Le Personnage Historique Dans Le Roman
Recherche de Documents : Le Personnage Historique Dans Le Roman. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresans l'histoire; figurez-vous tout un peuple amoureux fou. Peu de jours après, Napoléon gagna la bataille de Marengo. Le reste est inutile à dire. [ ... ]
Peu de jours après la victoire, le général français, chargé de maintenir la tranquillité dans la Lombardie, s'aperçut que tous les fermiers des nobles, que toutes les vieilles femmes de la campagne, bien loin de songer encore à cette étonnante victoire de Marengo qui avait changé les destinées de l'Italie et reconquis treize places fortes en un jour, n'avaient l'âme occupée que d'une prophétie de saint Giovita, le premier patron de Brescia. Suivant cette parole sacrée, les prospérités des Français et de Napoléon devaient cesser treize semaines juste après Marengo.
Ce qui excuse un peu le marquis Del Dongo et tous les nobles boudeurs des campagnes, c'est que réellement et sans comédie, ils croyaient à la prophétie. Tous ces gens-là n'avaient pas lu quatre volumes en leur vie; ils faisaient ouvertement leurs préparatifs pour rentrer à Milan au bout des treize semaines; mais le temps, en s'écoulant, marquait de nouveaux succès pour la cause de la France. De retour à Paris, Napoléon, par de sages décrets, sauvait la révolution à l'intérieur comme il l'avait sauvée à Marengo contre les étrangers. Alors les nobles lombards, réfugiés dans leurs châteaux, découvrirent que d'abord ils avaient mal compris la prédiction du saint patron de Brescia: il ne s'agissait pas de treize semaines mais bien de treize mois. Les treize mois s'écoulèrent, et la prospérité de la France semblait s'augmenter tous les jours.
1. Marchesino : titre donné, en Italie, à tous les fils de marquis.
Texte B - Honoré de Balzac (1799-1850), Une Ténébreuse Affaire, troisième partie, chapitre XXI « Le bivouac de l'Empereur » (1843).
[Le roman s'inspire de faits historiques. Riche en péripéties, il débute avec l'évocation d'un complot de monarchistes contre Bonaparte, alors Premier consul (1799-1804), qui aboutit à un procès suivi de condamnations. Laurence de SaintCygne, une royaliste impliquée dans la conspiration, vient avec un de ses proches, le marquis de Chargeboeuf, demander la grâce de ses cousins sur le champ de bataille où se trouve Napoléon, devenu entre temps empereur (1804). On est à la veille de la bataille de Iéna (1806).]
L'Empereur descendit. Au premier mouvement qu'il fit, Roustan son fameux rnameluck1 s'empressa de venir tenir le cheval. Laurence était stupide d'étonnement: elle ne croyait pas à tant de simplicité.
- Je passerai la nuit sur ce plateau, dit l'Empereur.
En ce moment le grand-maréchal Duroc, que le gendarme avait enfin trouvé, vint au marquis de Chargeboeuf et lui demanda la raison de son arrivée; le marquis lui répondit qu'une lettre écrite paf son ministre des affaires extérieures lui dirait combien il était urgent qu'ils obtinssent, mademoiselle de Saint-Cygne et lui, une audience de l'Empereur.
- Sa majesté va dîner sans doute à son bivouac, dit Duroc en prenant la lettre, et quand j'aurai vu ce dont il s'agit, je vous ferai savoir si cela se peut.
- Brigadier, dit-il au gendarme, accompagnez cette voiture et menez-la près de la cabane en arrière.
Monsieur de Chargeboeuf suivit le gendarme, et arrêta sa voiture derrière une misérable chaudière bâtie en bois et en terre, entourée de quelques arbres fruitiers, et gardée par des piquets d'infanterie et de cavalerie.
On peut dire que la majesté de la guerre éclatait là dans toute sa splendeur. De ce sommet, les lignes des deux armées se voyaient éclairées par la lune. Après une heure d'attente, remplie par le mouvement perpétuel d'aides de camp partant et revenant, Duroc, qui vint chercher mademoiselle de Saint-Cygne et le marquis de Chargeboeuf, les fit entrer dans la chaumière, dont le plancher était en terre battue comme celui de nos aires de grange. Devant une table desservie et devant un feu de bois vert qui fumait, Napoléon était assis sur une chaise grossière. Ses bottes, pleines de boue, attestaient ses courses à travers champs. Il avait ôté sa fameuse redingote, et alors son célèbre uniforme vert, traversé par son grand cordon rouge, rehaussé par le dessous blanc de sa culotte de casimir2 et de son gilet, faisait admirablement bien valoir sa pâle et terrible figure césarienne. Il avait la main sur une carte dépliée, placée sur ses genoux. Berthier se tenait debout dans son brillant costume de vice-connétable de l'Empire. Constant, le valet de chambre, présentait à l'Empereur son café sur un plateau.
