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Architecture des sens

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compagnie. Je trouve très intéressante la complexité de cette combinaison. C'est un vrai défi. Pour moi, il est intéressant de retrouver un aspect conservation et un aspect création dans nos travaux. À mon avis, on peut changer les fonctions d'un édifice; c'est la forme qu'on doit garder mais pas nécessairement de façon intégrale. Dans le domaine de la conservation, je ne suis ni un puriste, ni un idéologue. C- Par rapport à ce qu 'on appelle le post-modernisme, comment situezvous votre travail? R. A.- Moi, j'accepte le mot «postmodernisme», je le trouve approprié. Pour moi, il veut dire beaucoup. «Post», cela veut dire qu'on est dans un autre esprit, différent du modernisme, qu'on cherche encore. . . C'est très important, quand on essaie de comprendre la situation du monde développé, de se rappeler que beaucoup de nos idées, de nos hypothèses étaient liées au monde industriel. Or, l'industrie a perdu de l'importance dans le monde d'aujourd'hui: nous sommes davantage une société de services, d'information, que de production. C'est pour-

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«Quand J'étais Jeune architecte, on étudiait l'histoire, on visitait l'Europe, ians que cela ait la moindre répercussion sur notre travail. Imaginez cette attitude en musique, en littérature ou en poésie, ce serait incroyable!» (photo: R. Hébert II)

Continuité automne 1985

DOSSIER

l'animation, il faut avoir des gens qui marchent dans les rues. À pied, on peut se rencontrer, et la rencontre accidentelle, imprévue, est un élément important de la vie d'un centreville. Selon moi, être dans un espace constitue une expérience architecturale; le citoyen en mouvement vit cette expérience architecturale. La façade d'un édifice devient alors plus que la surface d'un objet, elle constitue les bornes de cet espace. Je ne sais pas si c'est post-moderne, mais c'est mon credo. L'architecture considérée comme un objet vu par un sujetfixe,c'était très industriel, très moderne. Bien sûr, l'architecture ne peut guérir tous les maux; c'était là une idée moderne. Les architectes ont cependant la possibilité, et même le devoir, de stimuler les sens et, par conséquent, la transformation des esprits. Si cela arrivait, je dirais bravo! Mais il faut engager tous les sens. C- En terminant, une question très générale: qu'est-ce que le patrimoine pour vous? À quoi cela renvoie-t-il? R. A.- Aux quartiers d'une ville, aux rues, aux ruelles, aux voisinages. Il y a évidemment quelques édifices plus importants que les autres. Conserver le tissu urbain ne va pas sans changements; les choix sont une question de sensibilité et de jugement. Vous savez, c'est curieux: quand j'étais jeune architecte, on étudiait l'histoire, on visitait l'Europe, sans que cela ait la moindre répercussion sur notre travail. Imaginez cette attitude en musique, en littérature ou en poésie; ce serait incroyable! Pourtant, en architecture, nous avons fait cela pendant près de trente ans. C'est pourquoi je crois que l'histoire et le patrimoine sont intimement reliés à toutes les facettes de la création. C'est très intéressant, par exemple, de voir qu'une oeuvre d'art, qui paraît révolutionnaire au moment de sa création, fait partie de la tradition dix à quinze ans plus tard. Tout va vraiment très vite. C'est une façon de construire une continuité. •

«Une des Idées que l'on peut qualifier de post-moderne, c'est que si on veut une ville avec une continuité, de l'animation, il faut avoir des gens qui marchent dans la rue.» Iphoto: R. Hébert II)

quoi je crois que nous vivons dans une société post-moderne, et que l'architecture reflète cette situation. Je suis certain que je ne suis pas un vrai architecte moderne, je me situe après, je suis un «post-moderne». L'architecture moderne, c'est presque fini maintenant. Mais c'est une partie très, très importante de notre tradition. C'est un épisode, comme le monde industriel est aussi un épisode. L'architecture moderne a voulu mettre de côté l'ambiguïté, les contradictions, les sensualités, les images, les rêves. En agissant ainsi, l'architecte ne retient qu'un pouce de la vie entière! En vérité, il faut utiliser nos racines et nos traditions; ce sont des outils très riches pour l'architecture. Il n'y a pas qu'une seule façon de faire l'architecture. À mon avis, l'architecture, c'est surtout une question de sensualité, c'est pour les sens, et c'est par les sens qu'on peut la comprendre. Le grand danger avec le post-modernisme, c'est de tomber dans la trivialité, dans la facilité. L'artiste court toujours ce risque. C - On sait que dans le postmodernisme, le rapport à l'histoire est important comparativement au mouvement moderne qui a voulu faire table rase du passé. Ya-t-il une façon propre aux post-modernes de traiter l'histoire? R. A.- Je pense que l'histoire nous apprend un langage architectural de base. Par exemple, entrer dans un espace a toujours été un moment important. Les constructeurs des cathé-

drales gothiques le savaient, eux qui concevaient des portes fantastiques pour leurs monuments. C'est la même chose avec l'architecture baroque. On doit donc retourner à ces principes et éviter les symboles superficiels. La matière de l'architecture, c'est l'espace, et si nous

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