Le pavé
Dissertation : Le pavé. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireser de manière constructive. Mais mes Sœurs et mes Frères, c’est admettre un peu vite l’existence de deux principes cosmiques comme allant de soi. Le Principe étant par définition ce qui est premier, il ne peut être qu’Un ;
il est le moteur de la création de l’univers, puisque pour exister, il faut bien que l’univers soit le résultat d’une création, et c’est seulement après cela que peut se développer le multiple, dont la dualité est la première expression. Les plus anciennes traditions (Egypte, Bible, etc) se fondent sur l’unicité primordiale du principe créateur. Quant aux doctrines qui, tels le mazdéisme, le gnosticisme et le manichéisme, ont postulé pour l’existence de deux principes, elles n’ont pas vu entre eux « une indissociable complémentarité opérative, mais bien au contraire une dichotomie destructrice et perverse. COMMENT ALORS EXPLIQUER CE QUE VEUT DIRE MAITRISER UN AFFRONTEMENT ENTRE FORCES POSITIVES ET NEGATIVES POUR ŒUVRER DE MANIERE CONSTRUCTIVE ; Or positif et négatif impliquent un jugement de valeur d’ordre moral et en restant dans ce domaine, on se demande ce que l’on peut trouver de constructif dans ce que l’on considère soit même comme négatif. Si du mal peut sortir le bien, c’est que le mal n’est qu’apparent ! Le dictionnaire guide de la FM préconise quant à lui qu’une prudente abstention et la recherche d’un accord acceptable pour l’ensemble des parties. Le pavé mosaïque (noir et blanc) représente le jour et
la nuit, l’esprit et la matière, qui sont autant de dualités non confondues mais dont on ne peut ignorer aucun des termes : il ne s’agit pas de choisir entre telle ou telle couleur, mais de les intégrer et de faire en sorte qu’elles vivent harmonieusement. C’est la raison pour laquelle chevaliers du Temple en firent leur gonfalon, leur étendard, composé d’une moitié noire et d’une moitié blanche, symbolisant l’alliance et le jeu continuel de la lumière et des ténèbres, de la vie et de la mort. Or si le pavé mosaïque devait se contenter de symboliser le jour et la nuit, il ne serait plus un symbole mais une représentation imagée, et d’ailleurs bien pauvre pour ne pas rendre compte des richesses du cycle jour/nuit, en oubliant les pénombres, ainsi que l’aurore et le crépuscule. Ce dont le maçon ne saurait se contenter, lui qui a désiré la lumière en frappant à la porte du Temple. Nous voyons donc rapidement les limites de la pensée dualiste : le pavé mosaïque n’est donc plus une opposition mais une coïncidence des contraires et tout se concilie dans un équilibre que dépasse la pensée dualiste souvent stérile et déconcertante, sauf à tomber dans le manichéisme, ce dont la FM se défend justement.
En même temps, remplacer la dualité de l’opposition (celle du monde profane) par la dualité de la complémentarité (celle de la maçonnerie) conduit à repousser le problème, puisque, ce faisant nous opposons la complémentarité à …l’opposition ! Or la grandeur de l’initiation ne consiste pas dans le fait de diviser les hommes mais plutôt dans celui de les rassembler. S’efforcer de réfléchir sur les contradictions en les intégrant dans une pensée ouverte et évolutive, c’est, selon Daniel Béresniak (l’apprentissage maçonnique 1983), répondre à l’appel de la vie, faisant là l’essentiel de la signification du pavé mosaïque. Mais mes sœurs et mes frères, je vous pose la question, est-il besoin de passer par une approche symbolique et d’être initié pour faire cet effort de réflexion que je connais chez beaucoup de profanes, et dont certains maçons sont quelques fois dépourvus dans leur vie quotidienne. Pour Plantagenet, dans ses causeries initiatiques, le pavé mosaïque est censé faire prendre conscience aux néophytes que le maçon comme le profane est soumis à la loi des contrastes … et que l’homme est quelque chose qui doit être surmonté. Le symbole ici n’est conçu que comme devant
délivrer un enseignement de type moral pour lequel la FM éprouve de grandes réticences surtout après l’usage qui en a été fait durant la dernière guerre mondiale. A titre individuel en effet, rien n’est fondé pour l’initié à ce qu’il se croit supérieur au profane, et la pratique du symbole n’amène pas l’homme à se dépasser. Elle l’éclaire, tout simplement, par delà tout les égocentrismes et les anthropocentrismes, elle ne fait pas de l’homme un surhomme, elle le conduit juste à prendre conscience de sa vraie place dans l’univers, qui n’est ni première, ni centrale. Cette pratique ne rend pas l’homme plus qu’humain, mais simplement humain. Avec sa dualité de couleurs, le pavé mosaïque amène ainsi l’homme à se confronter avec la principale difficulté de la condition humaine, celle qui procède du fait d’être doté d’une intelligence réflexible. Il faut que l’intelligence, quand elle pense, soit double. Impossible de penser sans penser …que l’on pense : c’est pourquoi cette intelligence est dite réflexible, c’est-à-dire réfléchissante comme un miroir et c’est pourquoi la pensée est dite spéculative (du latin spéculum, miroir). Le processus même de la pensée humaine se fonde donc sur une base binomique qui se traduit parla relation dualiste que l’individu établit
avec le monde, entre lui-même et tout ce qui n’est pas lui, tous ceux qui sont « les autres ». Or l’approche symbolique maçonnique propose un autre point de départ, un autre éclairage : ce qu’elle offre comme élément premier à la conscience, ce n’est pas la dualité mais la ternarité. Le symbole qui brille au plus haut de l’Orient du Temple et qui lui donne son orientation, ce n’est pas le pavé mosaïque, ni les deux colonnes, mais le Delta, le Triangle : l’unité qui se manifeste sous une forme ternaire. La ternarité ne suit pas chronologiquement la dualité, elle n’est pas une dualité à laquelle on aurait ajouté une unité. Au contraire, la ternarité précède la dualité : c’est elle qui rend possible la dualité sous une forme ternaire, celle de la conscience qui reconnait et éclaire toute opposition ou complémentarité de termes pris deux à deux. Ainsi peut-on dire que le pavé mosaïque enseigne à l’homme à chercher le troisième terme de toute situation duelle.
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