La Fable Et La Vérité

a vieille femme. Un sentiment de rejet est à noter. Toute la société, c'est à dire, les « jeune(s) et vieu(x) » (v.5) fuient devant la vérité. Pourtant, le narrateur externe et omniscient de ce texte trahit sa position avec l’adjectif «pauvre»: il est compatissent et cela accentue la pitié ressentie par le lecteur. L’exclusion de la vieille femme par la société se note par la présence de termes caractérisant des lieux, mis en relation par d’autres représentant la solitude, la pauvreté ou la tristesse comme « toute nue » (pour la pauvreté) et « puits » (caractérisant son habitation précaire) ainsi que « morfondue » (tristesse) ou encore « asile » (foyer décent). On peut également noter les allitérations dissonantes dans la description de la Vérité qui donne un son non mélodieux grâce à notamment la présence du son « -té » (v.6 et v.7 par exemple). La vérité est donc personnifiée en une femme pauvre, laide, vieille, et qui fait fuir tout le monde.

A partir du 7ème vers entre en scène la Fable. Elle est personnifiée, elle est « richement vêtue ». La Fable est plus sociable que la Vérité, nous pouvons affirmer cela car c'est elle qui maitrise le discours tout au long de l'œuvre. De plus les nombreuses interjections formulées par la Fable telles que « Eh! Vous voilà! » (v.11) montre qu'elle n'a pas du mal à venir vers les autres. Elle est donc énergique, extravertie. L’expression « sans vanité » (v.19) montre que dans son discours avec la Vérité, la Fable pèse ses mots ce qui conforte l’idée de séduction par la parole. Elle est riche bien que se ne soit parfois que des artifices « richement vêtue, portant plumes et diamants, la plupart faux, mais très brillants. » (v.8 et v.9). La Fable est aussi populaire comme nous l’indique l'expression « partout je suis fort bien reçue » (v.20) Avec l'adverbe de totalité « partout », la Fable nous montre clairement qu'elle n'est ,dans aucun cas, rejetée. La Fable est donc le contraire de La Vérité. Elle est belle, riche, jeune, dynamique et aimable. Pourtant elle cherche à aider la Vérité pour son intérêt, elle joue donc un jeu.

Ainsi nous voyons que Florian oppose le mensonge et la vérité grâce à la personnification en deux femmes d’allures radicalement perceptibles.

Mise à part la double personnification, ce qui fait de cette fable un véritable chef d'œuvre, c'est qu'elle a un but satirique. En effet les personnages jouent un rôle par rapport à la morale et de plus la fable est le moyen littéraire par excellence pour critiquer et pour faire imprimer un message aux lecteurs.

La vérité est présentée dans ce texte, elle signifie tout dévoiler sans négliger de détails, comme nous pouvons le voir grâce à l'expression « La Vérité toute nue »(v.1) qui se rapproche de « se mettre à nu ». La vérité est donc sans artifices. Pourtant l'expression « sortit un jour de son puits » montre qu 'elle n'est pas souvent dévoilée au grand complet. Comme vu précédemment, la société rejette la vérité. Mais cela va plus loin, tous ont peur d’elle, ce qui implique du point de vue de la morale que « toute vérité n’est pas bonne à dire ou à entendre ». Le terme « en vain » insiste sur le fait que peu de gens osent dire la vérité entièrement mis à part les « sage(s) ». Mais le terme sage peut aussi faire référence à Platon dans son œuvre La République. Par les deux vers 26 et 27, on note que selon Florian, la majorité de la société se compose de personnes malhonnêtes et que peu de monde est « sage », c’est-à-dire francs. A l'inverse de la vérité, la fable séduit. Elle est « partout bien reçue » ce qui implique que le mensonge paraît plus accessible au plus grand monde. L'adverbe « partout » signifierait donc la société. Comme vu précédemment, la fable use d'artifices, elle est habillée de manière élégante, même si ce qu'elle porte est faux. Il s’agit là pour Florian de montrer que le mensonge paraît être un atout séduisant, mais en réalité, il ne repose sur rien de concret. Par contre, « À cause de moi, chez les fous vous ne serez point maltraitée » indique que les nobles, puisque « fous » représente la noblesse, sont d’habituels menteurs. Ainsi, au delà de la personnification, la fable et la vérité représentent le mensonge et la sincérité dans notre société. Florian montre que la majeure partie des gens ment et plus particulièrement la noblesse (qui possède le pouvoir). A l’inverse, peu de personnes sont franches. Les « sages » ou plutôt les philosophes le sont. L’auteur montre aussi que le mensonge n’est que de la poudre aux yeux et ne vaut pas la franchise. Il donne implicitement son avis sur la question de la vérité.

La fable est souvent utilisée pour dénoncer les travers de la société. L’atout de ce genre étant la morale qui imprime un message dans la conscience du lecteur. La morale de ce texte est : « Chez le sage, à cause de vous, je ne serai point rebutée ; a cause de moi, chez les fous, vous ne serez point maltraitée » (v. 26 à 29). Elle signifie que pour fonctionner, le mensonge et la sincérité doivent se lier ensemble. Pour créer l'apologue, il faut du récit (la fable) et de la sincérité (la vérité). Ainsi, pour l’auteur, le mensonge n’est pas répréhensible lorsqu’il est ponctué d’une part de vérité.