Voyage au centre de la terre, Jules Verne
Commentaire de texte : Voyage au centre de la terre, Jules Verne. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Benjamin_chv • 19 Mars 2020 • Commentaire de texte • 2 723 Mots (11 Pages) • 1 284 Vues
Séance n° 1 – LL5 – Voyage au centre de la terre, Jules Verne
1 5 10 15 20 25 30 35 40 | Quoi qu’il en soit, mon oncle, je ne saurais trop le dire, était un véritable savant. Bien qu’il cassât parfois ses échantillons à les essayer trop brusquement, il joignait au génie du géologue l’œil du minéralogiste. Avec son marteau, sa pointe d’acier, son aiguille aimantée, son chalumeau et son flacon d’acide nitrique, c’était un homme très fort. À la cassure, à l’aspect, à la dureté, à la fusibilité, au son, à l’odeur, au goût d’un minéral quelconque, il le classait sans hésiter parmi les six cents espèces que la science compte aujourd’hui. Aussi le nom de Lidenbrock retentissait avec honneur dans les gymnases et les associations nationales. MM. Humphry Davy, de Humboldt, les capitaines Franklin et Sabine, ne manquèrent pas de lui rendre visite à leur passage à Hambourg. MM. Becquerel, Ebelmen, Brewster, Dumas, Milne-Edwards, Sainte-Claire-Deville, aimaient à le consulter sur des questions les plus palpitantes de la chimie. Cette science lui devait d’assez belles découvertes, et, en 1853, il avait paru à Leipzig un Traité de Cristallographie transcendante, par le professeur Otto Lidenbrock, grand in-folio avec planches, qui cependant ne fit pas ses frais. Ajoutez à cela que mon oncle était conservateur du musée minéralogique de M. Struve, ambassadeur de Russie, précieuse collection d’une renommée européenne. Voilà donc le personnage qui m’interpellait avec tant d’impatience. Représentez-vous un homme grand, maigre, d’une santé de fer et d’un blond juvénile qui lui ôtait dix bonnes années de sa cinquantaine. Ses gros yeux roulaient sans cesse derrière des lunettes considérables ; son nez, long et mince, ressemblait à une lame affilée ; les méchants prétendaient même qu’il était aimanté et qu’il attirait la limaille de fer. Pure calomnie : il n’attirait que le tabac, mais en grande abondance, pour ne point mentir. Quand j’aurai ajouté que mon oncle faisait des enjambées mathématiques d’une demi-toise, et si je dis qu’en marchant il tenait ses poings solidement fermés, signe d’un tempérament impétueux, on le connaîtra assez pour ne pas se montrer friand de sa compagnie. Il demeurait dans sa petite maison de Königstrasse, une habitation moitié bois, moitié brique, à pignon dentelé ; elle donnait sur l’un de ces canaux sinueux qui se croisent au milieu du plus ancien quartier de Hambourg que l’incendie de 1842 a heureusement respecté. La vieille maison penchait un peu, il est vrai, et tendait le ventre aux passants ; elle portait son toit incliné sur l’oreille, comme la casquette d’un étudiant de la Tugendbund ; l’aplomb de ses lignes laissait à désirer ; mais, en somme, elle se tenait bien, grâce à un vieil orme vigoureusement encastré dans la façade, qui poussait au printemps ses bourgeons en fleurs à travers les vitraux des fenêtres. Mon oncle ne laissait pas d’être riche pour un professeur allemand. La maison lui appartenait en toute propriété, contenant et contenu. Le contenu, c’était sa filleule Graüben, jeune Virlandaise de dix-sept ans, la bonne Marthe et moi. En ma double qualité de neveu et d’orphelin, je devins son aide-préparateur dans ses expériences. J’avouerai que je mordis avec appétit aux sciences géologiques ; j’avais du sang de minéralogiste dans les veines, et je ne m’ennuyais jamais en compagnie de mes précieux cailloux. En somme, on pouvait vivre heureux dans cette maisonnette de Königstrasse, malgré les impatiences de son propriétaire, car, tout en s’y prenant d’une façon un peu brutale, celui-ci ne m’en aimait pas moins. Mais cet homme-là ne savait pas attendre, et il était plus pressé que nature. Quand, en avril, il avait planté dans les pots de faïence de son salon des pieds de réséda ou de volubilis, chaque matin il allait régulièrement les tirer par les feuilles afin de hâter leur croissance. Avec un pareil original, il n’y avait qu’à obéir. Je me précipitai donc dans son cabinet. |
