Le Tragique
Note de Recherches : Le Tragique. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresit de ses hommes trop grands ", dit Solon.
Quant a la fete des Thargélies, elle comporte aussi une exclusion, rituelle, d’un bouc émissaire, le pharmakov, chargé de toute la bestialité de l’ensemble des hommes de la polis. Or Odipe est a la fois celui qui est trop grand – trop puissant, trop heureux –, et celui qui est trop vil : égal aux dieux au début de la tragédie, il devient égal aux betes a la fin.
Son destin est d’etre hors mesure, en proie a la démesure (ubris). Brouillant les regles de parenté, il est a la fois dieu et bete et conjoint en lui les deux extremes entre lesquels se constitue la cité des hommes : comme un pion isolé sur un jeu de dames, dit Aristote, a l’inverse meme de la prudence (sophrosyne) qui constitue l’essence de l’homme comme animal raisonnable. Le Destin est la marque du surhomme et de la bete. Pour le Grec, le destin ne peut que donner lieu a une procédure d’expulsion ; c’est ainsi que Platon chasse le poete de la cité, car il introduit par ses chants a la gloire des héros tragiques la disproportion et le danger d’une trop grande proximité avec les dieux.
Jeux de symétries
La composition est fondée sur les effets de symétrie et d’écho :
a l’affrontement Odipe et Tirésias répond l’affrontement entre Odipe et Créon ;
les confidences de Jocaste introduisent celles d’Odipe dans le 2eme épisode ;
l’interrogatoire du messager introduit celui du berger dans le 3eme épisode.
la lamentation d’Odipe, le roi déchu, dans l’exodos répond a l’entrée en scene du roi glorieux, affirmative et placée sous le signe de l’exces.
de la meme façon, Odipe écoute les doléances du suppliant au début de la piece, comme le Coryphée écoute les siennes a la fin.
A bien des égards, on pourrait dire qu’on a affaire au prototype d’un roman policier : il s’agit bien d’une enquete, le personnage principal tient le rôle d’un enqueteur, le décours de la piece fait intervenir des témoins soumis a interrogatoire ; on confronte des indices. Mais s’il devait s’agir d’un roman policier, ce serait un roman policier dévoyé, dans la mesure ou on sait tout des le début de la piece : les spectateurs d’Odipe, comme les lecteurs contemporains, connaissent le mythe, et au cas ou cela serait encore insuffisant, Tirésias délivre d’emblée l’identité du coupable. Nous avons affaire en outre a une action dramatique, et non a un récit, mais ce qui reste intéressant dans ce schéma, c’est la façon dont il est dévoyé, détourné, et de multiples façons :
l’enqueteur est aussi le coupable (schéma Roger Ackroyd).
L’enqueteur résiste a la vérité qui lui est soumise par l’expert Tirésias. La délivrance sans doute trop immédiate de la vérité ouvre sur une dénégation violente, et sur une fausse piste dédoublée, a la fois psychologique et politique : le complot ourdi par le pseudo-jaloux Créon.
L’enquete s’élargit et se dédouble : a la question initiale "qui est le meurtrier de Laios ?" succede et se substitue la question "qui est Odipe ?", et plus précisément : "qui suis-je ?" (question ouverte par Tirésias – v. 435 – et qui va hanter Odipe a partir de ce moment).
L’agressivité surcompensatoire (vis a vis de Tirésias et de Créon) qui laisse la place a l’inquiétude profonde, dans la confrontation aux indices troublants : le carrefour de la rencontre avec Laios, l’apparence physique de Laios.
Les coups de théâtre obscurcissants : comment le discours fort et assuré de Tirésias introduit paradoxalement le doute, ouvre une question béante a l’entrée de la piece. Comment la confidence rassurante de Jocaste ouvre des abîmes d’inquiétude (2eme épisode). Comment l’annonce du messager finit de jeter le trouble (3eme épisode). Comment le pâtre de Laios confirme tous les doutes (ibid.). La vérité vient progressivement au jour avec la parole et la mobilisation de la mémoire : c’est l’aletheia, l’extraction
...