Comment la répression de l'érotisme sert le pouvoir dans le roman 1984 ?

rdonné par Big Brother est de se reproduire tout en supprimant toutes traces de plaisir qui pourraient en découler. En fait, le célibat est davantage encouragé par la collectivité. De même, la « ligue Anti-Sexe des Juniors » (p.92) est un des groupes militants pour cette cause. Ce mouvement prônant l’individualisation permet aux dirigeants de rayer en partie le désir sexuel. D’ailleurs, l’une des finalités du Parti est de « tuer l’instinct sexuel ou, s’il ne pouvait le tuer, de le dénaturer et de le salir » (p.92).

Mais enfin, pourquoi donc vouloir « [abolir] l’orgasme » (p.353)? Le rapport sexuel lorsque commis entraîne les deux fautifs dans « un monde […] hors du contrôle du Parti » (p.179). Or, cette action indomptable va clandestinement contre l’idéologie du Parti, soit vouloir tout contrôler. Il faut donc nécessairement l’abolir. Pour cette raison, « l’impulsion sexuelle [est] dangereuse pour le Parti » (p.179) et ce dernier l’a ingénieusement «détournée à son profit » (p.179). Voici comment : en effaçant l’amour présent « entre l’enfant et les parents, entre l’homme et l’homme, entre l’homme et la femme » (p.353), celui-ci n’a plus de choix que de se tourner vers Big Brother. Comme le dit si bien O’Brien : « Il n’y aura plus d’amour que l’amour éprouvé pour Big Brother. » (p.353) De cette façon, les membres du Parti, amants fous de ce personnage, s’identifient à lui et écoutent aveuglément sa volonté dictée par le Parti. Ce fait est bien résumé par un des propos de Julia : « Si l'on était heureux intérieurement, pourquoi s'exciterait-on sur Big Brother […]? » (p.179) Ainsi, Big Brother est utilisé par le Parti pour endoctriner les fidèles. Également, cette oppression sexuelle entraîne l’hystérie qui est précieuse pour le Parti car elle peut être transformée « en fièvre guerrière et en dévotion pour les dirigeants» (p.179). De même, cette énergie issue de cette abstinence est canalisée vers ce qui est bien pour la société. Julia illustre bien cette transformation: « Toutes ces marches et contre-marches, ces acclamations, ces drapeaux flottants, sont simplement de l'instinct sexuel aigri. » (p.179)

Pour conclure, les actes sexuels entre Winston et Julia sont en fait « un acte de rébellion » (p.94). Probablement le pire crime qu’ils commettent est de déclarer leur amour l’un pour l’autre et non pas pour Big Brother : ils dévient ainsi l’astuce du Parti. Enfin, on assiste dans le roman d’Orwell une inversion surprenante du slogan « faites l’amour, pas la guerre »!

Les citations sont tirées de :

Orwell, George, 1984, Barcelone, Éditions Gallimard, 1949, 407 p. collection Folio