Le théâtre et ses représentations ; Dom Juan, Molière
Fiche de lecture : Le théâtre et ses représentations ; Dom Juan, Molière. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar yazoulay • 7 Janvier 2020 • Fiche de lecture • 1 519 Mots (7 Pages) • 620 Vues
Objet d'étude n°2 : Le théâtre et ses représentations
Mme Azoulay
Classe de 1ère STMG : texte n°4 Dom Juan de Molière Acte 5 sc.5&6
Introduction
Molière, dramaturge classique reprends en 1665 le personnage de l’auteur espagnol Tirso de Molina, Don Juan Tenorio, issu de la comédie Le Trompeur de Séville. Dans le théâtre classique, le dénouement met un terme aux tensions qui sous-tendaient l’action dramatique tout en jetant un éclairage rétrospectif sur les enjeux de la pièce. Le dénouement de DJ le confirme pleinement : on sent que l’insolence et le mépris dont le jeune aristocrate fait preuve à l’égard tant des lois humaines que divines, a attiré sur lui mises en garde et menaces. La conversion tactique que DJ affiche au début du dernier acte ne suffit pas à écarter le châtiment annoncé sous la figure d’un spectre et de la statue du Commandeur. En quoi peut-on qualifier ce dénouement de baroque ? Nous commencerons par montrer que Molière a joué d’une théâtralisation appuyée de ces deux figures, puis nous insisterons sur la complexité du personnage de DJ ; pour finir nous retrouverons le valet Sganarelle.
I/ La théâtralisation du dénouement
a) Un dialogue de sourds
La théâtralisation de ce dénouement se dénote par un dialogue de sourds. En effet, le spectre s’adresse à DJ non pas directement mais à la troisième personne : « DJ n’a plus qu’un moment », « S’il ne se repent ici. » Le jeune aristocrate s’est invariablement hostile à la Loi sociale, morale ou religieuse. Il est donc établi en cette fin de pièce que DJ, sourd à la voix de la loi, ne saurait entendre ses porte-paroles : le spectre n’est rien d’autre que la somme des avertissements lancés par les autres personnages. La phrase « s’il ne se repent… est résolu » ne fait que reprendre en condenser les imprécations de tous. On s’aperçoit même que le spectre emploie ici les mêmes mots que ceux dont se servait Elvire venue supplier son infidèle époux de s’amender pour échapper à la colère divine. Le réemploi des paroles d’Elvire invite à considérer que l’énonciateur des paroles du spectre représente l’ensemble de la communauté définie par son adhésion aux valeurs que bafoue DJ. Tout se passe comme si le spectre prenait le public à témoin de l’imminence du châtiment. Cependant ces deux scènes visent à opérer un renversement capital : ouvrir les yeux du spectateur en même temps que ceux du valet.
b) Sganarelle : le relais entre la Loi et DJ
Ainsi, c’est à Sganarelle qu’est dévolu le rôle de relais entre la Loi et le libertin. Il presse son maître de déchiffrer le message « divin » : « Entendez-vous, Monsieur ? », « O ciel ! Voyez-vous, Monsieur, ce changement de figure ? » : DJ ne l’écoutant pas, il doit insister : tout d’abord sur l’identité du messager : « C’est un spectre », puis sur le sens de son discours « Ah Monsieur… dans le repentir. » Par son excès de zèle, fait s’écrouler tout le sacré théâtral : « Ah Monsieur… au marcher. »
c) Une théâtralisation démystifiant la Loi
Le dramaturge s’attache à ménager chez le spectateur une distanciation critique à l’égard des manifestations de la Loi. Le style prêté à la statue du Commandeur dans la réplique « Dj, L’endurcissement au péché… à sa foudre » confère une sorte de solennité à quoi contribue le choix d’un terme appartenant au registre tragique : « funeste », une métaphore « ouvrant un chemin à » et une autre « la foudre » : celle-ci est un instrument mythologique de la colère divine, davantage un attribut de Jupiter que du D’chrétien. Les deux propositions qui la composent sont syntaxiquement superposables : « l’endurcissement au péché/traîne/une mort funeste » ; « les grâces du Ciel que l’on renvoie/ ouvrent un chemin/ à sa foudre. » L’autre instrument de distanciation est l’utilisation très particulière des didascalies. Le dramaturge leur confie deux fonctions : d’une part, elles donnent des indications de mise en scène (métamorphose et envol du spectre, trappes où disparait DJ et fumées) ; d’autre part, elles consistent à commenter, à éclaircir le dialogue. Le Spectre représente le Temps « avec sa faux à la main. » Ainsi, DJ n’est pas tant confronté à la mort qu’aux représentations dominantes de la société du XVIIème siècle.
II/ Dom Juan, un personnage complexe
a) Un précurseur de Lumières
DJ s’efforce de trouver une explication au phénomène et donne une nouvelle preuve de son rationalisme : « Je crois reconnaitre cette voix », c’est la voix d’Elvire qu’il croit reconnaitre. En précurseur des Lumières, il entend soumettre l’apparition à un examen critique : « Je veux voir ce que c’est ». C’est une démarche quasi-expérimentale relevant déjà de « l’esprit d’examen »
b) La quête tragique de DJ
DJ se révèle être une force sans emploi dans ce dénouement. En effet, ici il est condamné à ne plus trouver d’objet de conquête à sa mesure, la seule susceptible de combler son désir de totalité est la mort, il la trouve dans les deux figures complémentaires du spectre et de la statue. La didascalie joue un rôle important car elle énumère les trois personnages de la scène 5 ; elle annonce « un spectre en femme voilée ». Si DJ croit reconnaitre Elvire c’est parce qu’elle lui était apparue pour la dernière fois sous l’aspect « d’une dame voilée ». Ainsi la mort est-elle l’amante ultime, ce que confirme la scène finale. Le Commandeur est fortement féminisé puisque les didascalies le désignent désormais par les mots « la Statue », statue prenant le relais de la « femme voilée ». De plus, le geste par lequel la statue prend la main de DJ « Donnez-moi la main/ la voilà » emprunte une double valeur au code gestuel : il scelle l’engagement de DJ mais il est aussi un geste amoureux. Le désir s’accomplit dans sa propre destruction.
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