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Le bal des pendus, Rimbaud

Commentaire de texte : Le bal des pendus, Rimbaud. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  2 Mai 2024  •  Commentaire de texte  •  2 239 Mots (9 Pages)  •  36 Vues

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Bal des pendus

Arthur Rimbaud

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles
Se heurtent longuement dans un hideux amour.

Hurrah ! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !
Belzébuth enragé racle ses violons !

Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale !
Presque tous ont quitté la chemise de peau ;
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.

Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes !
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
Les loups vont répondant des forêts violettes :
A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !

Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre :
Et, se sentant encor la corde raide au cou,

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Introduction

Je vais vous présenter le poème « Le bal des pendus » (vers 1 au vers 28) qui est issus des cahiers de Douai d’Arthur Rimbaud. L’objet d’étude auquel il se rattache est «  la poésie du 19ème au 20ème siècle » et le parcours associé est « Emancipation créatrices ».

« Les Cahiers de Douai » regroupent un ensemble de vingt-deux poèmes écrits par Arthur Rimbaud, en 1870, à l'âge de seize ans. Le poème "Le Bal des pendus" se trouve dans la section "Premières Communions" des Cahiers de Douai et porte le numéro 6. Ces poèmes marquent les débuts poétiques de Rimbaud et témoignent de ses influences parnassiennes et de sa soif d'émancipation. Ils ne seront publiés qu'en 1919, après la mort de Rimbaud. Les Cahiers de Douai se caractérisent par une grande diversité de formes et de styles. On y trouve des poèmes lyriques, satiriques, provocateurs, mais aussi des poèmes empreints de rêve et de mélancolie.

Le « bal des pendus » a été écrit en 1870 alors que la France est en pleine tourmente politique et sociale, pendant la guerre franco-prussienne. Il reflète la violence et le chaos de l'époque.

"Le Bal des pendus" est un poème court et percutant dans lequel est décrite une scène macabre où des pendus, transformés en marionnettes par la mort, dansent.  Rimbaud revisite des thèmes traditionnels et médiévaux de « la danse macabre ». Rimbaud s’est inspiré en écrivant ce poème de la Ballade des pendus de François Villon, composée vers 1460

Mais en quoi ce poème est il un bal macabre et grotesque mené par le diable ?

Le poème de Rimbaud est composé de 11 strophes, 2 quatrains d’octosyllabes et 9 quatrains d’alexandrins. Ma présentation ne concernera que les 7 premières strophes. Je vais aborder les trois mouvements de ce texte. Dans un premier temps, le cadre macabre et percutant dans les strophes 1 à 3 puis la notion de danse burlesque et provocatrice de la strophe  4 à 7 puis la présence du fantastique à la strophe 7.

I. Le cadre macabre et percutant (strophes 1 à 3)

Le poème s'ouvre sur une description saisissante d'un paysage macabre

V1 

Le gibet noir: Le gibet est un instrument d'exécution, symbole de la mort et de la punition. Son association à la couleur noire renforce son aspect sombre et menaçant.

Manchot aimable: Le mot "manchot" signifie "qui n'a pas de bras". Appliqué au gibet, il suggère une impuissance face à la mort malgré l’amabilité du condamné

V2 

Le verbe "dansent" est utilisé de manière ironique et macabre pour décrire le mouvement oscillant des corps pendus au gré du vent.

V2,3 et 4 Rimbaud associent les pendus à des paladins ou des saladins. Le terme "paladins" évoque des chevaliers nobles et courageux et « saladins » les célèbres sultans musulmans.

Il souligne la décrépitude des cadavres en mettant l’accent sur la maigreur des paladins ou les squelettes de saladins. Il souligne donc la chute et la mort des puissants

V5 "Messire Belzébuth tire par la cravate"

En les tirant par leurs cravates, Belzébuth souligne leur déchéance et leur humiliation. Ils sont réduits à des corps sans vie, manipulés. C’est une image choquante et dérangeante pour le lecteur. Les allitérations en b et t crée un effet percutant et désagréable, qui renforce l'impression de malaise et d'horreur.

V6 « Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel »

Petits = vulnerabilite et impuissance

Noir associée à la mort, au deuil et au mal, renforçant l'aspect macabre de la scène.

Le verbe "grimacer" = souffrance des pendus qui accentue l'horreur de la situation.

Leur position "sur le ciel" crée un contraste entre la pureté du ciel et la noirceur des pendus

V7

 "Et" : introduit une nouvelle action, soulignant la brutalité et l'enchaînement rapide des événements.

"leur claquant au front un revers de savate" :

"claquant" : verbe d'action qui exprime la violence et la soudaineté du geste.

"au front" : localisation précise de la gifle, soulignant l'humiliation infligée aux cadavres.

"un revers de savate" : expression imagée désignant un coup de pied donné par le dos, accentuant la brutalité et l'aspect humiliant de l'acte.

V8 

  "Les fait danser, danser": répétition du verbe "danser" insiste sur l'aspect grotesque et absurde de la situation, où des cadavres sont forcés de danser malgré leur état, sont objets.

"au son d'un vieux Noël" : juxtaposition saisissante entre la gaieté festive d'un chant de Noël et l'horreur de la scène, créant un effet de dissonance et accentuant l'aspect macabre du poème.

V9

Et les pantins choqués":

Pantins= pendus comparés à des marionnettes manipulées

Choqués= personnification du pantin qui ressent de la douleur

"enlacent leurs bras grêles": crée une impression de fragilité et de désespoir. Le verbe "enlacer" évoque une certaine tendresse, l’allitération en L renforce ce sentiment de tendresse qui contraste avec la violence de la situation.

V10  « Comme des orgues noirs, les poitrines à jour »

« Comme » Comparaison : Les poitrines des pendus sont comparées à des orgues noirs.

Orgue : Instrument à vent imposant souvent associé à la musique religieuse et solennelle.

Noirs : Couleur connotant la mort, le deuil, et le macabre.

L'image crée une association paradoxale entre la beauté et la solennité de l'orgue et l'horreur de la pendaison.

 "les poitrines à jour" :

Image forte : Les poitrines des pendus sont mises à nu, ce qui accentue la violence et la cruauté de la scène.

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