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Continuation des Amours - Sonnet XXVIII

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Par   •  3 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  3 084 Mots (13 Pages)  •  2 227 Vues

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Continuation des amours, Sonnet XXVIII – Ronsard
(commentaire composé)

        Les Amours font de Pierre de Ronsard le poète lyrique par excellence. Son inspiration s’y déploie autour de trois femmes qu’il célèbre par ses chants : Cassandre, Marie, puis Hélène. En 1552, Ronsard publie un recueil de sonnets d’amours, dans la tradition du Canzoniere du poète italien, Pétrarque. À travers ses figures, comparaisons, métaphores, et dans le cadre strict du sonnet, Ronsard met en scène son art d’aimer et son art poétique. À son tour, La Continuation des Amours se présente comme une rupture. L’auteur renonce aux acrobaties, aux complexités de l’ancienne manière. Laissant le pétrarquisme, le poète chante en termes plus naturels Marie Dupin, une jeune paysanne décrite comme enjouée, vive et malicieuse. Ce n’est pas une beauté distante et lointaine puisqu’elle semble au contraire accorder son amour au poète. Ronsard expose toutes les nuances de l’amour dans ce qui correspond à un art d’aimer, inspiré d’Ovide. Il y décrit le plaisir de l’amour partagé, l’admiration pour la beauté de sa maitresse. Si l’amour s’avère une expérience et une thématique si riche pour Ronsard, c’est qu’il n’est jamais constant. Il ne s’agit pas d’une reprise d’un motif courtois mais plutôt d’un jeu dans lequel il endosse le rôle du faux martyr pour mieux goûter la diversité du jeu amoureux. Ce sonnet en décasyllabes est tout aussi bien une déclaration à sa muse qu’une ode à l’amour dans sa considération universelle. Aussi, en quoi ce poème peut-il marquer dans le même temps une continuation et une rupture avec Les Amours ? Nous évoquerons dans un premier temps le lyrisme exacerbé, inhérent à ce sonnet, à travers l’utilisation du « je », de procédés emphatiques et d’une déification de la femme aimée. La pureté de l’amour sera au cœur d’une seconde partie qui mettra en exergue un nouveau langage, plus brut et direct, couplé à une poétique du regard ainsi qu’à l’expressivité d’un amour tout à la fois exclusif et universel.

        I. Un lyrisme exacerbé

        A. Le « je » lyrique

        Le sonnet débute par l’utilisation du pronom « je » de l’énonciation mais renvoyant avant tout au « je » lyrique, procédé qu’on retrouve fréquemment chez les auteurs romantiques et en particulier dans l’œuvre de Ronsard. Il s’agit là de l’expression d’un sentiment subjectif qui met en scène une poésie du cœur, des mouvements de l’âme, faisant état d’une grande sensibilité. La poésie de Ronsard est une poésie romantique qui se réclame sans cesse d’Orphée, poète et musicien, héros de la mythologie grecque dont l’instrument de prédilection et la lyre. Dans le même temps, le « je » peut renvoyer à une poésie à visée autobiographique. Le « je » lyrique constitue une tension entre imaginaire et réel, l’auteur brouillant les pistes entre le caractère réel et fictif de son sujet. Le personnage visé devient quasi allégorique, du moins symbolique. De plus, une certaine expérience de l’altérité se lit à travers l’expérience amoureuse. Dans ce cas précis, le verbe « aimer » est utilisé dès le premier vers et affirme donc le sujet central du poème et, par extension, du recueil. La césure qui partage le vers en deux parties distinctes fait état d’une construction en miroir des deux parties avec la présence du « je » en début de première partie et du « vous » en fin de seconde : les deux personnages sont établis, le rapport amoureux également. La suite du poème peut se mettre en place car son propos est déjà clairement énoncé. Par la suite, nous avons une utilisation encore plus prégnante de la première personne avec le premier tercet : « Quand je serois » ; « ma mignonne m’amie » ; « ne me feroit » ainsi que le second : « il me faudroit » ; « Les miennes » lequel clos une tonalité lyrique omniprésente. Le registre lyrique est d’ailleurs exacerbé avec la présence de la symbolique du sang et notamment des « venes » au vers 12. La couleur rouge du sang n’est pas sans rappeler celle de la passion amoureuse. De la même façon, le sang est également directement et physiologiquement rattaché au cœur, lui-même symboliquement rattaché à l’amour. Le cœur renvoie à un organe primaire et vital et l’amour que décrit Ronsard dans ce sonnet est lui-même défini comme primaire et vital. Aussi, ses « venes » sont déjà « plenes » d’amour, adjectif quantitatif qui s’oppose au vide qui caractériserait un cœur solitaire. À nouveau, le marqueur d’intensité « si » vient donner davantage d’ampleur à un sentiment amoureux déjà exacerbé par le vocabulaire utilisé et la répétition d’un champ lexical de l’amour omniprésent tout au long du sonnet : « aimer » (vers 1, 13, 14) ; « complaire » (vers 3) ; « Venus » (vers 4) ; amoureus (vers 11).

