Dom Juan est un personnage total, héros et anti-héros 

Dissertation sur l’œuvre : Molière, Dom Juan, 1665

L’œuvre de Dom Juan est écrite par Molière en 1665 suite à l'interdiction des représentations de sa pièce précédente Le Tartuffe (1664) qui fut censurée pour des raisons politiques et religieuses. Molière n'est pas le premier à s'inspirer du mythe du séducteur infidèle puisque le premier à avoir inventé ce mythe est Tirso de Molina au début du XVIIème siècle. D'après un critique contemporain « Dom Juan est un personnage total, héros et anti-héros ». Il peut- être considéré « grandiose et éblouissant » mais aussi « médiocre et ridicule ». Est-il « un héros libre et fier » ou « un marginal hors la loi et traqué »? Dans quelle mesure Dom Juan est-il un héros et un anti-héros au sein de l’œuvre de Molière ? Complexe, ambigu, révoltant, charmeur Dom Juan est un personnage très contrasté. Nous verrons dans un premier temps en quoi Dom Juan est un héros. Nous montrerons dans un second temps pourquoi il peut aussi être considéré comme un anti-héros. Finalement nous démontrerons qu'il est un personnage total, héros et anti-héros.

Un héros est une personne qui se distingue par ses exploits ou un courage extraordinaire. L'exemple d'Ulysse parcourant les mers, bravant monstres et créatures au cours de son épopée fait de ce dernier le héros le plus célèbre de la mythologie grecque. Cyrano de Bergerac vif, fougueux, n'ayant peur de rien mais aussi courageux et solidaire envers ses amis est devenu une légende au même titre que Dom Quichotte ou Hamlet. A travers ces exemples nous pouvons donc nous demander si Dom Juan a l'étoffe du héros téméraire, courageux ?

Dom Juan est un noble et à ce titre il se doit de se comporter courageusement et doit respecter les principes de la noblesse. Respect que l'on retrouve à plusieurs reprises dans l’œuvre. A la scène 3 de l'acte III quand Dom Juan vient en aide au frère d'Elvire. Bien que poursuivi par Dom Carlos, Dom Juan n'hésitera pas à lui porter secours lors d'une attaque de brigands. Par son rang, il se doit aussi d'accepter l'invitation à souper de la statue du commandeur, c'est encore un acte courageux puisqu'il ne connaît pas les intentions de ce dernier qu'il vient juste de rencontrer. L'un des passages montrant le plus son courage est son attitude face à la mort dans les scènes 5 et 6 de l'acte V. En effet, après avoir parlé au sceptre, Dom Juan accepte de serrer la main de la statue du commandeur en sachant que cela lui coûtera la vie. Un héros n'a peur de rien.

Dom Juan a l'étoffe d'un héros de part son éloquence, il est le maître du Verbe et de la parole. Il séduit par la parole et arrive à ses fins grâce à son art, son habilité au bien parler. Sa tirade dans la scène 2 de l'acte I où Dom Juan expose sa vision de l'amour en est un exemple. Dans ce passage, après avoir critiqué la fidélité, Dom Juan fait l'éloge de l'inconstance et du libertinage. Il montre ici qu'il est un être libre, sans attache qui poursuit son voyage comme un héros errant. Quant à ses conquêtes amoureuses, qu'il compare à des conquêtes militaires, nous montrent aussi sa combativité et son courage.

Dom Juan est un véritable héros : il secours les autres, accepte des propositions d'inconnus sans aucune crainte, ne faiblit pas devant la mort et ne se repentira pas face à elle. Cependant, nous devons nous demander si Dom Juan n'est pas uniquement un anti-héros préférant le vice et refusant la vertu.

Un anti-héros est un personnage aux caractéristiques contraires à celles du héros traditionnel. On attend d'un héros qu'il reste fidèle à ses proches mais dès la première scène Dom Juan nous est présenté comme un lâche qui a abandonné Elvire. Un héros se doit aussi de ne pas intervenir dans la vie privée des gens. Or, dans la scène 4 de l'acte II, Dom Juan va séduire Charlotte afin de la « voler » à Pierrot son fiancé. Un héros ne devrait jamais mentir mais Dom Juan mentira à Charlotte et Mathurine en leur promettant à toutes les deux le mariage. D'ailleurs, dès la scène 2 de l'acte I, Dom Juan donne sa vision de l'amour qui doit être libre et bannir la fidélité. Dom Juan est un séducteur, un libertin qui aime jouer avec les femmes, ce qui n'est pas une qualité du héros.

Si l'athéisme de Dom Juan n'est pas un défaut pour un héros et que l'on pourrait trouver son positionnement face à la religion héroïque puisque l'athéisme est très mal perçu au 17ème siècle, Dom Juan essaie cependant d'imposer sa vision du monde et ne respecte pas les croyances. Dans la scène 2 de l'acte III, il rencontre un pauvre et lui demande de blasphémer contre de l'argent. Le pauvre refuse et Dom Juan va insister jusqu'à le supplier à genoux mais sans résultat. Dom Juan dans cette scène passe davantage pour le méchant que pour le héros. D'ailleurs dès la première scène son valet Sganarelle décrit son maître comme une personne qui « n'a pas de courage », il dit à Gusman que « Dom Juan mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable... ». Enfin