Commentaire de l'incipit de L'Etranger d'Albert Camus
Commentaire de texte : Commentaire de l'incipit de L'Etranger d'Albert Camus. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar delphinium • 14 Octobre 2018 • Commentaire de texte • 2 418 Mots (10 Pages) • 2 339 Vues
Proposition de commentaire composé de l’incipit de L’Etranger.
Plan possible.
I. LES CARACTERISTIQUES D’UN JOURNAL INTIME QUI NOUS RENSEIGNE SUR LA PERSONNALITE DU NARRATEUR.
1.1 Un point de vue interne qui nous fait entrer dans l’intimité du personnage
1.2 Un rapport au temps flou et détaché.
1.3. Une écriture brute.
Transition
II LE PERSONNAGE, SON ATTITUDE ET SES RELATIONS AUX AUTRES.
2.1Un personnage étrange.
2.2 Des relations particulières aux autres.
2.3 Une attitude « détachée » par rapport au décès de sa mère.
CONCLUSION
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Albert Camus publie L’Etranger en 1942 alors qu’il a abandonné l’écriture de La mort Heureuse qu’il réécrit pour donner naissance à ce roman. L’œuvre de Camus se caractérise par deux thèmes principaux : celui de l'absurde qui naît du décalage entre un besoin d'idéal et le monde réel et celui de la révolte crée par le spectacle des crimes engendrés par l'humanité. Dans L'Etranger, Camus présente un homme que des circonstances extérieures vont amener à commettre un crime et qui assiste, indifférent, à son procès et à sa condamnation à mort. L'extrait étudié se situe au début du roman. Cet incipit laisse entrevoir les prémisses d'une œuvre où le personnage-narrateur est loin d'être banal, de part la nature de ses sentiments et du manque de communication avec autrui. Nous verrons donc comment la forme particulière du journal intime nous renseigne sur la personnalité du narrateur et comment celle-ci est aussi dévoilée par ses attitudes et ses relations avec les autres.
La lecture de cet incipit laisse penser que nous sommes en présence d’un journal intime, en l'occurrence, l'hypothétique journal que le héros (Meursault) aurait pu écrire. On note d’emblée une forte présence du narrateur-personnage dont on ignore, pour l’instant l’identité ; celui-ci ne s'étant pas présenté. Dans ce récit à la première personne nous relevons ainsi l’emploi de nombreux pronoms personnels comme «je », «j' », « moi », « m' », ou « me » ainsi que des adjectifs possessifs tels que «ma», « mon». L'emploi de la première personne nous fait donc entrer dans le cadre particulier du point de vue interne où une complicité entre le narrateur et le lecteur se crée. Le point de vue interne nous permet en effet de nous introduire directement dans l'intimité intellectuelle du personnage principal. Nous partageons ainsi ce qu'il vit et ressent, la perception des événements se fait à travers son regard ou sa conscience.
L'emploi des temps et des indications de temps renforce l'idée qu'il s'agit bien d'un journal et nous renseigne sur la personnalité de celui qui le tient. Nous pouvons ainsi relever les verbes « sais », « est », « a» au présent d’énonciation. Cela marque la simultanéité entre le moment de l’écriture et le déroulement des événements : le lecteur "entre" dans le présent du héros. Notons également l'emploi du passé composé des verbes «ai reçu», «ai demandé» ou «ai dit ». Ce temps renforce l'idée que ces actions passées se font encore ressentir dans le présent. Le futur est lui aussi employé dans les verbes «arriverai », «prendrai» et «rentrerai ». Ce temps confirme que le récit se passe au moment où le narrateur écrit car les événements annoncés auront lieu dans un avenir proche. A cela s’ajoute l'emploi d'indications de temps comme «hier», « aujourd'hui », « demain», «après-demain » et « pour le moment » qui nous indiquent que le narrateur écrit au moment où il parle. On remarque cependant l’absence de moments antérieurs à l'histoire. Nous pouvons aussi noter l’emploi des modalisateurs « peut-être » ou sans doute devant les marques temporelles « hier » et « après-demain ». Le passé du narrateur est donc dans le flou et il semble ne pas y être attaché. Son avenir semble aussi très limité car son futur s’arrête à «demain » voire « «après-demain». Cette déduction nous laisse penser que ce personnage vit au jour le jour. De plus, le narrateur raconte les faits les uns après les autres comme dans un journal. La chronologie du récit est à peu près respectée puisque la succession des événements suit la progression des paragraphes : « je prendrai […] à deux heures » « j'ai pris […] à deux heures. » Les marques temporelles font apparaître l'absurdité de son comportement car elles sont très nombreuses, on a l'impression qu'il nous livre son programme mais cela manque d'enchaînement logique. Le personnage n'a donc pas beaucoup de recul par rapport à l'histoire, cela lui permet de ne pas faire part de ses sentiments mais uniquement des évènements, de ses pensées, de ses sensations qui à divers moments occupent sa conscience. On épouse ainsi le point de vue du narrateur.
