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La crise et la libéralisation financière en Europe

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à couvrir le volume des dollars circulant hors USA.

Or, le système de Bretton Woods laissait la possibilité à chaque pays, mais avec l'accord de tous ses partenaires dans le système, de procéder à des ajustements monétaires si nécessaire (dévaluation ou au contraire, réévaluation). Tout pays partie prenante à la conférence de Bretton Woods, puisqu'il avait des réserves en dollars américains, pouvait décider de les changer contre l'or que les Etats-Unis possédaient. Cette dernière caractéristique du système a fini par poser problème.

La situation du dollar a été bien caractérisée par l'économiste belge, Robert Triffin (1919-1993). Le paradoxe que Triffin repère dans les relations monétaires entre nations occidentales est le suivant. A la sortie de la guerre mondiale, l'Europe et le Japon font figure de terres ravagées en comparaison avec les Etats-Unis dont la production industrielle a doublé entre 1940 et 1945. Les Etats-Unis sont donc, à cette époque, clairement la nation qui accumulé un capital dont les autres nations sous parapluie américain ont besoin pour leur reconstruction. Le système de Bretton Woods fonctionne comme système de financement de la croissance des exportations américaines en solvabilisant la demande du Japon et des pays d'Europe occidentale.

Donc, à l'époque, logiquement, le dollar est la monnaie qui inspire confiance. En basant le système monétaire international sur le dollar, l'attrait pour ce dernier est pleinement consacré. Ce qui a pour effet, paradoxalement, de le fragiliser, car fournir des liquidités au monde occidental en plein effort de reconstruction peut conduire à un déficit de la balance des paiements des États-Unis. Jusqu'en 1958, la demande de dollars est énorme mais avec le temps, les émissions de dollars vont déstabiliser la politique monétaire de l'oncle Sam. Par ailleurs, les pays qui exportent vers les Etats-Unis accumulaient des dollars qui sont convertis dans les monnaies locales. Ce qui y alimentait l'inflation. L'Allemagne, traumatisée par l'hyperinflation de l'entre-deux-guerres, va alors commencer à faire rembourser ses dollars excédentaires en or. Comme les USA ne veulent pas entamer leurs réserves, ils suspendent la convertibilité or de leur monnaie nationale le 15 août 1971.

Les conséquences de l'adoption de taux flottants ont été importantes. Elle rendait caduques les mesures de contrôle des mouvements de capitaux qui, sous Breton Woods, permettaient de ne pas déstabiliser les taux de change fixes. Le coup d'envoi de la libéralisation financière était donné. L'approche macroéconomique, forcément globalisante, ne doit pas faire l'impasse sur les pratiques d'entreprise qui ont déstabilisé le système de Breton Woods. Pour saisir cet aspect de la question, il faut évoquer la naissance et le développement des eurodollars.

La finance privée au cœur du basculement

Le marché des eurodollars a commencé à se constituer à la fin des années cinquante et a connu ensuite une croissance fulgurante durant la décennie qui suivra. Trois facteurs principaux qui expliquent la naissance et le développement de ce marché nouveau.

Au départ de ce grand chambardement, les banques soviétiques sont à l'origine du placement de dollars chez leurs homologues européens. L'Union Soviétique disposait d'importantes réserves de la monnaie américaine. Et ce, pour deux raisons, sa balance commerciale excédentaire avec le monde occidental et les ventes d'or soviétique contre dollars sur les marchés occidentaux. Ces dollars étaient déposés dans les plus grandes banques américaines. Il est évident qu'en cas de durcissement des rapports entre l'Union Soviétique et les Etats-Unis, il existait un risque de saisie de ces devises par l'Oncle Sam. La Russie entreprendra de déplacer, dès la fin des années cinquante, ces dollars principalement vers la City de Londres via des filiales de banques soviétiques. C'est donc par ce biais que commencent à circuler des dollars en dehors des banques américaines.

La deuxième raison du développement de l'eurodollar réside dans le retour à la convertibilité (externe) des monnaies des dix pays les plus riches du monde. Ce retour sera à la fin de l'année 58. La "convertibilité limitée" désigne la conversion des monnaies entre elles, assurée pour toutes les transactions courantes. Ce qui exclut les transactions en capital. C'est ici que le capital financier intervient. Les banques commerciales américaines, sous le régime de l'inconvertibilité, devait céder les devises en sa possession à la banque centrale émettrice. Après 1958, ce n'est plus le cas. Vu la demande de dollars en Europe à l'époque, la rémunération des comptes libellés en dollars par les banques du Vieux continent s'avère plus intéressante qu'outre-Atlantique. Les banques d'affaires US vont, à l'extrême limite de l'illégalité, envoyer des dollars vers la City de Londres. Au cours des années 60, le secteur financier s’est montré à même de faire imploser les dispositions de Breton Woods.

