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vieil homme surprend son ancien disciple et lui révèle enfin son art.

La démarche

Un double récit

Résumez le roman, puis le film, afin de mettre au jour le choix narratif majeur du second. Analysez les conséquences de ce choix narratif sur le plan dramatique et psychologique. Que recherche le spectateur à l’issue de ce prologue ? Sa curiosité est-elle satisfaite ? Comment se résout l’antagonisme entre les deux musiciens ? Quelle défiance du spectateur entraîne le choix d’une focalisation interne ?

Dans le film d’Alain Corneau, c’est le point de vue de Marin Marais qui prend en charge tout le récit. Le roman retrace dans sa chronologie la vie de Sainte Colombe depuis la mort de sa femme, ses relations conflictuelles avec son élève et avec sa fille. Le film rapporte la confession d’un musicien célèbre qui veut révéler son imposture en racontant pendant une leçon de musique tout ce qu’il doit à son maître. Parce qu’il se présente comme un souvenir, le flash-back est teinté d’une nostalgie coupable. Le prologue ainsi ajouté est constitué d’un long plan séquence de six minutes sur le visage de Marin Marais âgé pendant qu’un maître de musique administre une leçon hors scène, suggérant ainsi la vie de la Cour au XVIIIe siècle. L’annonce d’une imposture oriente le spectateur vers un secret à découvrir, ce qui rappelle la rivalité entre Salieri et Mozart dans le film Amadeus. L’antagonisme se résout dans la confrontation finale qui s’avère être une réconciliation. Marin Marais cherchait dans l’intimité jalouse de son maître ce qu’il renfermait en lui. Dans le prologue, Marin Marais occupe différentes situations : au sentiment d’échec répond une reconnaissance. Une fois mort, le maître (l’image de Sainte Colombe revenant dans l’épilogue) peut reconnaître le talent de son disciple qui l’a égalé voire dépassé : « J’éprouve de la fierté à vous avoir instruit », finit par avouer Sainte Colombe. L’enchâssement du récit d’initiation dans une scène de leçon de musique souligne l’importance du thème de la transmission qui s’est réalisée malgré les heurts ; la leçon qu’il a reçue de son maître est celle qu’il va léguer à ses élèves. Enfin, la focalisation interne introduit un doute sur le récit de la vie de Sainte Colombe puisque tout est perçu par un des protagonistes du drame, celui précisément qui est obsédé par le mystère. Cela confère à l’ensemble du film un caractère irréel, proche du conte. Devenu homme de légende aux yeux du disciple, le violiste peut faire apparaître sa femme en jouant seul dans la cabane. Tout peut être le fruit de l’imagination de l’artiste Marin Marais.

Deux conceptions de l’art

Relevez tous les signes d’opposition entre les deux musiciens : dans l’apparence physique, les motivations, l’ambition et la conception de l’art.

Sainte Colombe apparaît vêtu de noir dans un costume démodé, au chevet d’un ami qui vient de mourir. Il est dès la première image associé à une musique funèbre, il reste silencieux, et quand il parle, sa voix n’est qu’éclat comme s’il était incapable de communiquer. Il s’enferme dans une cabane, vit dans l’ombre et joue seul ou avec ses filles dans un cercle intime.

Le jeune musicien, vêtu d’abord d’un pourpoint rouge, s’oppose au maître par la jeunesse et par le mouvement : il est celui qui arrive par les chemins et qui repart, il suit une trajectoire, tandis que son maître semble immobile, tout entier concentré sur une recherche intérieure. La scène de l’audition montre clairement l’opposition entre les deux personnages : le jeune virtuose joue de face en pleine lumière, alors que le violiste solitaire reste sur le côté dans l’ombre. Cette scène révèle également les deux conceptions opposées de l’art de la viole. L’adolescent a perdu sa voix et cherche dans la viole un substitut de la voix humaine, tout comme Sainte Colombe a perdu sa femme et cherche dans son art un moyen de la retrouver. Mais le jeune homme, dépité d’avoir été chassé de la Cour, voit dans cet instrument une forme de revanche ; il cherche à satisfaire une ambition. Son penchant pour les mondanités se confirme par la suite avec le costume blanc de courtisan et le goût pour les rubans. Loin de concevoir une revanche sur l’existence, Sainte Colombe cherche une consolation, l’apaisement d’une blessure qui n’est jamais dite. Sa conception de la musique repose sur des refus intransigeants qui éclatent dans la scène de la requête royale ainsi que dans celle du renvoi de Marin Marais. Non seulement il vit dans la solitude de la cabane endeuillée, mais il veut perfectionner un art à l’ombre du pouvoir officiel. Sa visite à un autre artiste de l’ombre, Lubin Baugin, peintre janséniste, confirme ce choix. Enfin, dans la scène du heurt violent avec son élève, le maître rembourse la viole brisée, mais il ironise sur « le cheval de cirque » que ce jeune gandin pourra acquérir avec cette somme. L’assimilation des musiciens de Versailles aux bateleurs du Pont-Neuf trahit ce même mépris pour l’univers factice de la Cour.

