L'Éloge De L'Ombre
Rapports de Stage : L'Éloge De L'Ombre. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirese pleinement dans la conception de l'intérieur des maisons et les objets du quotidien. Selon Tanizaki, les Japonais ont poussé la subtilité jusqu'à s'entourer d'objets "mats" qui semblent absorber constamment la (rare) lumière.
Cette approche singulière de la lumière a une influence importante dans la conception même des objets. Le papier japonais, par exemple, le hôsho, « Il suffit de voir sa texture pour sentir une sorte de tiédeur qui nous met le cœur à l’aise ». Contrairement au papier occidental, totalement blanc et lisse, le hôsho est conçu de manière à offrir une surface duveteuse, comparable à celle de la neige fraîche. Ainsi, si le papier occidental est imperméable à la lumière, le japonais absorbe mollement ses rayons et, en plus, se plie en silence.
Tanizaki parle aussi longuement des laques, plats traditionnels japonais. Il les compare à la céramique occidentale. Tout les oppose. La céramique est blanche, lourde et froide au toucher, perméable à la chaleur et bruyante au moindre choc. Un laque est noir, brun ou rouge, mais dans tous les cas de couleur foncée. Obscure et souvent décoré avec de la poudre d’or, il peut paraître « tapageur, criard, voire vulgaire ». Mais l’auteur nous fait remarquer que les artisans enduisaient les laques et dessinaient à la poudre d’or dans un but bien précis. Dans une lumière indigente, l’or se détache de l’obscurité ambiante et réfléchit la lumière des lampes ou chandelles. Plongé dans la pénombre, un laque tapageur, retrouve alors sa profondeur, sobriété et densité. « Un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeur partie de son décor somptueux constamment caché dans l’ombre, il suscite des résonances inexprimables ».
REFLECTION
L’Eloge de l’ombre trouve beaucoup d’intérêt à travers la description d’ambiances. Il nous permet de découvrir celle de ce japon ancien par opposition à celui des années trente. En peu de pages, il enseigne une autre manière d’habiter les espaces, concevoir les objets, appréhender la beauté et l’art en tenant toujours compte de l’ombre qui apporte le mystère et le charme.
Pourtant, ce livre décrit aussi la nostalgie de l’auteur (dix ans après le grand séisme du Kanto qui détruisit quasi tous les vestiges du passé de la région de Tokyo). Nostalgie d’une culture en déclin, balayée par la lumière et l’agitation de la civilisation occidentale. Un paradis perdu auquel seuls les japonais auraient accédé…
Mais les lumières indirectes et diffuses sont-elles spécifiquement japonaises comme a l’air de le dire Tanizaki ? Difficile à croire. Et dans un domaine aussi profond que l’art, européens, n’avons-nous pas nos peintres de la pénombre et du clair-obscur ? Un rapide coup d’œil à l’œuvre de Caravaggio nous permet sans hésitation de répondre cette fois positivement.
Finalement, cet admirable ouvrage est si personnel, subjectif, poétique et arbitraire qu'il semble inutile de chercher à le démentir en lui opposant d'érudits traités d'histoire de l'art. A ce jeu, Max Milner propose une étude suffisamment dense sur le culte de l'ombre et du clair-obscur dans la peinture occidentale depuis des siècles.
Sans prétention de vérité absolue, L’Eloge de l’ombre éclairera tout propriétaire de ces maudites lampes à halogène qui écrasent sans distinction les nuances d’une maison, tuent les détails, les couleurs, les lignes, l’harmonie et la vie qui s’y crée.
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[ 1 ]. « Era de la luz » 1868-1912
[ 2 ]. p. 69
[ 3 ]. Papel japonés de alta calidad, espeso y perfectamente blanco.
[ 4 ]. p. 27
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