Dès 1958, la première puissance mondiale connaît son premier déficit de la balance des paiements. Les capitaux empruntés aux banques américaines (mais aussi les dépenses militaires et les investissements directs étrangers) sont à pointer parmi les causes de cette dégradation. La fuite des capitaux va inquiéter, au début des années 60, le gouvernement américain. En 1965, l’administration Johnson crée la taxe d'égalisation des intérêts (Interests Equalization Tax). La taxe en question était destinée à annuler le différentiel de taux d’intérêt expliquant l’accumulation des dollars outre-mer. Les banques américaines ont bien été contraintes, à l’époque, de diminuer les transferts de dollars à destination de la City. La demande de crédit se déplaça, dès lors, des Etats-Unis vers la City où se trouvaient les eurodollars. Ce qui renforça leur attractivité et dont, le taux d’intérêt pratiqué par la City pour des dépôts réalisés en dollars.

A rendre les affaires monétaires internationales profondément dépendantes du dollar, l’architecture de Breton Woods a fini par montrer ses limites. Pour comprendre le moment exact où les conditions sont réunies pour le grand basculement, il convient de se pencher sur la " Q regulation ". Cette dernière va favoriser le développement des eurodollars. La regulation Q imposait un plafond au taux que les banques américaines offraient sur les dépôts à terme de plus de 30 jours. La "Q regulation" n’était pas conçue pour un monde où la lutte contre l’inflation prenait le pas sur la volonté de créer les conditions de la croissance. La Regulation Q avait, en effet, été promulguée en 1933 alors que les Etats-Unis cherchaient à lutter contre les effets de la grande dépression. Parmi ces derniers, on signalera, comme manifestation de peur devant l’avenir, la thésaurisation pratiquée par les acteurs économiques. En limitant les possibilités de thésaurisation à court terme, l’administration Roosevelt ambitionnait de réinjecter de la liquidité dans l’économie.

Or, en 1966 et 1967, la priorité de la Fed n’est plus de lutter contre le chômage de masse mais de diminuer l’inflation. La solution envisagée était d’ordre monétaire et consistait, à cette époque, en une augmentation des taux d’intérêt. L’élévation des taux d’intérêt n’a pas affecté la totalité des comptes. En effet, les comptes soumis à la "Q regulation" étaient plafonnés en termes de taux d’intérêt. Les plafonds fixés par la "Q regulation". Une partie des capitaux américains se sont alors déplacés vers la City où les taux, pour des placements à court terme, étaient beaucoup plus élevés qu’aux Etats-Unis. La manière dont les pétrodollars se sont multipliés est assez impressionnante au point que dès la fin des années soixante, le marché des eurodollars est devenu plus important que le marché monétaire domestique américain.

Pour répondre à la crise en cours, un certain nombre de voix insistent sur la nécessité de reconduire un nouveau Breton Woods. S’il est indéniable qu’un régime de taux de change flottants est intrinsèquement lié la liberté de circulation des capitaux et que le développement de la finance dérégulée est à la base de la crise actuelle (ce que nous vérifierons au point suivant), il n’en reste pas moins que limiter l’effort de régulation à la seule sphère macroéconomique ne sera guère opérant. Il faut s’intéresser à l’acteur bancaire privé. On retiendra, pour s’en convaincre, que les eurodollars, comme produit financier, ont été développés dans le plus grand secret et qu’ils ont été mis en œuvre par le jeu de prêts en cascade entre banques occidentales. Voyons maintenant quelles ont été les conséquences du démantèlement de Breton Woods sur le fonctionnement et la structuration du secteur bancaire.

Changement de paysage

Bretton Woods avait créé un régime de liberté conditionnelle pour les banques et les institutions financières. Des barrières de nature essentiellement réglementaires garantissaient aux banques des différents pays une rente de situation sur le territoire de leur pays et les empêchaient d’opérer à l’extérieur. La libéralisation va prendre l’exact contrepied des dispositions de Breton Woods. Ainsi, dans les années 70 et 80, assisera-t-on

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