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Voltaire, l'Ingénu "la notion d'individu"

Commentaire d'oeuvre : Voltaire, l'Ingénu "la notion d'individu". Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  9 Octobre 2023  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 952 Mots (12 Pages)  •  184 Vues

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les contes philosophiques des Lumières                 

Etude de la notion d’individu (identité et singularité) dans l’Ingénu de Voltaire

Au XVIIIe siècle le conte connait un succès fleurissant, notamment auprès d’un public éclairé, friand des contes philosophiques et orientaux qui expérimentent les idées des Lumières.  Philosophe ou voyageur, le conteur utilise ce genre bref et plaisant pour réfléchir à la notion d’identité et de singularité à travers le dialogisme et d’autres moyens tels que la métempsycose. Déjà, l’encyclopédie exposant l’Essai concernant l’entendement humain[1] de John Locke, interroge la notion d’individu comme un être doté d’une conscience de soi, qui est ce qu’il pense être c’est-à-dire le « Moi ». De plus, l’individu malgré son évolution a toujours conscience d’être le même. Notre étude cherchera à illustrer cette démonstration de la conscience comme identité personnelle à travers l’exemple de mademoiselle de Sainte-Yve dans le conte de l’Ingénu de Voltaire. Par ailleurs, nous interrogerons la singularité du personnage conformément à la définition du Dictionnaire raisonné d’après Jaucourt « Tout homme de bon sens tombera d’accord avec moi, que la singularité est digne de nos louanges, lorsque malgré la multitude qui s’y oppose, elle suit les maximes de la morale et de l’honneur (…). »[2]. Voltaire (1694-1778) est l’un des écrivains et philosophes des Lumières qui a marqué son siècle, particulièrement dans son engagement philosophique, politique et social. Nous pouvons souligner son intérêt pour les « idées » de Locke dont la science n’est pas connue de tous. L’auteur de l’Ingénu qui déplore l’inculture de son temps :

 « Divisez le genre humain en vingt parts. Il y en a dix-neuf composées de ceux qui travaillent de leurs mains et qui ne sauront jamais s’il y a un Locke au monde ; dans la partie qui reste, combien trouve-t-on peu d’hommes qui lisent, et parmi ceux qui lisent, il y en a vingt qui lisent des romans contre un qui étudie la philosophie : le nombre de ceux qui pensent est excessivement petit[3] ».

Semble avoir trouvé dans le conte, comme ses contemporains, un moyen de dépasser la censure et de rendre accessible la philosophie par la fiction. Ainsi nous pourrons porter une attention particulière à l’écriture comme expérimentation philosophique.

L’Ingénu est un conte philosophique de Voltaire qui parait en 1767. Il relate l’arrivée en France d’un Huron, qui doté d’une grande naïveté vivra des aventures avec candeur. Il sera notamment question d’une histoire d’amour « impossible » qu’il vivra avec la « belle et jeune » mademoiselle de Sainte-Yve. Cette dernière semble incarner une démonstration Voltairienne sur la notion d’individu à travers son évolution et ses actions. Ainsi par amour et grandeur pour l’Ingénu, l’amante et marraine sacrifie son honneur et sa vertu pour sauver son amant, mais inconsolable et déshonorée, elle succombe avant ses noces.

Nous pourrons interroger dans notre étude comment mademoiselle Sainte-Yve à travers sa rencontre avec autrui connait une évolution, et laisse apparaitre son identité et sa singularité dans le cadre d’une expérimentation philosophique éclairée.

Dans un premier temps, nous observerons l’évolution de mademoiselle de Sainte-Yve, qui devient un sujet d’expérimentation de la notion d’individu par sa reconnaissance avec l’ingénu. Puis nous verrons à travers son sacrifice : l’individu et sa singularité heurtés par l’autorité et ses systèmes.

Nous pouvons observer l’évolution de mademoiselle de Sainte-Yve qui devient un sujet d’expérimentation de la notion d’individu par sa reconnaissance avec l’Ingénu.

Il est intéressant de souligner comment l’ironie du narrateur accompagne le dévoilement de mademoiselle Sainte-Yves. En effet, la jeune fille est vaguement présentée comme il conviendrait à un personnage de conte : une « jeune Basse-Brette, fort jolie et très bien élevée. ». De plus, elle apparait comme membre d’une société agissant conformément aux autres. Complice de la reconnaissance du neveu orphelin, elle assure avec certitude sans preuves, ni doute :« Mademoiselle de Saint-Yves, qui n’avait jamais vu le père ni la mère, assura que l’Ingénu leur ressemblait parfaitement. ». Pourtant, rapidement après la confrontation avec un autrui innocent et vrai, l’intérêt de celle-ci semble se manifester :

« Mademoiselle de Saint-Yves était fort curieuse de savoir comment on faisait l’amour au pays des Hurons. « En faisant de belles actions, répondit-il, pour plaire aux personnes qui vous ressemblent. » Tous les convives applaudirent avec étonnement. Mademoiselle de Saint-Yves rougit et fut fort aise. »

« Mademoiselle de Saint-Yves à ce récit sentait un plaisir secret d’apprendre que l’Ingénu n’avait eu qu’une maîtresse, et qu’Abacaba n’était plus; mais elle ne démêlait pas la cause de son plaisir ».

