dans Birds of Passage (1983), Asif, élève-ingénieur pakistanais, loge chez une famille blanche à Sydenham (banlieue sud de Londres). Ami du fils de la maison, il est quand même considéré comme "différent" - "You Asians," lui dit son ami Paul, même s'ils se battent chaque soir, du même côté, contre les voyous racistes du council estate (BP 40). La famille, jusque-là aisée, ne se posait pas de questions sur son devenir ni sur la direction que prenait la société britannique. Maintenant, elle se trouve en difficulté, et c'est Asif qui achète la maison et les oblige à partir. Dans My Beautiful Launderette également, les Noirs et les Blancs sont présentés séparément, Kureishi s'amuse à nous montrer la richesse matérielle des Pakistanais - des hommes d'affaires qui ont réussi dans la vie en pratiquant tout ce que prêchait le gouvernement conservateur des années 80 sur l'entreprise et le "self-help." Le contraste avec les voyous blancs, de la classe ouvrière, est frappant. C'est Johnny qui fait le pont entre les deux camps, car il aime Omar et il accepte de travailler pour sa famille. L'appartenance au groupe racial est soulignée: 'Don't cut yourself off from your own people.' (MBL 79) C'est l'avertissement de son copain Genghis à Johnny. De la même façon, le cousin Salim invite Omar: "You'll be with your own people" (MBL 55). Chaque groupe clame son identité, que ce soit à travers "the immigrant work ethic" pour le Pakistanais, ou par la néo-ethnicité blanche à laquelle adhère la bande de Johnny - Front National, équipes de foot comme Millwall ou Crystal Palace, et manifestations violentes. Dans les oeuvres qui suivent, il y a une sorte de convergence entre les races. Dans Sammy and Rosie, par exemple, ce rapprochement est symbolisé par le mariage de Sammy, le Pakistanais, avec Rosie, l'Anglaise. Leur mariage est dit "ouvert" et ils ont chacun des liaisons - elle avec un Antillais, lui avec une Américaine. Le père de Sammy arrive du Pakistan, et renoue avec une ancienne maîtresse blanche. Ce n'est que dans The Buddha of Suburbia que Kureishi présente un personnage de race mixte, mais cette mixité est centrale au livre, et explique bien |
35l'indécision et l'errance du personnage: "I always wanted to be somewhe else," dit Karim (BS116)."What a confused boy he was," dit-on de lui (BS 118). Dans son film récent, London Kills Me, la question de la race n'est pas abordée directement. Il est vrai qu'elle n'est pas toujours abordée dans certains autres écrits de Hanif Kureishi (The King and Me, Outsiders, Tomorrow Today) mais dans ce dernier film, il y a des personnages noirs ou blancs ou de race mixte, et ceci paraît tout à tait fortuit ou accidentel. En n'insistant pas sur ce facteur, Hanif Kureishi serait-il en train d'exorciser ce sujet qui jusque-là l'irritait tant? Bien sûr, il est question du problème de l'intégration de l'immigré dans la société d'accueil, tout comme il est question de la discrimination. Cette dernière est traitée à plusieurs niveaux par Kureishi
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