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Une Approche Phénoménologique De l'Expérience De Magasinage

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que les consommateurs sont devenus plus volatiles et plus exigeants de par la diversité grandissante de leurs modes de consommation et de par les choix de plus en plus nombreux qui s’offrent à eux. Cette évolution a induit un certain nombre de pratiques et de recherches visant au développement de la fidélité des clients. Cependant, force est de constater aujourd’hui le succès mitigé de ces deux voies de développement. Les études sur l’influence des qualités sensorielles des espaces de vente sur les achats des clients invitent à tempérer les ambitions placées dans le marketing sensoriel du point de vente (Filser, 2001). Les difficultés financières des « magasins amiraux » contredisent l’impact présumé de la théâtralisation des espaces de vente (Kozinets et al., 2002). Enfin les programmes traditionnels de fidélisation semblent montrer leurs limites (Benavent & Mayer-Waarden, 2001). Mais en disant cela, nous ne cherchons pas à enfouir ces voies de développement. Bien au contraire, nous souhaitons contribuer à les sortir de ce qui nous semble être une impasse. Nous pensons que par une permutation astucieuse, mais aussi réductrice, l’expérience de consommation et avec elle l’expérience de magasinage, ont pu être trop rapidement assimilées à de la consommation d’expériences. D’où l’idée qu’il suffirait de manipuler quelques variables sensorielles– à l’instar de l’effet Mozart2 - et de scénariser la présentation des produits pour générer une expérience de magasinage profitable. Nous pensons également que l’expérience de magasinage et avec elle le concept de production d’expérience, appréhendés dans une optique davantage relationnelle « visant à établir, développer et maintenir des relations d’échanges fructueuses » (Morgan & Hunt, 1994) peuvent être la source d’un avantage concurrentiel conséquent. Dans le cadre de cette problématique générale, et en appliquant une démarche phénoménologique, cette recherche s’attèle à comprendre les expériences vécues par les clients (Filser, 2002; Vézina, 1999), et plus précisément, explore un lieu de vente aux travers des récits d’expériences de clients (Hirschman & Holbrook, 1982) et de divers acteurs du lieu. Les cheminements théoriques et méthodologiques de ce travail seront exposés dans un premier temps, suivis de la présentation des principaux résultats. La contribution du lieu - son genius loci - à la production de l’expérience de magasinage et plus particulièrement à l’attachement au lieu sera discutée.

Propos de Georges Olivereau, directeur général de l’agence Dragon Rouge Archi, cité dans l’article de Gallois et Lestrac : « Aménagement : pour mieux vendre, faites de beaux magasins ! » paru dans le 729ème numéro du magazine Point de Vente (1998). 2 La parution en octobre 1993, dans une rubrique du magazine « Nature », des résultats d’une recherche de Rauscher, Shaw et Ky sur les effets de la diffusion de musique lors de la passation du test du Qi, a donné naissance à une large controverse et à cette expression tantôt prise au premier degré par ses défendeurs, tantôt considérée plus cyniquement par ses détracteurs.

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L’EXPERIENCE DE MAGASINAGE

Point de vente, espace de vente et lieu de vente sont trois expressions qui bien souvent se substituent indifféremment l’une à l’autre dans les recherches en marketing pour désigner ce que l’on appelle plus communément le magasin. Pourtant ces expressions recouvrent des significations différentes quant à la relation qui s’installe ou serait supposée s’installer entre le magasin et ses clients. C’est par une analyse de ces acceptations du concept de magasin et des fondements qui les sous-tendent que les partis pris théoriques de ce travail sont énoncés. Une approche phénoménologique du lieu de vente est ici défendue afin de rendre compte des expériences vécues par les clients.

