Voyage au bout de la nuit - analyse

étude du texte 1, p. 168 : extrait du Voyage au bout de la nuit de L. F. Céline.

Introduction :

Contexte(s) : Publié en 1932, le roman a révélé Céline, sa révolte anarchisante (= refusant toute autorité, toute règle) et son style argotique et gouailleur (= moqueur), vigoureusement rythmé. Le héros-narrateur, Ferdinand Bardamu, est une sorte de double de l’auteur. Du jour où il s’engage dans la cavalerie, en 1914, il est entraîné dans un tohu-bohu (= désordre, confusion, tintamarre) extraordinaire d’aventures qui lui font découvrir tous les vices de la civilisation.

Le passage à commenter se trouve au tout début du roman (fin du premier chapitre, qui ne porte pas de numéro). Bardamu s’entretient avec son camarade Arthur Ganate.

Lecture.

Reprise de l’introduction :

Mouvement :

L’engagement spontané et comique du narrateur dans l’armée, l. 1 à 13, dans une scène dialoguée ;

La sortie en fanfare de la ville et l’entrée progressive de la troupe dans la nuit : la fête est finie (qui est pris qui croyait prendre : « on était faits, comme des rats »), l. 14 à 24.

Problématique :

[Deux notions étant à retenir : l’anti-héros et le burlesque (cf. lexique, p. 168), nous pouvons problématiser ainsi :]

Nous verrons comment le détournement épique met paradoxalement en valeur l’anti-héroïsme de Bardamu.

Parler très familier, badin (= léger) dans le présentatif : « Mais voilà-t-y pas que ». Présentation rapide du contexte : complément de lieu + relative (« où » de lieu aussi), mise en valeur du sujet en fin de proposition : « un régiment se met à passer » (verbe d’action + aspect inchoatif du verbe « se mettre à »). L. 2, mise en valeur de la figure du « colonel », deux compléments de lieu aussi. « Et même qu’», renchérissement de l’idée. La surenchère dans les valeurs positives du colonel rend le personnage grotesque, ridicule : reprise du terme « colonel » dans une exclamative renforçant cette analyse (ironie). Mise en valeur de « moi », l. 3, la restriction « ne fis que » est une manifestation de l’ironie du narrateur puisque l’idée valorisée (« bon d’enthousiasme ») est présentée négativement. Le paradoxe du héros est déjà présent ici. Les lignes 5 et 6 redoublent la précédente assertion, au discours direct dans le dialogue lui-même burlesque. On remarque la rime interne (« ainsi », « crie », « voici ») contribue à cet effet. La naïveté du héros est reconnue a posteriori à la ligne 6 : « et au pas de course encore ». Son camarade lui renvoie la balle dans la réplique de la ligne 7, « Arthur en retour ». La tonalité reste comique. Pour ne pas perdre la face, Ferdinand préfère parler de froissement (« vexé sans aucun doute »). Le lecteur imagine ici un jeune homme satisfait de lui-même, de sa posture haute en couleur et de son pouvoir de fascination sur les autres (« par l’effet de mon héroïsme sur tout le monde qui nous regardait », l. 8. En réalité, c’est Bardamu qui est vexé, l. 9, mais il veut rester fidèle à lui-même, stoïque : « mais ça m’a pas arrêté », « j’étais au pas », discours intériorisé (DD) : « j’y suis, j’y reste ». Ferdinand a le comportement de beaucoup de jeunes de l’époque qui partaient « la fleur au bout du fusil ». On relève aussi la phrase exclamative dans « j’y suis, j’y reste ». La bravade, toujours au discours direct, l. 12, confirme l’attitude fanfaronne et insouciante du protagoniste à la fin du premier mouvement. L’enrôlement a été rapide, le narrateur qui se croyait le plus fort n’a pas eu le temps de comprendre (« ça s’est fait exactement ainsi », l. 13). Il s’est pris à son propre jeu de raillerie. A la ligne 12, l’aspect