L'écume des jours Boris Vian

                                                     L’écume des jours (analyse 1)

Introduction générale : L’écume des jours est un roman de Boris Vian, écrivain français mais aussi poète, parolier, chanteur, scénariste, critique et musicien de Jazz. Le roman est publié en 1947, période d’après guerre. Cette œuvre présente de jeunes héros, victimes de leurs désirs contrariés par une réalité hostile. Il montre l’humanité des hommes et des institutions, l’aliénation par le travail, l’angoisse de la maladie, l’absurdité de la mort. L’histoire retrace la rencontre amoureuse entre Colin et Chloé puis la mort de cette dernière qui va être emportée détruisant ainsi Colin.

Lecture de l’extrait

Introduction ciblée : Dès l’incipit, Boris Vian présente, grâce à la description, Colin, un personnage à la fois simple mais narcissique dans un univers réaliste pimenté de fantaisie par le biais des procédés d’écriture. Cet incipit permet aussi à Boris Vian d’établir une critique de la société superficielle par l’intermédiaire de l’humour et de la parodie quant au rôle de l’incipit. On peut donc se demander en quoi cet incipit est en rupture avec ceux des romans traditionnels (ou= on peut se demander dans quelle mesure l’incipit répond aux horizons d’attente du lecteur). Pour y répondre, nous étudierons les composantes d’un incipit apparemment traditionnel, puis nous nous attarderons sur le cadre mis en place ici, enfin nous tenterons de comprendre en quoi cet incipit se veut parodique et critique.

   Tout d’abord, cet incipit semble apparemment traditionnel en effet, il présente un personnage dans son univers quotidien, accomplissant les actes du quotidien et ce, dans un système d’énonciation traditionnel. L’incipit introduit en effet le personnage principal et le décrit physiquement et moralement. En effet le premier mot du roman est « colin ». Il est décrit de façon détaille « ses cheveux clairs, ses paupières mates, tête était ronde, ses oreilles petites, son  nez droit, son teint doré, assez grand, mince avec de longues jambes ». De nombreuses parties du corps sont évoquées et sont accompagnées d’un adjectif pour les qualifier. Malgré tous ces détails, le lecteur ne peut pas se le représenter facilement car les expressions le qualifiant restent assez simples. On peut noter par ailleurs l’expression « le blond qui joue le rôle de Slim dans Hollywood Canteen » comparant Colin avec un acteur de film américain. Toutefois, le lecteur ne connait pas forcément le film.

   Par ailleurs, Dans cet incipit, le personnage évolue principalement grâce à ses actes : on assiste au rituel de la toilette. De plus, on observe un véritable culte du corps évoqué avec le champ lexical du jardinage « laboureur, tailla, repoussaient, pulvérisa ». A travers ce rite de la toilette, l’auteur introduit certains aspects de la personnalité de Colin : l’auteur détaille la toilette dans le but de mettre en valeur le soin que Colin y apporte montrant alors son caractère soucieux de son apparence voire un peu narcissique « satisfait » Colin est satisfait de voir que les comédons le rendant « si laids » disparaissent car il a peur d’avoir une apparence laide « pour donner un mystère à son regard », Colin cherche à modifier son aspect physique. On constate aussi que Boris Vian injecte certaines caractéristiques de la personnalité de Colin e manière surprenante. Par exemple, il associe de façon contrastée des notions physiques et morales dans une même phrase « il était assez grand, mince avec de longues jambes, et très gentil », ou encore l’auteur arrête toute description morale pour insérer un élément précis de son quotidien montrant ainsi une absence de grande intériorité et un vide existentiel « il était presque toujours de bonne humeur, le reste du temps il dormait ». Cependant, la description morale de Colin reste assez banale et sympathique pour le lecteur «  d’un sourire de bébé, très gentil, il parlait doucement aux filles et joyeusement aux garçons ». Contrairement au roman réaliste, l’incipit ne nous apprend rien sur le passé où même sur le futur du personnage, il n’y a donc aucune mise en place de l’intrigue.

   Dans un deuxième temps une fois le personnage mis en place, on peut s’intéresser au cadre dans lequel il évolue. Au premier abord, le cadre parait familier ; l’auteur se livre à une description de la toilette de Colin dans laquelle il décrit alors l’environnement entourant le personnage : une salle de bain avec des objets usuels reflétant un milieu bourgeois et aisé « au sortir du bain, ample serviette, peigne, couple ongle, miroir ». On peut ainsi dire que Colin n’a pas de soucis d’argent car il vit dans un cadre luxueux et le texte nous indique qu’il ne travaille pas « le reste du temps il dormait ». Malgré cet aspect réaliste, Boris Vian dissimule des éléments d’un univers fantastique notamment grâce aux objets prenant vie par l’intermédiaire de procédés d’écriture comme la personnification de l’étagère « il prit à l’étagère » au lieu de « sur l’étagère »  comme si l’étagère en possession de l’objet ou encore du peigne « peigne divisa » et des comédons « il rentrèrent sous la peau » comme s’ils avaient été capables d’effectuer cette action eux-mêmes. On mentionnera aussi la phrase suivante « en longs filets orange pareils aux sillons que le gai laboureur trace à l’aide d’une fourchette dans de la confiture d’abricots » avec l’imbrication de plusieurs thèmes formant alors une métaphore n’ayant aucun sens. Enfin, cet incipit marque une rupture avec la roman traditionnel car le personnage n’est pas placé dans un cadre spatio-temporel précis, il n’y a aucune datation, ni aucun détail quant à la précision du lieu.