De l’interaction …

Il existe plusieurs façons d’aborder le concept de magasin. Une première approche, que l’on pourrait qualifier de fonctionnaliste, a induit des travaux de recherche s’attelant à la facilitation, à l’optimisation des comportements d’achats dans les magasins en s’intéressant à l’accès aux produits. Cette approche est à l’origine des travaux de recherche sur le merchandising du point de vente. Mais quelle place accorde-t-elle à la relation individuenvironnement ? Est-elle réduite aux contraintes de temps et d’énergie dépensées, à la contrainte de distance ? Quoi qu’il en soit, si l’on pousse cette acceptation du magasin dans ses retranchements, la relation a vocation à disparaître ; disparition illustrée par le principe de désintermédiation rendu possible par l’internet. Il existe une seconde approche que nous qualifierons d’explicative ou d’objectiviste. Deux travaux concomitants sont à l’origine de cette acceptation : d’un côté un article pionnier dans le champs du marketing (Kotler, 1973) et de l’autre, un ouvrage de psychologie (Mehrabian & Russell, 1974). Kotler va définir le concept d’atmosphère de l’espace de vente : c’est « la qualité de l’espace artificiel qui environne l’échange ». Il décompose l’atmosphère de l’espace de vente en quatre dimensions : visuelle, auditive, olfactive et tactile. Le premier changement sémantique est opéré : d’un simple point le magasin devient espace. Selon Kotler : « Les couleurs, les sons et les textures de l’établissement peuvent directement éveiller des réactions viscérales qui contribuent favorablement à une probabilité d’achat… » (p.54). Enfin, il conclut que dans bien des cas l’atmosphère a davantage d’influence que le produit lui même sur la décision d’achat. Aux propositions de Kotler, répond le modèle de Mehrabian et Russell. Ceux-ci cherchaient à identifier : « ces réponses qui sont le résultat immédiat de stimulation et qui se rencontrent à des degrés divers dans tous les environnements » (p.10). Leur réflexion les a conduits à retenir le plaisir, l’éveil et la domination comme les trois réactions émotionnelles élémentaires à tout stimulus. Pour eux, ces états émotionnels, principalement fonction des stimuli environnementaux, entraînent soit un comportement d’approche soit un comportement d’évitement de la part de l’individu. C’est sur ces bases qu’a été réalisé un grand nombre de recherches sous l’appellation de marketing sensoriel de l’espace de vente. On a ainsi testé l’influence de nombreux stimuli tels que la diffusion de musiques, la diffusion d’odeurs, la projection de couleurs sur les murs, …, principalement sur les comportements d’achat des clients. 2

Dans un souci d’opérationnalité et d’exhaustivité, la définition de l’atmosphère a, par la suite, été régulièrement implémentée, modifiée (Baker, 1986; Berman & Evans, 1995) pour récemment intégrer aux côtés des éléments physiques et poly-sensoriels de l’espace, sa composante sociale c’est à dire principalement les vendeurs et les clients. Cependant, malgré la complexité croissante qu’a connu le modèle d’influence lui-même (Bitner, 1992; Daucé & Rieunier, 2002) et malgré les différentes alternatives qui lui ont été préférées (Malcheit & Eroglu, 2000), bon nombre des recherches empiriques qu’ils ont générées obtiennent des résultats décevants c’est à dire bien souvent non significatifs et parfois divergents (Filser, 2001; Rieunier, 2000)3. Si ces résultats décevants peuvent encourager l’approfondissement des investigations, ils exposent également le modèle à la critique. Les modèles d’influence espace de vente – clients initiés par Mehrabian et Russell et avec lui l’ensemble des recherches sur le marketing sensoriel de l’espace de vente sont fondés sur trois postulats théoriques sujets au questionnement : - Ils considèrent que les différentes dimensions de l’environnement peuvent se juxtaposer alors qu’on a mis en évidence aux côtés d’une perception pluri-sensorielle, l’existence d’une perception inter-sensorielle (Couic, 2000) ; découverte qui remet en cause le principe d’additivité (Robert-Demontrond, 2002). En d’autre terme, on manipule un stimulus atmosphérique de l’environnement alors qu’on ne peut et qu’on ne sait pas mesurer l’influence avérée des interactions de ce stimulus avec les autres stimuli de l’atmosphère. Arguant de ce problème, quelques recherches ont bien tenté d’étudier l’influence simultanée de deux ou trois stimuli (Mattila & Wirtz, 2001), mais de facto elles se heurtent à leur propre argumentation car elles se trouvent dans l’incapacité de maîtriser l’ensemble des interactions. Seules restent alors valides les recherches appréhendant l’atmosphère d’un point de vue holistique. Cependant, elles n’apportent que peu de solutions aisément applicables dans l’élaboration et la gestion des espaces de vente par les praticiens. - Ils définissent l’environnement comme extérieur à ceux qui l’occupent alors qu’il existe aujourd’hui un consensus pour admettre l’existence d’un processus itératif entre l’individu et son environnement pour construire ce qu’on appelle un espace vécu ; espace au sein duquel l’individu agit relativement indépendamment des stimuli pris isolément (Ittelson, 1973). La théorie de la forme, par exemple, a mis en évidence l’existence d’un environnement comportemental à côté de l’environnement géographique (Koffka, 1935). Cette notion d’environnement

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