Poesie
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Vous qui de loin avez le duvet bleu des pêches.
Je ne vois rien encore à l’horizon figé
Dans le cercle marin que nul phare ne troue ;
Mais mon cœur, devançant tout ce morne trajet,
A déjà vu trembler Santa-Cruz à sa proue…
Jules SUPERVIELLE, (1884- 1960). Poèmes, Gallimard.
Le Relais
En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’œil fatigué de voir et le corps engourdi.
Et voici tout à coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers,
Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !
On se couche dans l’herbe et l’on s’écoute vivre,
De l’odeur du foin vert à loisir on s’enivre,
Et sans penser à rien on regarde les cieux…
Hélas ! une voix crie : « En voiture, messieurs ! »
Gérard de Nerval, (1808-1855), Poésies.
35° 57' Latitude nord
15°16' Longitude ouest
C’est aujourd’hui que c’est arrivé
Je guettais l’événement depuis le début de la traversée
La mer était belle avec une grosse houle de fond
qui nous faisait rouler
Le ciel était couvert depuis le matin
Il était 4 heures de l’après-midi
J’étais en train de jouer aux dominos
Tout à coup je poussai un cri et courus sur le pont
C’est ça c’est ça
Le bleu d’outremer
Le bleu perroquet du ciel
Atmosphère chaude
On ne sait pas comme cela s’est passé et comment
définir la chose
Mais tout monte d’un degré de tonalité
Le soir j’en avais la preuve par quatre
Le ciel était maintenant pur
Le soleil couchant comme une roue
La pleine lune comme une autre roue
Et les étoiles plus grandes plus grandes
Ce point se trouve entre Madère à tribord et
Casablanca à bâbord
Déjà.
Blaise CENDRARS, (1877-1961), Au cœur du Monde, Gallimard.
Le voyage inutile
Sur la route une charrette
Dans la charrette un enfant
Qui ne veut baisser la tête
Sous des cahots surprenants.
La violence de la route
Chasse l’attelage au loin
D’où la terre n’est que boule
Dans le grand ciel incertain.
Ne parlez pas : c’est ici
Qu’on égorge le soleil.
Douze bouchers sont en ligne,
Douze coutelas pareils.
Ici l’on saigne la lune
Pour lui donner sa pâleur
L’on travaille sur l’enclume
Du tonnerre et de l’horreur.
« Enfant cache ton visage
Car tu cours de grands dangers.
— Ne vois-tu pas, étranger,
Que j’ai un bon attelage ».
Garçons des autres planètes
N’oubliez pas cet enfant
Dont nous sommes sans nouvelles
Depuis déjà très longtemps.
Jules SUPERVIELLE, Le forçat innocent, Éd. Gallimard.
La vie voyage
Aucune marche
Aucune navigation
N’égalent celles de la vie
S’actionnant dans tes vaisseaux
Se centrant dans l’îlot du cœur
Se déplaçant d’âge en âge
Aucune exploration
Aucune géologie
Ne se comparent aux circuits du sang
Aux alluvions du corps
Aux éruptions de l’âme
Aucune ascension
Aucun sommet
Ne dominent l’instant
Où s’octroyant forme
La vie te prêta vie
Les versants du monde
Et les ressources du jour
Aucun pays
Aucun périple
Ne rivalisent avec ce bref parcours :
Voyage très singulier
De la vie
Devenue Toi
Andrée CHÉDID, Épreuves du vivant, Flammarion.
Signes pour voyageurs
Voyageurs des grands espaces
lorsque vous verrez une fille
tordant dans des mains de splendeur
une chevelure immense et noire
et que par surcroît
vous verrez
près d’une boulangerie sombre
un cheval couché dans la mort
à ces signes vous reconnaîtrez
que vous êtes parmi les hommes.
Jean FOLLAIN (1903-1971)
Près des rivages d’Angleterre…
Près des rivages d’Angleterre
nous aperçûmes de l’étrave
une mystérieuse épave
voguant sur la plus haute mer
une charmante noyée verte
que portait l’étreinte nouée
alentour de sa taille offerte
le blanc corset d’une bouée
Island-Dublin
portait écrit son pâle amant
une petite prostituée
émigrant d’lrlande à London
Elle quêtait encore
...