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Exposé Madame Bovary sur "le rien"

Discours : Exposé Madame Bovary sur "le rien". Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  12 Octobre 2016  •  Discours  •  2 952 Mots (12 Pages)  •  1 759 Vues

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Question

Ce qui me semble le plus beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, […] un livre qui n'aurait pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible (Lettre à Louise Colet du 16 janvier 1852). Dans quelle mesure Madame Bovary est-il un livre sur rien ?

Bien comprendre le sujet

Le sujet prend appui sur une citation de Flaubert qui ne porte pas précisément sur Madame Bovary.

 

L'expression-clé est « livre sur rien ». La suite de la citation explicite cette expression. La proposition « sur » peut avoir plusieurs sens : « sujet de », « à propos de » mais aussi ce peut être une préposition de lieu : le livre ne repose rien, n'a pas d'appui.

« sans attache extérieure », qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style » suggère que le roman ne renvoie qu'à lui-même. Il ne faut pas y chercher la réalité. Il a sa propre cohérence que lui confère l'écriture de l'auteur.

« presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible » : la première partie de la citation faisait plutôt référence à la forme, cette partie s'intéresse davantage au fond. De quoi parle le roman ? En même temps, l'interrogation sur la forme revient dans la nuance (« ou du moins ») qu'apporte Flaubert : par quels moyens rendre « presque invisible » le sujet ?

« Dans quelle mesure »

Vous devez montrer les limites de la citation : la citation peut s'appliquer à Madame Bovary mais certaines expressions sont à nuancer.

Ainsi, il semble difficile de dire que ce roman n'a « presque pas de sujet ».

Organiser ses idées

Problématique : Qu'est-ce qu'un « livre sur rien » ? Madame Bovary est-il « ce livre sur rien » ?

Plan proposé : Un plan qui envisage différents sens du mot « rien ». Ce n'est pas un plan dialectique car la discussion ne se fait pas d'une partie à l'autre mais à l'intérieur de chaque partie.

  1. Un livre qui ne parle de rien ou qui parle du rien ? Vous vous demanderez quels sont le sujet, les thèmes du roman.

  1. Un livre où il ne se passe rien ? Vous vous interrogerez sur la présence ou l'absence d'actions.
  1. Un livre qui ne repose sur rien ? Vous analyserez son caractère auto-référentiel.

INTRODUCTION

Au XX ème siècle, les écrivains du Nouveau Roman ont redécouvert Flaubert. Ce mouvement qui consiste à déconstruire le roman en le privant notamment d'intrigue ou en faisant de l'intrigue un simple prétexte au travail de l'écriture a vu en Flaubert l'un de ses précurseurs. Celui-ci écrivait en effet à Louise Colet : « Ce qui me semble le plus beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, […] un livre qui n'aurait pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible » Qu'est-ce qu'un livre sur « rien » ? Un livre qui n'a pas de sujet, d'intrigue ? Mais qu'est-ce qui le compose ? Ou bien est-ce un livre qui n'a besoin de rien d'autre que lui-même pour exister ?

  1. Un livre qui ne parle de rien ou qui parle du rien ?

Un « livre sur rien », ce peut être d'abord un livre à propos de rien, dont le sujet est rien ou de peu d'importance mais ce peut être aussi un livre est le rien, le vide.

        1.Variété des thèmes abordés

Difficile de dire que Madame Bovary ne parle de rien devant la multitude de thèmes abordés dans l'oeuvre. C'est d'abord un roman sur la quête du bonheur et de l'amour : Emma, déçue par ses relations avec son mari, va chercher un homme capable de lui faire éprouver des sentiments forts. Comme le dit Marcel Proust, « tous les [romans] de Flaubert, et Madame Bovary surtout, pourraient s'appeler l'Education Sentimentale ». Le livre fonctionne donc comme un roman d'apprentissage au cours duquel l'héroïne, toute jeune au début de l'histoire, vit des expériences qui lui font découvrir ce qu'est et n'est pas le sentiment amoureux, avec Charles d'abord puis avec Léon et Rodolphe. Mais elle va de déception en déception car l'amour ne correspond pas à l'image qu'elle s'en était faite, au travers de ses lectures notamment : c'est aussi un roman sur les illusions et les désillusions, sur le décalage entre la fiction, l'imaginaire et la réalité. Emma en dépense plus qu'elle n'en a, s'endette, réclame pendant que d'autres personnages tels que Homais ou Lheureux en gagnent toujours davantage. Enfin, c'est un roman sur la province qui raconte la vie qu'on y mène et qui brosse un portrait des « Moeurs de province » comme l'indique d'ailleurs le sous-titre du roman. Loin d'avoir épuisé tous les thèmes du roman, nous conclurons avec le critique Thierry Laget que c'est un « livre sur tout » plus qu'un « livre sur rien ».

