Reecriture Madame de Sevigne

                                                                A Lyon, le 27 Juillet 2012

Mon très cher frère,

                        Je m’en vais vous conter une histoire fort divertissante dont j’ai été témoin. J’étais en villégiature dans une charmante station balnéaire de la Riviera. Je me trouvais en compagnie de quelques amis dont la conversation trompait mon ennui, au bord de la mer. Gontran était l’une de ces relations. Nous le connaissions tous pour sa vanité sans mesure, son air suffisant, son esprit arrogant. Ces traits déplorables de sa personne se trouvaient fort exacerbés par sa toute dernière acquisition.

                        Gontran, habituellement d’une fatuité légendaire, se surpassait depuis le matin. L’objet de son excitation se trouvait entre ses mains et il ne pouvait s’empêcher de l’exhiber à nos yeux incrédules. La fierté nourrissait ses propos et il ne tarissait pas d’éloges sur les applications infinies dont il disposait.

                    Diantre, ce n’était pas rien ! Il avait tout de même, blotti aux creux des mains la toute dernière génération du téléphone mobile. La journée s’était ainsi passée en de patientes démonstrations des qualités inouïes de son engin. La miniaturisation de son appareil paraissait proportionnelle à la démesure de son égo et de son bonheur technologique.

                Gontran gonflait ses pectoraux à chaque pression calculée de son index sur l’écran tactile. Il vérifiait  sans relâche ses messages, ses courriers électroniques, ses mises à jours, sa batterie sans oublier l’attention que lui portait  toute l’assistance.

                   Lasse de ce manège, sa compagne Ophélie lui proposait d’aller se baigner une dernière fois avant le soir. Il hésita longuement. Devait-il se séparer de cette merveille ? La laisser soumise à la malveillance d’un maraud sur la plage ? Que nenni ! Sa décision fût prise. En un instant, il glissa son bijou dans la poche de son maillot de bain. Puis il se jeta dans les flots bleus, heureux de ne point quitter la raison de sa fierté, à laquelle il accordait tant de vertu.

                    C’est en sortant de l’eau qu’il voulut rallumer son téléphone. Hélas, l’objet de sa passion ne brilla plus de mille feux. Il se rendit alors compte de l’ampleur de sa bêtise. L’immersion causa des dégâts irréversibles.

« Quand même, pour le prix, ils auraient pu le faire étanche ! » se lamenta-t-il en ravalant ses larmes d’orgueil.