Voyage au centre de la terre, publié en 1864, est l’un des premiers romans de Jules Verne issu de sa collaboration avec l’éditeur Hetzel. Il participe du projet de l’écriture des Voyages extraordinaires et ambitionne en tant que « roman scientifique » de propager le savoir et de vulgariser les connaissances scientifiques dans un souci didactique qui est l’un des enjeux du roman populaire du XIXe siècle. Ce roman sera construit autour du voyage entrepris par le narrateur Alex et son oncle, le professeur Lidenbrock. Comment est présenté ce dernier personnage qui incarne le personnage du savant, personnage – type du roman scientifique ? Jules Verne conformément à la tradition du roman réaliste du XIXe propose dans un incipit qui commence in medias res , c’est – à dire en pleine action, ( le roman s’ouvre sur l’arrivée inopinée du professeur qui rentre chez lui, à la surprise de son neveu et de sa domestique), un portrait de ce personnage qui est présenté à travers le point de vue interne de son neveu. En quoi l’auteur fait – il de son personnage l’un des héros de son roman d’aventure à travers ce portrait ?
La structure de l’extrait :
- S1 : présentation du savant en action : le géologue et le minéralogiste.
- S2 : un savant parmi ses pairs
- S3 : un savant réputé
- S4 : le portrait physique du savant
- S5 : un anti – héros : un personnage humanisé.
S1 : l à 6 -
« Quoi qu’il en soit, mon oncle, je ne saurais trop le dire, était un véritable savant. »
Après avoir introduit le professeur Lidenbrock dans ses missions d’enseignant, pour lesquelles il ne semble pas particulièrement doué, le narrateur nous le présente dans son véritable statut « un véritable savant ». La locution « je ne saurais trop de le dire » a valeur d’insistance. Le professeur Lidenbrock est l’exemple même du « véritable savant », il s’agit de faire de lui un personnage – type.
La narration se fait à la première personne. Alex, un jeune homme d’une vingtaine d’années et neveu du professeur est le narrateur de ce récit qui se fait selon le point de vue interne. On retrouve ici le souci de l’auteur de privilégier un héros jeune auquel le jeune public de ses lecteurs pourrait s’identifier.
« Bien qu’il cassât parfois ses échantillons à les essayer trop brusquement, il joignait au génie du géologue l’œil du minéralogiste. Avec son marteau, sa pointe d’acier, son aiguille aimantée, son chalumeau et son flacon d’acide nitrique, c’était un homme très fort. À la cassure, à l’aspect, à la dureté, à la fusibilité, au son, à l’odeur, au goût d’un minéral quelconque, il le classait sans hésiter parmi les six cents espèces que la science compte aujourd’hui. »
Le portrait relève ici de l’éloge. Le narrateur souligne la maladresse du personnage à travers la proposition subordonnée conjonctive circonstancielle : « Bien qu’il cassât parfois ses échantillons à les essayer trop brusquement ». Son enthousiasme, marqué par l’adverbe « trop brusquement » souligne la libido sciendi, ou désir d’apprendre ou volonté, soif de connaissance du personnage, qui est l’un des trois désirs qui pousse l’homme à agir selon Aristote. Cette maladresse qui résulte de son empressement, permet au narrateur de mettre en avant les qualités de savant qui sont les siennes. Le professeur cumule les talents : « le génie du géologue », « l’œil du minéralogiste ». Le vocabulaire technique « géologue, minéralogiste » affiche la volonté de l’auteur d’intégrer des domaines de connaissances précis à son roman. Le géologue désigne celui qui étudie l’histoire du globe terrestre, et plus spécialement la structure et l’évolution de l’écorce terrestre. Le minéralogiste se consacre à l’étude des minéraux, substances inorganiques qui constituent l’écorce terrestre. Dès le portrait du professeur, le lien avec le titre est explicite. Il s’agit de faire le roman de la géologie, et de la paléontologie (science des êtres vivants ayant existé sur la terre avant la période historique, et qui est fondée sur l’étude des fossiles). Le « génie, l’œil » soulignent les dispositions particulières du savant qui en font un être d’exception.
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