L'albatros de Baudelaire
Commentaire de texte : L'albatros de Baudelaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar lisa6lm7 • 19 Février 2022 • Commentaire de texte • 1 389 Mots (6 Pages) • 487 Vues
La poésie du XIXe au XXIe siècle
Les fleurs du mal
Lecture linéaire n°1
« L'albatros »
A. Introduction
[Si le XVIIle siècle, marqué par le mouvement des Lumières, est presque entièrement tourné vers la philosophie et les genres argumentatifs, le XIXe s'intéresse davantage à l'expression du Moi et la recherche d'une beauté formelle idéale. Ainsi le genre poétique se renouvelle considérablement au cours du siècle à travers différents mouvements (romantisme, poésie parnassienne, symbolisme….). Cependant certains auteurs se démarquent de ces mouvements et font preuve d'une originalité - voire d'une modernité - certaine.] [Ainsi Charles Baudelaire, célèbre pour son recueil intitulé Les Fleurs du mal, paru en 1857. Dans la première et la plus importante section de son ouvrage, intitulée « Spleen et Idéal », Baudelaire exprime le tiraillement du poète entre son aspiration à la beauté parfaite, l'Idéal, et la réalité de son quotidien, marqué par un sentiment de solitude et d'exclusion, le spleen.] [Par exemple, dans le poème intitulé «L'albatros», le premier de l'ouvrage, Baudelaire raconte une scène de vie en mer, probablement inspirée d'un souvenir de voyage vers la Réunion : des marins capturent des albatros et se moquent d'eux, une fois ces derniers déposés sur le sol, en raison de leur difficulté à se déplacer.]
- Lecture du texte
- Problématique
[Ainsi, en quoi cette scène de vie en mer illustre-t-elle le contraste opposant spleen et l'Idéal ?]
- Annonce du plan
Je répondrai à cette question par une lecture linéaire composée de trois parties : je montrerai d'abord que dans le premier quatrain, Baudelaire installe le décor et les personnages, puis je montrerai que dans les strophes 2 et 3, le poète insiste sur la déchéance de l'albatros torturé par les marins, pour enfin expliquer, grâce au dernier quatrain, le sens de cette anecdote, fondé sur l'analogie entre l'albatros et le poète.
B. Développement
- présentation du cadre, du contexte (1er strophe )
[Dans la première strophe du poème, Baudelaire présente le contexte de l'anecdote qu'il s'apprête à raconter]. [En effet, le poète introduit à la fois le cadre spatial, les personnages et l'action. Il s'agit d'un cadre maritime comme le montrent le champ lexical de la mer ( «équipage» v.1, «mers» v.2, «navire» v.4) ainsi que les allitérations en (L], en [s] et en [z] qui miment le rythme doux et continu de l'océan. Le rythme croissant du premier vers (2/4/6), crée une entrée en matière dynamique et permet de rendre la scène plus vivante. Ce dynamisme est d'ailleurs conforté par l'enjambement entre le vers 1 et le vers 2. Les personnages en présence font naturellement partie de ce cadre maritime («hommes d'équipage» v.1, «albatros» v.2 ). L'action est quant à elle présentée comme
récurrente : les verbes prendre et suivre au présent d'habitude («prennent» v.2, «suivent» v.4) ainsi que l'adverbe «souvent» placé à l'attaque du v.1 témoignent d'une action régulière. Ainsi apparaît déjà une opposition implicite entre, d'une part, les marins brutaux (verbe prendre à l'attaque du vers 2) et égoïstes (le groupe prépositionnel «pour s'amuser» montre que les marins ne se soucient que d'eux-mêmes), et, d'autre part, les albatros, plutôt passifs («suivent» v. 3), mais gracieux (adjectif «vastes»,v.2) et sympathiques grâce à la personnification («compagnons» v. 3). Le terme «voyage» (v.3) évoque l'ailleurs, le lointain, l'exotisme... autant de thèmes chers à Baudelaire. Enfin, la périphrase «gouffres amers» (v.4) contribue à dramatiser la scène,] let par conséquent annonce la future déchéance de l'oiseau dans les strophes 2 et 3].
II. Déchéance de l'oiseau ( 2e / 3e strophe )
Les strophes 2 et 3 présentent l'oiseau à la fois comme un animal ambigu, mais aussi comme un animal
déchu. En effet, l'antithèse du vers 6 («Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux») montre que le poète
perçoit une sorte de dualité chez l'albatros : l'oiseau est beau, majestueux, lorsqu'il vole (il est alors qualifié
de «roi» v.6), mais ridicule lorsqu'il est au sol, comme le prouvent les adjectifs péjoratifs «maladroits et
honteux» (v.6), ainsi que l'adverbe «piteusement», placé à la césure du vers 7. Les deux antithèses des vers 9 et 10 fonctionnent de la même manière : le «voyageur ailé», périphrase laudative (le terme «voyageur» désigne l'ailleurs, porteur d'espoir, et l'adjectif «ailé» rappelle que l'oiseau fait partie du ciel, siège de l'Idéal cher à Baudelaire), s'oppose à «gauche et veule», tandis que l'adjectif «beau» (v.10), mis en valeur par l'adverbe d'intensité «si», contraste avec «comique et laid». La comparaison du vers 8 renforce cette impression : l'albatros semble majestueux par la taille de ses ailes («grandes ailes», v.7) dont la couleur («blanches» v.T) peut être interprétée comme un symbole de pureté (Baudelaire est considéré comme étant un pré-symboliste), mais l'animal devient banal dès lors qu'il rejoint le domaine terrestre : les ailes blanches ne sont plus que de simples «avirons» (v.8). Le verbe «traîner», à la fin de la deuxième strophe, suggère une forme de lourdeur. Enfin, les vers 11 et 12 mettent en avant la descente aux enfers de l'oiseau. En effet, au dessus des hommes lorsqu'il vole, il est dominé par eux lorsqu'il est à terre, et en proie à leur cruauté. L'albatros n'est alors plus qu'un «infirme» (v.12) en proie à la cruauté des marins : on se moque de lui (on le «mime, en boitant», v.12), tandis que le terme «brûle-gueule» (une pipe) suggère une forme de souffrance. Le rythme haché du vers 12. qui comporte trois propositions, incarne bien la démarche boiteuse du marin imitant l'albatros. Cependant, le passage du pluriel au singulier entre les strophes 2 et 3 suggère que l'oiseau n'est finalement qu'un symbole, une représentation. Ainsi, il ne s'agit pas tant, pour le poète, de s'apitoyer sur le sort de l'oiseau, que d'exprimer une vérité cachée et bien plus profonde que ce que cette simple anecdote pourrait laisser croire au lecteur.
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