- Que voulez-vous ? dit-il avec une feinte brusquerie en traversant par le rayon de son regard la tête de Laurence. Vous ne craignez donc plus de me parler avant la bataille ? De quoi s'agit-il ?
- Sire, dit-elle en le regardant d'un œil non moins fixe, je suis mademoiselle de Saint-Cygne.
- Eh bien ? répondit-il d'une voix colère en se croyant bravé par ce regard.
- Ne comprenez-vous donc pas ? Je suis la comtesse de Saint-Cygne, et je vous demande grâce, dit-elle en tombant à genoux et en lui tendant le placet3 rédigé par Talleyrand, apostlllé4 par l'Impératrice, par Cambacérès et par Malin.
L'Empereur releva gracieusement la suppliante en lui jetant un regard fin et lui dit :
- Serez-vous sage enfin ? Comprenez-vous ce que doit être l'Empire français ?
- Ah ! je ne comprends en ce moment que l'Empereur, dit-elle vaincue par la bonhomie avec laquelle l'homme du destin avait dit ces paroles qui faisaient pressentir la grâce.
- Sont-ils innocents ? demanda l'Empereur.
- Tous, dit-elle avec enthousiasme.
1. Mameluck : soldat d'origine orientale formant la garde personnelle de l'Empereur.
2. Le casimir est un tissu léger.
3. Placet : lettre sollicitant une grâce.
4. Apostillé : annoté.
Texte C - Victor Hugo (1802-1885), Les Misérables, deuxième partie, chapitre XIII « La catastrophe » (1862).
[Le narrateur évoque longuement, au début de la seconde parlie du roman, un événement historique: la bataille de Waterloo du 18 juin 1815. L'armée française emmenée par Napoléon fut vaincue par l'armée alliée commandée par Wellington - composée principalement de Britanniques et de Hollandais - et par l'armée prussienne dirigée par le général Blücher.]
La victoire s'acheva par l'assassinat des vaincus. Punissons, puisque nous sommes l'histoire : le vieux Blücher se déshonora. Cette férocité mit le comble au désastre. La déroute désespérée traversa Genappe, traversa les Quatre-Bras, traversa Gosselies, traversa Fresnes, traversa Charleroi, traversa Thuin, et ne s'arrêta qu'à la frontière. Hélas ! et qui donc fuyait de la sorte la grande armée ?
Ce vertige, cette terreur, cette chute en ruine de la plus haute bravoure qui ait jamais étonné l'histoire, est-ce que cela est sans cause ? Non, l'ombre d'une droite1 énorme se projette sur Waterloo. C'est la journée du destin. La force au dessus de ['homme a donné ce jour-là. De là le pli épouvanté des têtes; de là toutes ces grandes âmes rendant leur épée. Ceux qui avaient vaincu l'Europe sont tombés terrassés, n'ayant plus rien à dire ni à faire, sentant dans l'ombre une présence terrible. Hoc erat in fatis2, Ce jour-là, la perspective du genre humain a changé. Waterloo, c'est le gond du dix-neuvième siècle. La disparition du grand homme était nécessaire à l'avènement du grand siècle. Quelqu'un à qui on ne réplique pas s'en est chargé. La panique des héros s'explique. Dans la bataille de Waterloo, il y a plus que du nuage, il y a du météore. Dieu a passé.
A la nuit tombante, dans un champ près de Genappe, Bernard et Bertrand saisirent par un pan de sa redingote et arrêtèrent un homme hagard, pensif, sinistre, qui, entraîné jusque là par le courant de la déroute, venait de mettre pied à terre, avait passé sous son bras la bride de son cheval, et, l'œil égaré, s'en retournait seul vers Waterloo. C'était Napoléon essayant encore d'aller en avant, immense somnambule de ce rêve éveillé.
1. Droite : main divine.
2 .Hoc erat in fatis : locution latine signifiant « cela était formulé par les Dieux », « c'était fatal ».
Texte D - Patrick Rambaud (1946-), La Bataille (1997).
[Ce texte constitue t'ouverture du roman, lequel évoque la campagne d'Allemagne et d'Autriche, marquée par la défaite d'Essling, en mai 1809.]
Le mardi 6 mai 1809, dans la matinée, une berline entourée de cavaliers sortit de Schönbrunn
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