Le Petit Chaperon Rouge
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| | | |1. La grand-mère oubliée |
| | | |2. Du bon usage des épingles |
| | | |3. Un repas fortifiant |
| | | |4. Quand on parle du Loup... |
| | | |5. Qui a mangé la galette ? |
| | | |6. La maison dans la forêt |
| | | |7. Un loup trop populaire |
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| | | |1. La grand-mère oubliée |
| | | |Tout le monde connaît l'histoire du Petit Chaperon rouge ; c'est une histoire de loup et de petite fille désobéissante |
| | | |que l'on a vite fait de résumer ainsi : petite fille ne t'écarte pas du chemin, sinon tu rencontreras le loup et il te |
| | | |mangera ! Cette morale s'appuie sur deux versions qui, seules, ont fait fortune. La première –- celle qui finit mal – est|
| | | |celle écrite à la fin du XVIIe siècle par C. Perrault. Elle s'achève, on s'en souvient, sur la phrase terrible et |
| | | |lapidaire, "Et en disant ces mots le loup se jeta sur le Petit Chaperon rouge et la mangea", qu'accompagne le geste des |
| | | |parents conteurs : se précipiter sur leurs enfants en faisant mine de les dévorer, et la réponse de ceux-ci : de grands |
| | | |éclats de rire. La seconde – celle qui finit bien –- a été transcrite par les frères Grimm au début du XIXe siècle. |
| | | |Arrive en effet le chasseur qui sort ses ciseaux, fend le ventre du loup endormi par son repas, et délivre les deux |
| | | |femmes, d'abord le Petit Chaperon rouge (enfournée la dernière), toute guillerette, qui saute dehors en s'écriant : "Oh, |
| | | |là, là, quelle peur j'ai eue ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup !" ; ensuite la vieille grand-mère beaucoup |
| | | |plus éprouvée par son séjour "C'était à peine si elle pouvait encore respirer". Et le Petit Chaperon rouge aide le |
| | | |chasseur à remplir de pierres le ventre du loup ; celui-ci, à son réveil, se lève et, entraîné par le poids de son |
| | | |ventre, s'affale et meurt. Le Petit Chaperon rouge rentre chez elle, quitte, pense-t-on, pour la peur. |
| | | |Or, c'est une tout autre histoire que nous ont transmises les traditions orales de plusieurs provinces françaises, qui ne|
| | | |doivent rien, assurent les spécialistes, à l'imprimé. Recueillies pour la plupart à la fin du XIXe siècle dans le bassin |
| | | |de la Loire, le Nivernais, le Forez, le Velay ou, plus récemment, dans la partie Nord des Alpes de la bouche même des |
| | | |conteurs, ces versions comportent des motifs qui ont été entièrement laissés de côté par la tradition littéraire. |
| | | |Celle-ci, du reste, renvoie exclusivement à Perrault dans la mesure où la version fixée par les frères Grimm aurait été |
| | | |recueillie en 1812 auprès d'une jeune fille d'origine bourgeoise dont la mère était française ; d'autant également que la|
| | | |tradition orale du Petit Chaperon rouge n'a pas été retrouvée en Allemagne, mais semble seulement attestée dans une |
| | | |partie du Tyrol Italien1. |
| | | |Deux épisodes particuliers appartiennent en propre à la tradition orale. Tout d'abord celui du choix du chemin offert à |
| | | |la petite fille par le loup quand ils se rencontrent : "Quel chemin veux-tu prendre, lui dit-il, celui des épingles ou |
| | | |celui des aiguilles ?" Cette formulation dont P. Delarue remarque la constance dans les versions de tradition orale, |
| | | |reçoit de sa part le commentaire suivant : "Ces absurdes chemins qui surprennent l'adulte et ont intrigué les chercheurs,|
| | | |ravissent par contre les enfants qui trouvent toute naturelle leur existence au pays de la féerie, et qui leur trouvent |
| | | |toutes sortes de justifications"2. Pour P. Delarue, c'est un détail "puéril", et Perrault l'aurait laissé de côté pour |
| | | |cette raison même dans sa version ; c'est le loup qui règle d'autorité l'affaire du chemin : "Je m'y en vais par ce |
| | | |chemin icy et toi par ce chemin là" ordonne-t-il à la petite fille. Marc Soriano qui cherche à déterminer la genèse de la|
| | | |version Perrault et examine les versions de tradition orale se range à l'avis de P. Delarue : l'alternative proposée par |
| | | |le loup ne serait qu'un jeu. "On peut rapprocher ces absurdes chemins, propose-t-il, de ce jeu très apprécié des plus |
| | | |petits, qui consiste à leur demander s'ils préfèrent la sonnette ou le bouton"3. Une fausse alternative donc, car, dans |
| | | |les deux cas, les chemins sont désignés par des objets également piquants, donc blanc bonnet et bonnet blanc. Ce |
| | | |"merveilleux" détail, Perrault ne l'aurait pas conservé, poursuit Soriano, car "ces surprenants chemins auraient amusé |
| | | |les enfants mais auraient paru incompréhensibles aux autres lecteurs." A cela on peut répondre que les jeux de mots et |
| | | |calembours jouent un rôle fondamental dans la culture paysanne et tout particulièrement dans la tradition orale qui |
| | | |comprend tant de "devinailles" à double sens. Aussi les analyses de Delarue et de Soriano se fondent-elles sur l'idée – |
| | | |fausse – que les contes seraient uniquement destinés aux enfants. Il faut au contraire prendre au sérieux "ces absurdes |
| | | |chemins", et l'ethnographie peut nous aider à en expliciter le sens, autrement dit à nous faire comprendre le langage de |
| | | |l'épingle et de l'aiguille. |
| | | |Un second motif, également absent de la version Perrault, est développé dans toutes les versions de tradition orale, |
| | | |c'est celui du repas proprement cannibale de la petite fille, invitée par le loup à se restaurer ; c'est la chair et le |
| | | |sang de sa grand-mère qu'il lui offre comme souper. S'y adjoint le motif de la "voix" qui renseigne la petite fille sur |
| | | |la véritable nature de son dîner, mais que toujours elle entend de travers. Motif que P. Delarue qualifie de "cruel
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