La Poésie Et L'Amour
Note de Recherches : La Poésie Et L'Amour. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirese livre atroce, j’ai mis toute ma pensée, tout mon cœur, toute ma religion (travestie), toute ma haine », mais à travers une déchéance personnelle, c’est la tragédie humaine qui est racontée et qui permet à son auteur d’apostropher l’ « hypocrite lecteur, mon semblable ! Mon frère ! ».
Ainsi la poésie pourrait n’être qu’un art de la représentation, à partir du moment où il y aurait des thèmes plus poétiques que d’autres tels que l’amour, la nature, la destinée, la mort. Il suffirait alors de bien choisir son sujet d’inspiration pour atteindre de ce fait même à l’art. Bien évidemment, un recueil tel que les Fleurs du mal, véritable tournant de la poésie française, suffirait à lui seul à dénoncer la fausseté d’un tel point de vue. Baudelaire en choisissant « d’extraire la beauté du Mal », en délaissant « les provinces les plus fleuries du domaine poétique », montre bien que la création poétique est ailleurs que dans son sujet. Une Charogne n’est pas indigne de l’artiste qui peut à juste titre s’écrier devant son Créateur dont il refait la création : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».
La poésie est-elle un instrument d’action ou de connaissance ?
D’autres ont entraîné la poésie sur la pente de l’action : ils ont voulu au travers de la forme poétique susciter l’enthousiasme ou l’indignation de leurs contemporains. Pensons aux Châtiments de Victor Hugo qui dénoncent avec véhémence « Napoléon le petit » jusqu’aux poèmes nés de la Résistance comme la Rose et le réséda, vibrant appel à l’unité contre l’ennemi entre « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ». Polémique ou jouant sur les grands sentiments, une telle littérature a encore été dénoncée par Baudelaire dans l’Art romantique, qui la condamne dans un jugement sans appel : « Il est une autre hérésie… Je veux parler de l’hérésie de l’enseignement, laquelle comprend comme corollaires inévitables, les hérésies de la passion, de la vérité et de la morale. Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu’elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit d’utile… La poésie (…) n’a pas d’autre but qu’elle-même ». Comme nous sommes loin alors de cette déclaration de Giono : « Le poète doit être un professeur d’expérience. À cette seule condition, il a sa place à côté des hommes qui travaillent et il a droit au pain et au vin ».
De cette attitude qui consiste à voir dans le poète un guide, un penseur, le Moïse de Vigny, un mage investi de la divine mission de distiller à ses contemporains les vérités éternelles, nous passons insensiblement au voyant, au voleur de feu rimbaldien. Dans cette aventure, la poésie va devenir un instrument de connaissance, un moyen d’entrer par effraction dans le temple sacré du mystère. Le poète est alors saisi par le vertige devant le gouffre insondable de Ce que dit la bouche d’ombre comme Hugo. Il passe « les portes de cornes et d’ivoire » en explorant systématiquement son rêve comme le Nerval des Filles du feu. Il veut entrevoir « les splendeurs situées derrière le tombeau » comme Baudelaire, ramener quelques braises de ce feu indicible et divin comme Rimbaud qui s’exclamait : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant -- le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Cette aventure prométhéenne est une Saison en enfer ; le poète sombre souvent dans la folie ou l’hébétude silencieuse après avoir ramené des pages vibrantes, étonnantes, véritable « opéra fabuleux » selon les propres termes de Rimbaud. Mais, trop sollicités, l’esprit vacille, la raison s’égare. Le poète est maudit pour avoir transgressé le secret ultime dans son délire mystique. Mais surtout le poète recourt trop souvent à un langage hermétique, obscur qui le coupe de ses lecteurs. Il n’est pas étonnant de s’apercevoir qu’aujourd’hui la poésie reste une affaire d’initiés qui n’a plus grand-chose à dire, tout du moins à communiquer, tant l’expérience reste unique et personnelle.
La poésie est-elle un langage, un « chant de l’âme » ?
Il est ardu de définir la poésie en tant que fin, peut-être parce qu’elle est avant tout un moyen. Claudel affirmait : « Les mots que j’emploie / Ce sont les mots de tous les jours, et ce ne sont point les mêmes ».
Les progrès de la linguistique opérés surtout depuis la deuxième moitié du XIXe siècle avec Ferdinand de Saussure, nous permettent d’affirmer que le langage a deux fonctions essentielles. La première est une fonction utilitaire : le langage sert à communiquer avec autrui ; la deuxième est artistique : l’objet du langage n’est plus la réalité extérieure et sensible, mais lui-même. Le langage se prend alors lui-même comme objet, il joue de ses sons et de ses sens, il cherche à faire œuvre de beauté, de plaisir.
La poésie fait ainsi appel à l’irrationnel, elle est surtout affaire d’intuition, d’associations, de sensibilité, de rêve. C’est une manière nouvelle de voir le monde, hors de toute volonté de domestication à des fins utilitaires. Les mains de l’homme pour Éluard ne sont plus l’instrument de travail qui doit dominer la nature, elles deviennent le signe de l’accord, et « les mains des femmes leur vont comme un gant ». La poésie est fantaisie, émerveillement comme chez Musset,
Sur le clocher jauni
La lune
Comme un point sur un i…
comme chez Prévert, où les énumérations qui rapprochent ou séparent de manière inattendue des alliances de mots comiques, des coq-à-l’âne, des ellipses disloquent le réel pour le reconstruire plus tard selon une vision nouvelle très éloignée de nos concepts routiniers.
La poésie est alors accord entre le monde et la sensibilité du poète, comme le disait Henri Lemaître : « L’essence de la poésie (…) c’est peut-être le sentiment continu de correspondances secrètes, soit entre les objets de nos divers sens, formes, couleurs, sons et parfums, soit entre les phénomènes
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