        2. Mais un sujet banal et des personnages médiocres

Toutefois, au-delà de la multiplicité des thèmes, il est vrai que le sujet est banal, de peu d'importance:une provinciale adultère qui s'endette et finit par se suicider. Le seul événement qualifié « d'extraordinaire » qui vient bousculer la vie de l'héroïne est un bal chez des aristocrates à la Vaubyessard. La fuite des amants, Rodolphe et Emma, qui aurait pu constituer une péripétie romanesque, est avortée. Les personnes sont médiocres et ne brillent ni par leurs qualités ni par leurs actes héroïques. Ainsi, Charles Bovary n'est pas même médecin, il n'est qu'officier de santé. L'opération la plus délicate qu'on le voit accomplir est celle d'un pied-bot et encore se solde-t-elle par un échec. Rodolphe n'a pas le courage d'enlever Emma et la seule « bravoure » de cet amant serait d'écraser le mari « d'une chiquenaude » sans recourir aux pistolets tant Charles n'en vaut pas la peine. (II, 10.)

Les sentiments de Léon pour Emma s'affaiblissent bien vite et il ne rêve qu'une vie rangée et bourgeoise : « il allait devenir premier clerc : c'était le moment d'être sérieux. Aussi renonçait-il à la flûte, aux sentiments exaltés, à l'imagination » (III, 6). Le seul acte héroïque du roman est le suicide d'Emma : le narrateur parle de « transport d'héroïsme » qui la conduit jusqu'à la pharmacie d'Homais (III, 8), et elle fait preuve de courage dans les souffrances de l'agonie. Mais le motif de ce suicide est bien vulgaire : c'est l'argent. De plus, on peut y voir un lâche abandon de la vie ou d'une dernière tentative pour accomplir un acte romanesque.

        3. Un livre qui dit le rien, l'ennui, la vacuité

Le rien, dans Madame Bovary, ce n'est pas l'absence du sujet, c'est le sujet. Le roman se plaît à décrire la monotonie de la province. Le narrateur, après avoir décrit la campagne qui environne Yonville, l'église, les halles, la mairie, la pharmacie, conclut : « Il n'y a plus ensuite rien à voir dans Yonville » (II, 1). Et c'est dans cette ville fantôme que va se dérouler la vie ennuyeuse des personnages. Ils expriment d'ailleurs eux-mêmes cet ennui qui les ronge : « Comme je m'ennuie ! […] comme je m'ennuie ! » s'exclame Léon (II, 3). Lorsqu'il confie à Emma que la lecture est sa « seule distraction », il ajoute « mais Yonville offre si peu de ressources ! » (II, 2). Emma aussi trompe son ennui dans la lecture mais cette lecture lui gonfle le cœur d'illusions qui, si éloignées de la réalité, ne la laisseront que plus vide. Après avoir absorbé l'arsenic, Emma vomit comme si elle se vidait de ses illusions. Le vide suprême, le rien que dit le livre, c'est aussi la mort, celle d'Emma et de Charles.

  1. Un livre où il ne se passe rien ?

Il y a bien une intrigue, des thèmes dans Madame Bovary. Ce n'est donc pas un « livre sur rien » mais est-ce un livre où il ne se passe rien ?

        1. Une multitude d'actions

Là encore, si l'on veut entreprendre de résumer l'oeuvre, on s'aperçoit que les actions ne manquent pas. Des déménagements (à Tostes puis à Yonville), des personnages qui partent et puis reviennent (Léon, Rodolphe), des voyages (à Rouen), autant d'actions qui donnent l'impression de mouvement. Des mariages (deux pour Charles), des naissances (celle de la petite Berthe), des morts (Bovary père puis Emma, enfin Charles) rythment la vie civile des personnages. Des premières rencontres (Charles/Emma, Léon/Emma, Rodolphe/Emma), des relations sexuelles suggérées (la nuit de noces d'Emma, la scène dans la forêt entre Rodolphe et Emma, la scène du fiacre entre Léon et Emma), des ruptures et des retrouvailles jalonnent la vie sentimentale de l'héroïne. On remarque donc que non seulement les actions sont nombreuses et qu'il serait difficile de rendre compte du déroulement de l'intrigue dans un résumé d'une dizaine de lignes mais qu'en outre les actions sont redondantes, une même action est déclinée avec des protagonistes différents.

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