Remarque 7, livre V, La Bruyère
Commentaire d'oeuvre : Remarque 7, livre V, La Bruyère. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar snownl • 12 Février 2024 • Commentaire d'oeuvre • 1 019 Mots (5 Pages) • 537 Vues
Analyse linéaire de la remarque 7, livre V
Commentaire: Du début jusqu’à «parler comme tout le monde?», l’auteur dessine le portrait d’un courtisan, grâce à un dialogue fictif dont il est lui-même l’interlocuteur. C’est d’ailleurs lui qui entame le dialogue, par trois phrases interrogatives rhétoriques, ce qui peut paraître paradoxal au lecteur, puisqu’il pouvait s’attendre plutôt à la mise en voix des courtisans dont il était question dans la remarque précédente. La répétition du verbe «dire» place le passage sous le sceau de l’art de la conversation. Pourtant le lecteur n’a pas accès aux réponses du personnage, ce qui crée à la fois un déséquilibre et un effet de suspense. Ce passage s’ouvre d’emblée sur une tonalité satirique, puisque ces interrogations donnent l’impression que l’auteur ne comprend rien, comme s’il était sourd ou stupide, ce qui n’est évidemment pas le cas; ou, autre hypothèse que le lecteur est en droit de formuler, l’auteur veut signifier que les paroles prononcées par Acis ne sont pas dignes d’intérêt ou sont littéralement incompréhensibles. C’est donc une façon pour l’auteur de se moquer de son interlocuteur. S’intercalent de façon parallèle à ces interrogatives deux tournures négatives, qui soulignent l’écart qui sépare ces deux hommes, écart appuyé par l’exagération «encore moins», qui est ici d’une dédaigneuse moquerie. Enfin, l’auteur dévoile l’objet de tant de mystères, mais il fait durer l’attente. Le verbe «deviner» est quasiment à prendre au sens propre, c’est-à-dire qu’il faut être un «devin» pour comprendre les obscurs propos du courtisan. Les deux points nous donnent l’explication: Acis parlait de la météo. La banalité du propos est évidemment comique puisqu’elle contraste avec l’incompréhension de l’auteur depuis le début. Comment un sujet aussi simple peut-il faire l’objet de tant de difficultésà s’exprimer? La Bruyère rappelle ici que les conversations à la Cour sont souvent dénuées d’intérêt, l’important étant de paraître au bon moment avec
la bonne personne et de placer de temps à autre un bon mot. Le portrait que dresse l’auteur semble tout de même caricatural. L’apposition du prénom Acis puis la tournure simplifiée de l’interrogation «que ne disiez-vous?» témoignent de l’agacement de l’auteur par rapport à ces pratiques langagières. Dans un parallélisme de constructions, avec une alternance de phrases interrogatives et de discours direct à l’impératif, La Bruyère donne une leçon de simplicité. Ce n’est pas compliqué d’énoncer avec naturel des choses évidentes. Ce procédé permet de mettre en évidence le défaut dénoncé, à savoir l’emploi d’un jargon improbable. Acis tente de rétorquer, dans la seule phrase un peu longue en discours direct qui lui est autorisée. Mais l’auteur discrédite immédiatement son argument et rappelle la fonction première du langage, dans une formule proche du proverbe, avec le pronom indéfini «on» qui généralise le propos: nous parlons pour être compris. Ainsi, La Bruyère fait une référence à l’Art poétiquede Boileau: «Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement.»Dans un second temps, le moraliste monopolise davantage la parole et expose sa conception de l’art de parler qui ne peut se passer de l’esprit. Les phrases interrogatives laissent place aux phrases déclaratives, et la parole d’Acis est totalement confisquée. Le courtisan est à présent désigné comme le représentant d’un groupe, dans la périphrase au pluriel «vos semblables, les diseurs de phoebus». L’auteur dresse une frontière entre ceux qui maîtrisent le langage tel que le définit l’Académie et ceux qui le maltraitent car ils manquent d’esprit. Ce mot marque un tournant dans sa démonstration et est particulièrement mis en valeur par sa place, en fin d’une longue phrase grâce à un présentatif.
...