L’écriture traduit aussi la personnalité du narrateur, comme souvent dans un journal intime1. Ici, les phrases qu’il construit sont sèches à l’image de celle du télégramme évoqué dans le texte. Ces phrases simples telles que « Aujourd’hui, maman est morte » se composent le plus souvent d’une seule proposition sans autre complément. Le narrateur annonce l'enterrement de sa mère mais ne nous dévoile ni les causes ni les circonstances de sa mort. Parfois, ces phrases se composent de deux propositions juxtaposées ou coordonnées comme «Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi » ou d’une proposition principale et d’une subordonnée « J’ai pensé alors que je n’aurai pas dû dire cela » sans autre explication. Le narrateur va donc à l’essentiel, il note au jour le jour les faits bruts sans s’intéresser vraiment à leurs circonstances, sans éprouver le besoin de se justifier et sans nous livrer ses sentiments. De la même manière, l’absence de description révèle une personnalité renfermée. En effet, dans cet extrait, nous n’apprenons quasiment rien des lieux dans lesquels évolue le personnage. Le lecteur sait seulement que l’asile où se trouve sa mère est à «Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger ». Cette information nous livre juste un lieu non une description. Cette indication de lieu est d’ailleurs faussée par l'intervention du narrateur car dans un journal, le personnage ne peut se préciser à lui-même où se trouve l'asile à moins qu’il ait peur de ne pas s’en souvenir. On ne sait rien non plus du restaurant « chez Céleste » où le narrateur va fréquemment. Nous n’avons pas non plus de description des lieux lorsqu’il se rend « chez Emmanuel». On ne sait rien du paysage lors du voyage dans l'« autobus ». Ces paysages sont complètement gommés. Le personnage, renfermé sur lui-même, nous fait part uniquement de ses sensations « Il faisait très chaud » .
Cet extrait contient donc de nombreuses caractéristiques du journal intime. Cela nous permet de nous rapprocher du narrateur sans autre intermédiaire que le papier et de découvrir les premiers traits de sa personnalité. Nous constatons alors que cette manière de partager sa vie avec le lecteur, si directement et si sèchement, nous laisse percevoir ses relations avec les personnages qui l'entourent.
Ce personnage-narrateur, dont nous ignorons quasiment tout, se désintéresse complètement des choses importantes aux yeux des autres et ne communique pas avec ceux qui l'entourent. Il est étrange. Son identité nous est inconnue, il n'a pas de nom, ni de prénom. On apprendra plus tard qu'il se nomme Meursault. La technique du journal nous empêche de savoir à quoi il ressemble (on ne se décrit pas dans un journal intime). Nous ne savons rien de ce qu'il aime ou pas. Tout ce que nous apprenons est qu'il travaille, que sa mère, qui ne vivait plus avec lui, est morte. Nous ne connaissons pas les sentiments qu'il éprouve parce qu'il n'en parle pas. Seules les sensations dont il nous fait part et auxquelles il réagit nous donnent plus de précisions sur sa façon d’être. On relève ainsi des sensations tactiles « très chaud », olfactive « odeur d'essence » ou visuelle « réverbération ». A première vue, on pourrait conclure que c'est un homme simple. Il s’exprime simplement, comme un enfant qui dit « maman ». Il emploie d’ailleurs toujours le même verbe « dit » suivi de phrases courtes dévoilant ainsi une pensée peu élaborée. La reprise à l’identique des mots qui composent le télégramme «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.» montre qu'il ne cherche pas à penser par lui-même en reformulant la nouvelle avec ses propres idées.
Les relations de Meursault avec les autres sont marquées par l'indifférence et le manque de communication. Avec son patron, sa relation est tendue comme en témoigne l’expression « il n’avait pas l'air content » quand il lui annonce que sa mère est morte et qu'il devra prendre des jours de congé. Il désire néanmoins se justifier en lui expliquant que « ce n'est pas de sa
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