Beaumarchais, le mariage de figaro, iii, 15 : commentaire
Dissertation : Beaumarchais, le mariage de figaro, iii, 15 : commentaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireses - Le greffier Double-Main a la tâche délicate de lire la promesse. Ici aussi le nom contribue à la satire : en référence à sa fonction qui est d’écrire les actes officiels et les comptes-rendus des procès, il évoque la malhonnêteté de celui qui a deux mains, donc est capable d’écrire deux choses différentes en même temps. On imagine donc un greffier crapuleux qui rédige de faux documents ou deux versions d’un même texte, l’une officielle de la main droite, et une officieuse de la gauche. C’est ainsi ridicule lorsqu’il dit lui-même, avant de lire le document (l. 2045-46) :
Et c’est le plus sûr ; car souvent les parties déguisent en lisant (…)
En effet, il n’inspire guère plus de confiance que les parties du procès elles-mêmes. - Le juge Brid’oison révèle lui aussi un côté malhonnête, lorsqu’il dit (l. 2051) :
Un pâ-âté ? je sais ce que c’est.
Il sous-entend que, en tant que juge expérimenté, il soupçonne Figaro ou Bartholo d’avoir délibérément rendu le mot illisible, comme si on ne la lui faisait pas… Mais en même temps, on peut penser qu’il connaît très bien ce genre de falsification pour en user lui-même. Il est courant au XVIIIe siècle que les juges reçoivent des pots-de-vin pour déterminer l’issue d’un procès, au besoin en arrangeant les documents. - Bartholo, médecin, s’improvise avocat de Marceline dans le seul but d’assouvir sa soif de vengeance contre Figaro (Dans la première pièce de la trilogie, Le Barbier de Séville, c’est à Bartholo que Figaro vole Rosine, la
2/3 future comtesse, alors que Bartholo la veut pour lui). Son hypocrisie est donc flagrante : il se prétend le défenseur chevaleresque d’une pauvre femme qui n’a pas assez d’instruction pour venir seule à la cour, alors qu’il n’a que du mépris pour elle et l’utilise comme un simple instrument. Il en devient ridicule quand il va un peu trop loin dans la grandiloquence, rapprochant le cas d’un litige impliquant Alexandre le Grand. Le Comte lui coupe d’ailleurs sèchement la parole. - Mais c’est lui, le Comte, qui détient la palme de l’hypocrisie. Il joue au juge impartial et équitable, alors qu’il est déterminé, comme Bartholo mais pour des raisons différentes, à obtenir la condamnation de Figaro. Pourtant, face à l’habileté de Figaro, il apparaît un peu hésitant juste après la fin de l’extrait, quand il pose tout haut la question :
Comment juger pareille question ?
II. Une scène comique dominée par Figaro a/ Une tonalité héroï-comique
(L’héroï-comique repose sur un décalage entre un sujet bas et un style élevé ; c’est l’inverse du burlesque)
Ici le débat tourne finalement autour d’un élément assez bas et trivial : un « pâté » sur un document, c’est-àdire une grosse rature qui empêche de distinguer s’il est écrit et ou ou. Or le procès prend une allure très solennelle, et la satire passe par ce type de comique. - Une scène de procès très officiel en apparence → regardez la liste des personnages au début de la scène, et leur placement sur le plateau : c’est un procès avec tout le décor qu’il faut, tous les protagonistes sur scène, en très grand nombre, et qui se prennent très au sérieux. → l’expertise des deux professionnels de la justice, le juge et l’huissier, est ridiculisée : l’huissier, pour faire parler sa grande compétence, « prenant le papier », veut mettre tout le monde d’accord, mais le climax, le moment fort de son examen est le mot « pâté », qui est répété par son collègue le juge, avec son bégaiement. → L’avocat Bartholo s’enflamme en comparant ce procès à un grand exemple de l’Antiquité : « jamais cause plus intéressante ne fut soumise au jugement de la Cour ! et depuis Alexandre le Grand, qui promit mariage à la belle Thalestris… ». - comique bouffon (peu délicat, gros rire) Comique de gestes et de répétition : mouvements supposés des nombreux personnages muets (mais qui parlent entre eux avant notre extrait, puisque l’huissier n’arrive pas à avoir le silence) ; cris de l'huissier (glapir = pousser un cri aigu) qui répète : « Silence ! » ; bégaiement du juge Brid’oison. Plusieurs fois la didascalie « plaidant ». - comique parodique (parodie : imitation volontaire du fond ou de la forme dans une intention moqueuse ou simplement comique) : ici parodie du langage officiel du monde juridique dans la première réplique de Bartholo : vocabulaire très spécifique (« réquisition », « avec dépens » ; syntaxe particulière aussi (« Je soussigné », « laquelle somme »). Par la suite, Bartholo conserve ce langage très particulier en utilisant les mots très techniques de la grammaire pour défendre l’idée que le document portait et : « la conjonction copulative et qui lie les membres corrélatifs la phrase ». Le décalage est alors encore plus ridicule. b/ Figaro Dans cette scène, Figaro se montre comme le valet habile et astucieux qui sait toujours se sortir des situations apparemment désespérées grâce à la ruse et à la vivacité de son esprit (comme dans Le Barbier de Séville). - Stratégie habile : première réplique → lorsqu’il conteste ce qui est écrit sur la promesse, il n’accuse
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