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L'homme qui dort, Georges Perec

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Par   •  19 Novembre 2020  •  Dissertation  •  1 938 Mots (8 Pages)  •  1 148 Vues

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Lucie Bordonaro

L2 MEC

TD : Littératures comparées

Commentaire de texte

L'homme qui dort, Georges Perec

p. 113-118 « les monstres » à « ...sans adresse »


[pic 1]

L'homme qui dort est la troisième œuvre de Georges Perec, publiée en 1967. Tout commence à partir de l'instant où le personnage, un étudiant de 25 ans, décide de ne pas aller à son examen de sociologie. A partir de là, il abandonne toute idée de diplôme et de réussite, se néglige physiquement comme moralement, ne se lave même plus, quitte par moments sa chambre comme pour errer seul la nuit dans les rues sans vie. Il se retire du monde, en devient indifférent et hermétique, n'accordant ni valeur ni émotions à quoi que ce soit.

Nous savons que l'auteur a eu un passé douloureux, chaotique, fait d'absences qu'il a toujours souhaité retranscrire dans ses écrits comme par exemple dans son roman en lipogramme La Disparition.

On peut émettre l’hypothèse suivante : le seul et unique personnage de L'homme qui dort est peut-être son double du passé, c'est-à-dire l'étudiant qu'il a été.

Dans cet extrait, de la page 113 à la page 118, l'étudiant est bien souvent comparé à ses semblables. Une série de lieux est énoncée, où il se perd, où tant de gens se perdent.

Nous pouvons donc nous demander comment l'auteur, à travers la marginalité du personnage, nous démontre que les caractéristiques de ce dernier s’apparentent finalement à l'humanité entière.

Dans un premier temps, nous analyserons grâce à la morphologie du récit, au style de la narration, les figures de style qu'utilise Perec pour diffuser ses idées.

Ensuite, nous nous concentrerons sur le personnage en lui-même, sur son isolement, en tentant de travailler sur son intériorité, ses buts, même si en apparence, il semble ne pas en avoir. Nous traiterons ici également de l’environnement global dans lequel évoluent et vivent les hommes.

Enfin, avec les éléments que nous auront relevés dans les deux parties précédentes, nous établirons une synthèse, en argumentant, afin de peser le pour et le contre et ainsi répondre à la problématique. Nous intégrerons bien évidemment des exemples d'autres œuvres et des citations de l'extrait dans le commentaire de texte.

Les figures de styles sont le meilleur moyen ici pour diffuser les idées. C'est grâce à elles que les émotions se diffusent du texte pour ainsi toucher le lecteur. La tradition perecquienne se veut sensible à l'art du détail.

D'abord, Perec use d'une grande majorité d’énumérations. On peut même affirmer que c'est elles qui structurent le texte, des énumérations de termes aux champs lexicaux similaires. Par exemple, page 115, nous avons le champ lexical de champ lexical de l'isolement : le narrateur cite des groupes de personnes en marge, perdues, « les paysans égarés dans la grande ville », « les veuves »,

« solitaire » et page 118 on retrouve le champ lexical de la tristesse et de l'abandon : « ville morte », « échafaudages abandonnés » qui accentue une impression de chaos.

Ensuite, au sein de ces énumérations, ce sont les différentes comparaisons établies qui véhiculent les principaux messages. On retrouve celle du rat à la page 113 « les rats, tes semblables, tes frères » et à la page 188 « comme un rat dans le dédale fuyant l'issue ». Nous expliquerons ces comparaisons en détail dans la partie suivante. Il y a la présence de références à son enfance et notamment à la violence faite aux juifs exilés et déportés durant le seconde Guerre mondiale (c'est le cas de sa mère) comme « porteurs d'invisibles étoiles » à la page 114. On retrouve la répétition du terme « monstre » (aux pages 115 et 117) comme si tout le humains étaient condamnés à en être, quelque soit la situation ou la personne.

Enfin, parlons de l'usage du pronom « tu », pour s'adresser au personnage. En effet, c'est plutôt inédit en littérature : les pronoms « je » et « il », « elle », sont ordinairement utilisés.

On peut supposer 3 choses. Premièrement qu'il s'adresse tout simplement à lui-même avec le pronom « tu », assez écrasant et provocateur, comme s'il était privé de sa propre autonomie. Deuxièmement, qu'il en fait usage pour rendre compte d'un point de vue extérieur et ainsi nier le « je » de l'intériorité car le lecteur en est privé. Troisièmement, on peut envisager ce « tu » comme étant un processus d'identification : on peut tous s'identifier à lui, et il ne vise finalement personne en particulier.

Ce ne sont là que des hypothèses, peut-être que c'est le cas, peut-être que c'est seulement l'une d'entre elles, ou bien tout autre chose que ce « tu » doit véhiculer.

Au final cela peut s’inspirer du fait que l'auteur ait été un membre de l'OULIPO à part entière (il n'en faisait pas encore partie lorsqu'il a écrit ce roman), et un grand amoureux du défi, les contraintes formelles étant un puissant stimulateur d'imagination. Par exemple, dans La modification de Michel Butor (1957), c'est le « vous » qui est utilisé.

Nous avons donc vu que les figures de style, les contraintes formelles et littéraires font la singularité de Perec, et que, plus précisément dans cet extrait, elles sont utilisées pour accentuer les sentiments et émotions du lecteur, pour tracer les limites et l’atmosphère d'un univers obscur, glauque, dans lequel vit le personnage avec le reste du monde.


Nous expliquerons ici, dans cette deuxième partie, la signification des figures de style énoncées précédemment, c'est-à-dire ce qu'elles symbolisent dans le récit par rapport à l'étudiant et à son environnement sociétal. On ne connaît même pas ouvertement les intentions qu'il y a derrière ce retrait : est-ce qu'il veut se révolter contre le monde ? Est-ce une dépression ? Nous avons accès à ses comportements, ses gestes, mais jamais à son intériorité.

Il est présent au monde mais seulement d'un point de vue corporel, il n'a plus aucune sensation mentale.

Parlons de l'état de l'étudiant dans l'extrait (comme dans le reste du livre).Replié sur lui-même, il refuse de fréquenter les autres, ses comportements sont répétitifs, machinaux. On ressent qu'il se marginalise pour mener une vie végétative. Il devient transparent au monde et c'est sa propre volonté que d'être solitaire et inaccessible.

C'est pour accentuer cet état qui s'apparente à la dépression que l'écrivain fait usage de ce champ lexical.

Le titre est parfaitement bien choisi: l'homme qui dort, ce qu'il symbolise, comme la plupart de ses autres titres de romans, qui relèvent de l’errance, de l’absence, ou de la solitude, c'est un homme déconnecté du monde réel, ailleurs.

Expliquons maintenant le grand nombre d'énumérations dans le récit.

Comme la guerre a détruit les parents de Perec, et donc, son enfance, son avenir est instable. Il ne lui reste que des bribes de souvenirs, c'est aussi pour cela qu'il fait beaucoup d'énumérations (qui sont des sortes de listes). Son œuvre est un inventaire du monde, de ce qu'il reste après l'absence et on constate qu'il n'y a aucune hiérarchie dans ses énumérations (on ne va pas du moins grave au plus grave). Elles remplissent le vide, et le «tu » peut aussi s'adresser aux disparus : à ce qui n'est plus. Elles servent aussi à ajouter une sonorité dramatique et tragédique au texte : on ne peut pas lutter, le destin est inévitable.

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