        B. Procédés emphatiques

        Dans ce sonnet, plusieurs procédés stylistiques comme l’emphase viennent amplifier l’expression du sentiment amoureux. Le conditionnel, comme temps verbal, est utilisé pour exprimer une vive émotion : plus qu’un souhait, un désir profond. L’adverbe de quantité « si » agit comme marqueur d’intensité, ici une intensité affective qui introduit les adjectifs mélioratifs « gracieus » et « dous ». À nouveau, le couple formé par le poète et sa muse est présent dans le même vers avec la deuxième personne « vous » et le pronom « me ». Plus loin dans le poème, la formule « tout soudain », qui comprend deux adverbes successifs, fait office d’emphase et donc de quelque chose qui semble dépasser le poète, aller au-delà de sa raison. Ce dernier n’est dès lors plus maitre de ses moyens, de ses émotions, Le nombre « cinq cent mille », en tout point démesuré, agit comme un procédé hyperbolique qui vient à son tour amplifier le discours. Peu importe qu’il vive dix ans, cent ans ou cinq cent mille ans, l’amour demeurera. Cela se voit renforcé par la répétition du groupe de mot « autre que vous » au début du vers 10, qui permet à l’auteur de rappeler l’exclusivité de cet amour mais aussi et surtout sa puissance et son caractère indéfectible. Enfin, au début du vers 12, la répétition du verbe « refaire » démontre parfaitement que l’auteur use de la redondance de certains termes afin d’accentuer la puissance du sentiment amoureux, qu’il lui faut répéter et amplifier sans cesse. En outre, le premier quatrain fait déjà état de ce lyrisme exacerbé avec l’utilisation de la négation qui accentue le propos, l’adverbe de négation « non » étant placé au début du vers 2. Par un effet de retournement, l’emploi du négatif rend la positivité des sentiments plus forte.

        C. La muse déifiée

        Plus que l’amour, c’est l’objet même de cet amour qui se voit mis sur un piédestal. L’emploi du substantif « propositionppame » (vers 2) avec une majuscule, donne particulièrement de poids au personnage féminin. On ferait de même avec une divinité, un héros, une légende. La femme aimée et désirée est dès lors déifiée. L’utilisation des deux points en fin de vers admet une ouverture, une explication du poète sur les causes de cet amour indéfectible. Par la suite, Ronsard convoque Vénus, déesse de l’amour, pour appuyer son propos. Ici, Marie ne s’assimile pas à Vénus : elle se place au-dessus. Il faut comprendre le vers 4 : « Et fust Venus descendue entre nous » dans le sens que Vénus serait incapable de dévier le poète de sa trajectoire amoureuse envers Marie. L’expression du lyrisme se lit ici dans cette volonté de placer Marie non pas au niveau des dieux, mais plus haut encore. La muse se voir ainsi établie au-delà de l’entendement voire de l’amour-même. L’introduction du vers 4 par la conjonction de coordination « et » met en valeur cette je finale, le dernier vers du quatrain annihilant le moindre doute quant à la puissance de cet amour. La première personne du pluriel « nous » est utilisée en toute fin de vers, contrairement au « je » qui prend place au tout début : le poète et sa muse sont pleinement réunis, le couple se forme du moins dans son imaginaire. Plus tard, la mise en place d’un jeu de sonorité douces et notamment d’une allitération en « m » : « cinq cent mille ans » ; « ma mignonne m’amie » ; « ne me feroit amoureus devenir », avec répétition rapide des phonèmes « ma » et « mi » démontrent également une recherche de rythme, une harmonie formelle et musicale que permet le décasyllabe considéré comme forme noble et qui se doit de coller à l’image du personnage de la muse.

        II. La pureté de l’amour

        A. Un langage brut

        L’amour s’impose comme la thématique centrale de ce sonnet. Cependant son expression admet une rupture avec le précédent recueil de l’auteur, ce dernier préférant désormais un langage brut et direct à des images désuètes, au déjà-vu de l’analogie. L’utilisation du verbe « savoir », accolé à « aimer », n’est en ce sens pas anodin : « savoir » est un verbe qui renvoie directement à la connaissance et donc à la raison alors que l’amour se situe du côté de la passion. Pourtant, les deux semblent enfin conciliables. La répétition à trois reprises du verbe « savoir » dans le premier quatrain accentue ce phénomène de conciliation rendu possible par un amour sincère et pur : la raison amoureuse l’emporte sur la vaine passion. Aux vers 6 et 7, on note notamment une opposition entre les termes « seul » et « tout », utilisés respectivement comme adjectif et adverbe. L’être seul s’oppose au couple formé par le poète et sa muse. Les verbes « vivre » et « mourir », qui mettent en place un procédé d’antithèse au vers 8, montrent bien cette volonté du poète d’affirmer les choses telles qu’elles sont, dans détour et sans faux-semblants. En outre, l’amour est synonyme de vie et non de captivité : c’est une nouveauté dans l’histoire de la poésie amoureuse. Même lorsque, dans d’autres textes, Ronsard endosse la posture de l’amant malheureux, c’est avec beaucoup de jeu et de plaisir qu’il adopte cette fausse humilité : il revendique et demande toujours avec orgueil et insistance. Cependant l’auteur semble avoir abandonné les comparaisons et métaphores faciles, louant au contraire une expressivité plus brute, plus directe, tout en glorifiant sa muse. Désormais, c’est le sentiment amoureux joyeux qui prédomine et correspond à la nouveauté du style poétique, que Ronsard qualifie lui-même de « style bas ».

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