L’extrait précédent laisse entrevoir une différence entre l’Ingénu, dont la voix est exprimée par un discours direct, traduisant une liberté de parole ; et la jeune fille dont le discours indirect, mêlé à ses émotions révèlent une certaine retenue. Par ailleurs, la formulation négative : « elle ne démêlait pas la cause de son plaisir » traduit l’ignorance du sujet, qui éprouve mais qui ne s’écoute pas. Des paroles davantage conformes à sa société catholique sont peu de temps après prononcées librement : « — Eh mon Dieu, disait Mademoiselle de Saint-Yves, comment se peut-il que les Hurons ne soient pas catholiques ? Est-ce que les RR. PP. jésuites ne les ont pas tous convertis ? ». A cela la réponse assumé du Huron semble plaire à la jeune fille « Ces derniers mots plurent extrêmement à Mademoiselle de Saint-Yves ». Ses impressions, devant le jeune homme trahissent par l’utilisation d’adverbes et d’un lexique de l’ordre du plaisir : un véritable enthousiasme. La reconnaissance des deux individus souligne un changement des identités. En effet, la jeune fille va laisser son identité sociale de côté pour satisfaire ses intérêts privés, notamment dans l’espionnage :

 « Quand on eut reconduit l’Ingénu dans sa chambre, Mademoiselle de Kerkabon et son amie Mademoiselle de Saint-Yves ne purent se tenir de regarder par le trou d’une large serrure pour voir comment dormait un Huron »

 Et plus tard l’apercevant nu dans un étang :

« Mais, la curiosité l’emportant bientôt sur toute autre considération, elles se coulèrent doucement entre les roseaux ; et quand elles furent bien sûres de n’être point vues, elles voulurent voir de quoi il s’agissait. ».

Nous observons ici, qu’avec la complicité de Mademoiselle de Kerkabon, la tante dévote et vieille fille, leur singularité agit puisqu’elles désobéissent aux règles de décence pour satisfaire leur curiosité. Nous pouvons reconnaitre par là une expérimentation de Voltaire, qui, en Philosophe éclairé, cherche la vérité dans le doute suivis d’une démarche empirique. Voltaire comme Diderot cherchera à mettre en place un processus expérimental pour réduire son domaine de certitude. Ainsi, après avoir révélé les pensées de la jeune fille et brisé le stéréotype, on entrevoit des désirs, de la curiosité et l’apparition de choix personnels : tel que l’amour.

« Mademoiselle de Saint-Yves, en partant, se retourna plusieurs fois pour regarder l’Ingénu, et il lui fit des révérences plus profondes qu’il n’en avait jamais fait à personne en sa vie. Le bailli, avant de prendre congé, présenta à Mademoiselle de Saint-Yves un grand nigaud de fils qui sortait du collège ; mais à peine le regarda-t-elle, tant elle était occupée de la politesse du Huron. »

Voltaire montre la domination de l’identité sociale sur l’identité privée et donc sur l’amour. L’extrait ci-dessus, trahit par le terme « nigaud » la voix du narrateur, qui oppose la politesse d’un jeune homme « non éduqué » qui émeut la jeune fille au « minable » promis qui la laisse indifférente. Il est vrai que de multiples obstacles sociaux s’opposeront à l’union des amants. Premièrement celle-ci est marraine de l’Ingénu ce qui proscrit le mariage même si elle est « jeune et jolie ». Ensuite, la bienséance et la bénédiction patriarcale empêche les amants de s’unir, car la loi naturelle n’est pas omnipotente en France. Enfin, Mademoiselle de Sainte-Yves doit épouser le fils du bailli, et sera donc emprisonnée dans un couvant jusqu’à ses noces.

Pourtant, ces règles sociales n’arrêteront pas les amants, puisque la passion aura raison de la jeune fille qui usera de la fourberie pour tromper sa famille et fuir son destin.

« L’affront d’avoir été mise dans un couvent augmentait sa passion ; l’ordre d’épouser le fils du bailli y mettait le comble. Les regrets, la tendresse et l’horreur bouleversaient son âme. L’amour, comme on sait, est bien plus ingénieux et plus hardi dans une jeune fille que l’amitié ne l’est dans un vieux prieur et dans une tante de quarante-cinq ans passés. De plus, elle s’était bien formée dans son couvent par les romans qu’elle avait lus à la dérobée. »

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