La comparaison entre les deux personnages fait ainsi apparaître toute une série d’écarts : le fossé des générations, un art du XVIIe siècle tourné vers le passé n’admettant pas une musique annonçant le XVIIIe siècle, une pratique proche de l’amateurisme et l’engagement dans une carrière, une création pour soi ou pour un public.

La mort

Recensez les moments où un rapport est établi entre l’art de Sainte Colombe et la mort. Analysez ce thème baroque et identifiez le mythe d’Orphée et Eurydice dans la relation entre le musicien et sa femme.

Marin Marais présente son maître comme un homme familier de la mort : « Il a tout regardé du monde avec la grande flamme qu’on allume au chevet d’un mourant. » Ce thème baroque de la proximité de la vie et de la mort se déploie tout au long du film dans une réflexion sur la création. De fait, Sainte Colombe apparaît à l’écran en train de jouer au chevet d’un de ses amis. L’opposition entre vie et mort apparaît essentiellement dans la dualité entre les deux filles : l’une choisit la vie quand l’autre s’abandonne à la mort. C’est le deuil de l’épouse qui entraîne l’enfermement dans l’art et permet la composition du Tombeau des regrets. De même, la mort de Madeleine est nécessaire pour que Marin Marais puisse donner libre cours à son génie. Les scènes de solitude font alterner des plans sur la mare bleutée, lieu de mort, et des plans sur la cabane, lieu de la libre improvisation. Ainsi, la mort s’avère être aussi source de vie et l’art permet de ressusciter la femme aimée. Marin Marais, devenu un artiste accompli dans l’épilogue, peut enfin honorer la mémoire de Madeleine en interprétant La Rêveuse.

Tel Orphée avec sa lyre, Sainte Colombe fait revenir sa femme du monde des morts grâce à sa viole. Avant de faire apparaître la belle morte, la caméra passe toujours par le regard extatique de Sainte Colombe, ce qui annule tout effet fantastique. Ainsi, il transcende son chagrin par la musique et par le rêve.

Littérature, musique et peinture

Étudiez le rôle de la voix off du film, puis celui de la musique dans quelques scènes. Dans les séquences où les deux artistes rivalisent à la viole, décrivez les jeux et soulignez leurs différences. Relevez les propos de Sainte Colombe sur la musique dans la séquence chez Baugin et essayez de définir, à l’instar de Marin Marais, ce qu’elle est pour le maître. Relevez les plans dans lesquels le rapport à la peinture du Grand Siècle est souligné et observez les procédés cinématographiques mis en œuvre.

La voix off de Gérard Depardieu fait entendre la langue âpre et épurée de Pascal Quignard. Cette voix off rythme les séquences du film et, dans l’évocation de la vie menée par la famille de Sainte Colombe avant l’arrivée du narrateur, la voix précède l’image, qui est en quelque sorte illustrative.

L’autre art qui scande le récit est naturellement la musique. Presque toutes les scènes ont un rapport avec la musique quand elles ne proposent pas une interprétation. Dans la séquence consacrée à la mort de Madeleine, la musique remplace la parole durant l’ultime entretien avec son ancien amant ; dans la scène de la pendaison, la viole courbe et sensuelle est en arrière-plan.

Les jeux des deux musiciens sont différents. Pour Sainte Colombe, un jeu inspiré, passionné et mêlé de larmes. Pour Marin Marais, un jeu plus rapide, une virtuosité légère et un regard quêtant la satisfaction de son auditoire.

Dans la séquence consacrée à la visite chez Lubin Baugin, le propos de Sainte Colombe sur sa musique semble un manifeste : à la manière d’un sage oriental, le maître apprend à son disciple à écouter le sifflement du vent, puis le bruissement du pinceau et le bruit plus trivial de l’urine sur le sol. La musique est ainsi faite de simplicité et d’émotion comme le silence. C’est l’accès à cette dernière vérité pourtant pressentie qui est longtemps refusé au jeune homme.

Le cinéma rend également hommage à la peinture du XVIIe siècle avec le choix du plan fixe inauguré dans le prologue, les portraits de Madeleine, les clairs-obscurs dans les scènes d’intérieur rappelant les toiles de Georges de La Tour. Les couleurs saturées et la profondeur de champ s’inspirent de l’esthétique

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