Vernance De La Banque Islamique
Mémoire : Vernance De La Banque Islamique. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresflux de « pétro-dollars » dû au nouveau renchérissement des hydrocarbures, le développement des communautés musulmanes dans les métropoles occidentales 1 , la progression du micro-crédit dans les pays en développement, mais aussi, la réaction contre le capitalisme financier international et la résurgence du fondamentalisme musulman. Malgré l’intérêt qu’elle suscite dans les milieux académiques et professionnels, la finance islamique demeure encore méconnue: elle est présentée tantôt comme rétrograde (Schart, 1964), car elle condamne le prêt à intérêt et impose le partage des profits et des pertes entre les emprunteurs et les prêteurs, tantôt comme moderne (Baller, 2005), car elle introduit une forme nouvelle de « gouvernance partenariale », s’efforçant de concilier les principes de la finance anglo-saxonne et ceux du Coran (Qur’an), de la loi islamique (Shariah), de sa jurisprudence (Fiqh) et de sa tradition (Sunna). Parmi les diverses problématiques soulevées par le développement de la banque islamique, celle de sa gouvernance par des modèles radicalement différents, s’avère encore largement inexplorée. Cette recherche sur l’efficience de la gouvernance bancaire islamique – et plus largement sur la gouvernance bancaire partenariale - s’efforce de répondre à ce questionnement, suivant une approche à la fois théorique et empirique. La recherche s’inscrit dans le cadre de la préparation d’une thèse transdisciplinaire de doctorat de sciences de gestion. La première partie de la restitution des travaux de recherche recense les théories de la gouvernance anglo-saxonne et de la gouvernance islamique applicables aux banques à guichets islamiques. La deuxième partie présente le protocole de la recherche, qui est basé sur la triangulation d’études de cas et d’entretiens semi-directifs avec des gestionnaires bancaires et des conseillers islamiques. La troisième partie analyse la portée et les limites des observations issues de l’analyse des matériaux primaires et secondaires recueillis. 1. L’état de l’art : des référentiels partiellement contradictoires Les règles appliquées par les banques islamiques sont issues de principes – souvent jugées contradictoires – relevant des théories anglo-saxonnes des organisations, d’une part, et de la loi islamique, d’autre part. Les dirigeants de ces établissements sont en fait soumis à des règles de gouvernance à la fois actionnariale (shareholders’ governance), partenariale (stakeholders’ governance) et religieuse (islamic governance). 1.1. les règles de gouvernance actionnariale applicables aux banques islamiques
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Communauté estimée à 1,8 millions de musulmans dans le « grand Londres ».
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Les décisions et les comportements des managers bancaires occidentaux sont encadrées par des règles et par des pratiques fondées sur les principes du gouvernement d’entreprise conventionnel (standard corporate governance). Selon Charreaux (1997), ces principes visent à « expliquer la performance organisationnelle des systèmes qui encadrent et contraignent les décisions des dirigeants »; ils couvrent « les mécanismes qui ont pour effet de gouverner les conduites de ces derniers et de définir leurs espaces discrétionnaires ». Ces principes sont inférés de plusieurs théories fondatrices de la gestion moderne: celles des droits de propriété (Berle & Means, 1932), de l’agence (Jensen & Meckling, 1976), des coûts de transaction (Williamson, 1985)… Ces principes reposent sur l’hypothèse d’un conflit d’intérêts, actif ou latent, entre les actionnaires, qui cherchent à maximiser la rentabilité de leurs placements dans l’entreprise, et les dirigeants, qui s’efforcent de minimiser les risques encourus directement par l’entreprise et indirectement par eux-mêmes. Elle propose un ensemble de règles visant à améliorer l’efficience sous contrainte de l’organisation. Parmi les mesures d’incitation préconisées, « la politique de financement externe imposée par les actionnaires aux dirigeants, doit influencer le niveau des ressources contrôlées par ces derniers, limiter les coûts de sur- ou de sous-investissement (qualifiés de « coûts d’opportunité ») et ainsi contribuer à « l’efficience organisationnelle » (Jensen, 1986; Stulz, 1990). Plusieurs autres théories - parmi lesquelles celle du « financement hiérarchique » ou pecking order (Myers & Majluf, 1984) – ont suivi la même approche, en définissant les critères optimaux de choix par les dirigeants des modes de financement de l’entreprise. Mais, en adoptant une posture positiviste, la théorie de la gouvernance actionnariale, qui s’inscrit dans le