Laforgue, Spleen.
Fiche : Laforgue, Spleen.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Anna Antunes • 12 Juin 2023 • Fiche • 1 462 Mots (6 Pages) • 414 Vues
Texte 17 : Laforgue, Spleen.
« Spleen » est extrait de l’œuvre Le Sanglot de la Terre (1901) :
- Tout m’ennuie aujourd’hui. J’écarte mon rideau.
En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie.
En bas la rue où dans une brume de suie
Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau.
5 Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau,
Et machinalement sur la vitre ternie
Je fais du bout du doigt de la calligraphie.
Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau.
Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne.
10 Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours…
Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds…
Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne…
Bah ! Couchons-nous — Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort !
Seul je ne puis dormir et je m’ennuie encor.
Introduction :
En 1880, Jules Laforgue, poète « décadent » âgé de 27 an, écrit « Spleen », un sonnet de recueil des Poèmes Inédits. Le « Spleen » est le nom que Baudelaire a donné à son mal : un sentiment de profondeur déprime lié à une incapacité d’écrire. Après lui, d’autres poètes, tels que Jules Laforgue, ont repris ce terme. Laforgue, ce dernier s’inscrit dans le sillage de son prédécesseur : s’abordant dans la contemplation de la ville qu’il voir de sa fenêtre, il nous partage sa morosité.
Comment Jules Laforgue développe-t-il le thème du mal de vivre et de l’ennui dans une écriture élégiaque non exempte de dérision ?
Nous étudierons ce texte en 3 mouvements :
- V 1 à 7 : thème de l’ennui : description d’un paysage de pluie
- V 8 à 11 : récit à travers un monologue
- V 12 à 14 : le retour dans les insomnies, la solitude et l’ennui.
Premier mouvement – L 1 à 7 Thème de l’ennui : description d’un paysage de pluie | |||
Citation | Analyse | Interprétation | |
« Tout m’ennuie » | Réflexion hyperbolique | Le poète s’investit avec le lyrisme : il expose son mal vivre. Le spleen est ici assimilé à l’ennui, sentiment que l’on retrouve souvent chez l’auteur. | |
« J’écarte mon rideau » | / | Le narrateur se présente face à sa fenêtre | |
« En haut ciel gris rayé d’une éternelle pluie / En bas la rue où dans une brume de suie » | Opposition | L’élément narratif dans le 2e hémistiche lance la description de la ville, avec une opposition entre le haut et le bas, le ciel et la Terre, la rue. Le ciel symbolise généralement l’évasion : ce n’est pas le cas ici. L’absence de virgule donne un effet curieux, que l’on retrouve plus loin dans le polysyndéton (v.12), ce qui permet de lier les idées en même temps que le rythme. | |
« Gris », « rayé d’une éternelle pluie » | Métaphore | Un sentiment de tristesse s’exhale de l’évocation nuancée de « gris » dans « rayé d’une éternelle pluie ». Le terme « éternelle » renvoie au thème rémanent du lyrisme, celui de la fuite de temps. | |
« M’ennuie », « rideau », « ciel », « gris », « pluie », « suie », « glissant » | Assonances en [i] Echo sonores | Le lyrisme se manifeste dans les nombreux effets sonores avec les assonances déjà présentes dans le v.1, les écho sonores, accompagnés par des allitérations en [r] | |
« Rue », « suie » | / | La description fait apparaitre un monde triste et humide. Un monde urbain. On pense à la fumée des usines ; c’est donc un monde urbain sans attrait qui va renforcer les sentiments pénibles du poète. | |
« Des ombres vont, glissant parmi les flaques d’eau » | / | Les humains sont réduits à des ombres : l’absence de complément de lieu après le verbe "vont" donne l’impression de personnages fantomatiques. | |
« Éternelle pluie », « flaques d’eau » | Assonances en [o] | Le sentiment de tristesse est accentué par ce paysage humide. | |
« Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau » | Hypallage Allitération en [v] | Le point de vue quitte l’extérieur pour se centrer sur le poète avec une focalisation interne. L’hypallage « vieux cerveau » rappelle avec une certaine dérision les vers de Baudelaire tout en suggérant le thème de la fuite du temps. | |
« Et machinalement sur la vitre ternie / je fais du bout du doigt de la calligraphie » | / | Le récit se poursuit par un geste prosaïque. Nombreux effets sonores en [v] et [d] = lyrisme | |
Bilan : le poète contemple la ville devant lui qui aggrave sa mélancolie, il agit mécaniquement tandis que les humains qui l’entourent sont mit à l’état de simples ombres. | |||
Deuxième mouvement – L 8 à 11 Récit à travers un monologue | |||
« Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau » | / | Le ton dérisoirement élégiaque se manifeste dans un monologue au style direct : le narrateur exprime sa lassitude par une exclamation familière « Bah ! » et un certain espoir, qui rappelle encore le dérisoirement Baudelaire. | |
« Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne » | Série de notations inférieures | Rien ne peut fournir de dérivatif ai poète. Le syncopage du rythme s’accompagne de la brutalité des échos sonores en [Pa] et [p]. Les deux autres commentaire, mis en valeur par la ponctuation, donnent l’impression que la communication avec autrui et impossible. Misanthrope, le poète réduit les « passants bêtes » à « personne » = thème de la solitude dans un monde ou le poète est incompris. | |
« Des fiacres, de la boue, et l’averse toujours… » | Enumération croissante d’éléments matériels et réalistes | Le polysyndéton, les points de suspensions et l’adv de temps insistent sur la permanence de ces éléments générateurs de spleen. | |
« Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds… » | Notation temporelle Polysyndéton | Le récit, énigmatique, évoque l’allumage des becs-à-gaz. L’utilisation du polysyndéton marque la répétitivité. Le groupe verbal suivi des points de suspensions montre l’accablement du poète et l’incapacité à sortir de son spleen. | |
Bilan : la sortie dans la ville est un échec : le poète n’est intéressé par rien et se concentre sur le paysage lugubre et maussade de la ville désagréable, l’incitant ainsi à rentrer chez lui et à rester dans le spleen. | |||
Troisième mouvement – L 12 à 14 Le retour dans les insomnies, la solitude et l’ennui. | |||
« Je mange, et baille, et lis, rien ne me passionne… » | Enumération d’actions prosaïques Polysyndéton | Exprime une continuité monotone dont il ne peut sortir. Le 2e hémistiche résume le propos et renvoie au v.1 | |
« Bah ! Couchons-nous. – Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort » | Impératif Exhortatif Première personne du pluriel Notations temporelles | Le poète se lance à nouveau, avec un lyrisme dérisoire, dans un monologue intérieur au style direct qui débute par la même expression familière « Bah ! ». « Couchons » répond de façon inversée au « sortons » du V.8. On a le thème de l’insomnie, relayé par l’exclamations de dépit « Ah ! » | |
« Seul je ne puis dormir et je m’ennuie encor ». | Effets sonores en [or], [i],[j],[m] et [r] | Nouveau thème de solitude. On reprend le même terme qu’au début, avec un décrochage significatif par l’exclamatif, « je m’ennuie encor » : le poète semble revenir sur lui-même dans un cercle dont il ne peut sortir. | |
Bilan : le poète échoue à sa 2e entreprise, celle de dormir. On réalise alors qu’il est plongé dans un cercle sans fin, qui ne fait que s’opposer, qui l’ennuie. |
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