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Poésie : jeux de langage Apollinaire

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Par   •  19 Novembre 2015  •  Commentaire de texte  •  1 164 Mots (5 Pages)  •  4 340 Vues

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Guillaume Apollinaire,

« Photographie » : commentaire

Le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France, Lunéville est bombardé. Dès le début du conflit, Guillaume Apollinaire s’engage et combattra en première ligne jusqu’à sa blessure à la tête le 17 mars 1916. Les textes composés entre 1914 et 1917 et rassemblés dans Calligrammes sont donc écrits dans une situation exceptionnelle où plus rien n’est comme avant. La plupart d’entre eux ont eu pour destinataires des personnes réelles, comme « Photographie » qui fait partie des poèmes adressés par Apollinaire à Madeleine Pagès, rencontrée le 2 janvier 1915. Son écriture témoigne du manque qu’il éprouve loin d’elle. Grâce à une photographie, le poète imagine Madeleine à ses côtés mais ça ne dure pas, elle n’est pas là et la photographie lui fait ressentir son absence.

1. – La comparaison des vers 1-2 : Guillaume imagine Madeleine à ses côtés

Le poète s’adresse à la personne photographiée. Au vers 1, « Ton », « m’ », le présent donnent l’impression qu’elle est à ses côtés. La relation est encore exprimée par « attire », synonyme de « faire venir à soi », qui est mis en valeur grâce aux mots précédents, « Ton sourire », dont les sonorités annoncent celles du verbe, et grâce à la reprise « attirer » (v.2).

La comparaison associe un comparé réel, le sourire, à un comparant imaginaire, la fleur. La partie imaginaire de la comparaison est accentuée par le conditionnel « Pourrait », qui évoque discrètement le travail d’imagination que le poète doit faire pour sentir la présence de celle dont il regarde l’image.

2. – Les métaphores : le poète est de plus en plus sensible à l’absence de sa bien-aimée

a. – Les images l’emportent sur la réalité

A partir du vers 3 et jusqu’à la fin du poème, on remarque :

1) que le poète ne s’adresse plus à la personne photographiée mais à la photographie elle-même, voir l’apostrophe[1] « Photographie » aux vers 3, 10, 13 et 17, suivie ou précédée de la deuxième personne « tu » ou « toi » ;

2) qu’il n’y a plus de comparaison mais des métaphores, où le comparant imaginé est plus développé que le comparé désigné par un seul nom : « Photographie » ou « Les blancs » (v.6).

Ce qui montre que les images se multiplient et prennent plus d’importance quand le poète passe de la personne aimée à sa photographie.

b. – Les deux premières métaphores : des images ambiguës[2]

Apollinaire crée deux premières métaphores à partir des couleurs d’une photo sépia[3], le brun et le blanc. Aux tons bruns, il associe l’image du champignon, beauté de la forêt (v.3-5), accentuée par une diérèse (cham-pi-gni-on). Aux tons blancs, il associe l’image d’un jardin sous la lune (v.6-9), lieu protégé où règne la paix (v.8), lieu vivant (v.9), abri idéal pour celui qui écrit sous le feu de l’ennemi.

Ces images étonnent. On passe du « champignon brun », végétal discret voire caché, à la vie qui se manifeste avec éclat au point d’occuper tout un alexandrin. Faut-il en déduire que la photographie, en montrant la personne aimée, remplit d’enthousiasme celui qui la regarde, lui donne de l’énergie ? Si c’est ce que cherche à faire comprendre Apollinaire, comment justifier alors l’expression « jardiniers endiablés », particulièrement mise en évidence avec un travail sur les sons et sa place en fin de vers ? « Endiablés » exprime bien sûr une activi-té exceptionnelle par son ardeur, sa vivacité mais le mot évoque aussi le diable, c’est-à-dire l’esprit du mal. Un problème semblable se pose quand on s’interroge sur le choix de la méta-phore du champignon utilisée pour exprimer la beauté de la photographie (v.3-5). Que ce soit « jardiniers endiablés » ou « champignon », les images sont difficiles à comprendre car elles associent la vie et la beauté à des choses qui, dans un emploi courant, nous en éloignent.

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