cadre du paradigme libéral, ne s’est affranchie qu’en apparence de tout parti pris politique et idéologique. En application de ces principes, de multiples instances internationales et nationales ont édicté, à partir des années 1980, des normes applicables par les entreprises en général et par les banques en particulier. De nombreux rapports officiels sur la corporate governance (Treadway, Cadbury, Calpers, Viennot 1 & 2, de l’Institut Montaigne, Bouton…), ont préconisé l’application de principes d’organisation et de règles de fonctionnement des conseils d’administration (notamment, l’instauration de comités d’éthique), visant à mieux inciter et contrôler les actions des dirigeants d’entreprises, afin de limiter les pratiques inefficientes et/ou opportunistes. Après la faillite du groupe énergétique Enron et du cabinet d’audit Arthur Andersen (novembre 2001), plusieurs lois (Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis, Sécurité Financière en France…) ont durci les conditions d’exercice du contrôle des comptes, de la notation et de la communication financière des sociétés cotées en bourse. Les instances internationales de régulation comptable (IAS/IFRS Committee 2 ) ont imposé l’application par les sociétés cotées, à partir de 2005, de nouvelles règles comptables orientées vers la défense des intérêts des actionnaires, qui sont basées notamment sur le principe d’évaluation des éléments d’actif et de passif à leurs prix de marché ((fair value). Dans le secteur strictement bancaire, le Comité de Bâle a défini de nouveaux ratios prudentiels de couverture des fonds propres (« ratios Bâle 2 ») applicables à partir de 2007. Ces ratios ont contraint les banques à développer de nouveaux instruments de gestion du risque, faisant notamment appel à la gestion de portefeuille (portfolio management) et à la gestion dynamique d’actifs (asset management). 1.2. les règles de gouvernance partenariale applicables aux banques islamiques Certains principes de la théorie standard de la gouvernance ont cependant fait l’objet de critiques de la part des milieux académiques (Brennan,1999), qui ont dénoncé son
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International Accounting Standards/International Financial Reporting Standards Committee.
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« objectivation insidieuse » des rapports entre les principaux acteurs de l’entreprise, étant l’héritière directe, selon la formule de Weber, de « l’esprit capitaliste et de l’éthique protestante ». Dès 1953, Bowen avait lancé le concept de responsabilité sociale entrepreneuriale (corporate social responsability), basé sur un contrat implicite entre l’entreprise et la société. Au cours des années 1970, les notions d’engagement des entreprises à assumer les conséquences sociétales de leurs activités (corporate social reponsiveness), de contrat social (social contract) entre la société et ses entreprises, de citoyenneté d’entreprise (corporate citizenship), d’éthique des affaires (virtue business)…furent successivement proposées, principalement par des sociologues anglo-saxons des organisations. En 1983, Freeman & Hannan ont contesté la logique actionnariale de la théorie de l’agence en introduisant la notion « d’intérêts de la société toute entière et notamment des autres parties prenantes (stakeholders), considérées comme des investisseurs au sens large de l’entreprise ». Les auteurs ont dénombré parmi les parties prenantes, les salariés, fournisseurs, clients, collectivités territoriales, groupes d’intérêts…liés à l’organisation. Ils ont contribué à enrichir la fonction d’utilité de l’entreprise, en la subordonnant à la fois aux intérêts particuliers des actionnaires et à l’intérêt général de la société. Suivant une approche différente, Shleifer & Vishny (1989) montrèrent que le dirigeant peut, dans certains cas, servir des causes sociales ou sociétales, en agissant sur la structure financière de l’entreprise afin de restreindre le pouvoir des actionnaires. Donaldson, Shoorman & Davis (1997), s’inspirant de la « théorie Y » de Mc Gregor, introduisirent la théorie de l’intendance (stewardship theory), selon laquelle le dirigeant peut, dans certains cas, contribuer au développement à long terme de l’entreprise tout en servant l’intérêt général. Porter (1992), dénonçant les effets « courttermistes » de la gouvernance standard, montra également que le développement soutenable à long terme d’une entreprise, exige l’engagement profond d’actions éthiques, posant ainsi les fondements d’une théorie généralisée de l’agence. Ces théories ont alimenté des débats académiques sur l’intérêt de nouvelles formes de capitalisme coopératif (Aglietta & Rebérioux, 2005) – comme les coopératives, mutuelles,
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