« Le Rire Satirique »
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Rire, est-ce forcément se moquer, mettre à l’index ou stigmatiser ? Le comique ne peut-il fonctionner qu’au détriment d’un autre sur le modèle du fameux gag de la « tarte à la crème » ? Juridiquement, la frontière du « drôle » et du « pas drôle » est très difficile à fixer, c’est une certitude. Ce qui fait rire les uns peut laisser froids les autres, voire les offusquer. Comme la tragédie classique, le comique doit savoir respecter des unités, de temps et de lieu : « On peut rire de tout, mais pas n’importe où et pas n’importe quand », pourrait-on suggérer. Mais, outre l’importance du lieu et du climat — de tension — dans lesquels les blagues sont faites, c’est avant tout la subtilité du comique et son aura qui font la différence, qui légitiment l’humour, même le plus culotté.
Quand Desproges singe Adolf Hitler, quand Coluche raille les policiers, quand Valérie Lemercier montre ses seins sur scène ou quand le très populaire Jamel Debbouze égratigne ouvertement Bernadette Chirac, les bornes sont peut-être franchies, d’un strict point de vue juridique, mais tout le monde rit avec eux. Question de talent? Question surtout d’intention, car ces humoristes sont à la recherche permanente d’une forme d’humour universelle et partageuse. Parfois très acides et adeptes du flirt avec les limites, des artistes comme Coluche ou Desproges ont toujours réussi à se protéger en concevant peut-être le rire comme un « vouloir rire ensemble », une expression qui les aurait sans doute fait sursauter. Mais celle-ci résume pourtant bien une envie de ne pas exclure, de considérer l’humour comme un acte rassembleur, que la loi respecte alors au plus haut point. Car, c’est sûr, lorsqu’il est déclenché pour tous, le rire protège de tout et de tout le monde. « On peut rire de tout, mais à condition que tout le monde rie », serait alors un élément de réponse, mais qui n’aurait certainement pas plu à Pierre Desproges.
DOCUMENT 2 : Jean-Gabriel Fredet, « Gaspard Proust : Rire sans frontière », Le Nouvel Observateur, 14 avril 2010.
Un humoriste peut-il tout dire sans se soucier des réactions du public ? C’est le credo de ce virtuose de l’humour noir, mi-suisse, mi-slovène, qui était, il y a trois ans, gestionnaire de fortune. L’humour, Paris ? « Un peu par défaut », explique ce trentenaire au physique de jeune premier produit par Ruquier qui dilacère1 sans tabous car « la scène donne tous les droits ». Odieux, désespéré. Ou notre semblable, notre frère?
Pour avoir parlé d’un « beauf à gourmette avec sa pute à frange », on vous classe humoriste politique, ultraradical...
C’est très réducteur. Je ne parle pas de politique dans le spectacle. L’allusion à Sarkozy? Ce sont les spectateurs qui font le lien. C’est ce que voit le personnage que je joue. D’ailleurs, en comparaison d’Angela Merkel et de son compagnon, Sarko et Carla forment le couple le plus sexy du monde.
La gauche, la sexualité, les vieux, les handicapés, les femmes, les ouvreuses ou les éclairagistes « forcément CGT » de votre spectacle, vous n’épargnez personne...
Mon personnage est un cartésien désabusé. Plus observateur de la réalité que cynique. Sans jugement moral. Sa vision de la vie est glauque ? Elle reflète la réalité avec une dose de sophisme2. C’est un point de vue sur le monde avec zapping et une once d’autobiographie : comme mon personnage, j’ai une propension au tragique et je n’aime ni les happy ends ni les bien-pensants. C’est un parti pris. Je n’ai pas à le justifier. Mais il n’y a aucune volonté de choquer. Mes digressions sur la maladie ? Tourner en dérision le dramatique est une manière de faire un bras d’honneur à la mort, de lui dire « tu ne nous auras pas ». Je ne cherche pas à convaincre. L’humoriste ne doit pas se restreindre. Le public prend ou pas.
Certains rient à gorge déployée, d’autres rient jaune... C’est quoi un spectacle réussi ?
C’est quand il y a du rythme et que quelque chose se passe avec la salle. Mon spectacle n’est pas fédérateur ni le public homogène : l’applaudimètre n’est pas un critère. Certains rient, d’autres grincent. Mais on sent intérieurement quand ça marche. Parfois la salle se régale et je me dis : « J’ai été mauvais ». Parfois la salle n’est pas super mais je sais que j’ai réussi à faire passer quelque chose.
Pierre Desproges disait: « On peut rire de n’importe quoi, mais pas avec n’ importe qui. » Vous êtes d’accord?
Desproges avait emmené avec lui au théâtre son public de la radio. Il ne pouvait donc pas le choquer. Moi, c’est autre chose, je n’ai pas un public acquis. Si j’appliquais la devise de Desproges, il faudrait un questionnaire à l’entrée de la salle. Donc j’assume, je parle de tout, des juifs, des islamistes, des prêtres — j’ai longtemps voulu faire prêtre, mais j’étais trop timide pour aborder les enfants.
Vos admirations, vos projets?
Dans le comique, je n’ai pas de modèle. Aller voir les autres ? Je n’ai que le lundi, jour de relâche… comme les autres. Au fond, je fais du rire un peu par lâcheté. Ce qui m’intéresse, c’est la littérature : une phrase qui ne nécessite pas une chute sanctionnée par un rire qui rassure. J’ai une nostalgie du romantisme en littérature, en musique. L’époque portait davantage. Ai-je les moyens, la capacité de travail d’écrire ? En attendant, je serai à Avignon pendant le Festival et à l’Européen à la rentrée.
1. Met en pièces.
2. Raisonnement apparemment valide, mais au fond destiné à tromper ou de mauvaise foi.
DOCUMENT 3 : Véronique Brocard, « Stéphane Guillon ou l’humour du risque »,
Télérama, 31 décembre 2008.
Il est une heure où « Dark Vanneur» se transforme en Droopy. À7 h 55, Stéphane Guillon, énergique et véhément, entame la lecture de sa chronique noire et corrosive. A 8 h 30, l’humoriste de France Inter, qui fait part de son Humeur — mauvaise, sarcastique et souvent drôlissime —, est paisible, légèrement absent : celui qui a choisi le côté obscur de l’humour vient d’être victime d’une chute d’adrénaline. Le vide après le trop-plein ; le calme après le stress. L’exercice auquel il se soumet depuis un an est en effet un gros mangeur de calories. La peur de se ramasser en direct, l’obligation de faire rire, celle d’être à la hauteur de sa réputation, qui grandit de mois en mois.
« Cela me demande beaucoup de travail, d’autant
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