Le Déclassement: Peur Ou Réalité?

çaise, dictant par là des décisions, des comportements et des mouvements sociaux, qui modifient en profondeur le paysage politique et idéologique du pays.

En effet, si le déclassement renvoie à un ensemble de faits bien réels, la peur du déclassement « en extrapole le sens et en redouble l’ampleur » (Maurin) : chacun commence sa vie avec l’angoisse de ne pas trouver sa place, la peur d’échouer à l’école, la crainte de voir son statut partir en fumée. Quelles sont les conséquences de ce phénomène ? D’une part, une perte de confiance dans l’institution scolaire, une déprise des nouvelles générations vis-à-vis du politique (Chauvel), d’autre part une hostilité vis-à-vis des populations éloignées du travail, les « assistés » (Peugny). Il est évident que la perception que les gens ont de leur possibilité (ou non) de déclassement modifie en profondeur leurs comportements, leurs possibilités réelles d’ascension sociale, et donc les dynamiques sociétales. On peut ici, et à juste titre, se demander à qui profite ces nouvelles dynamiques : la politique française actuelle, de droite, fondée sur un modèle de société moderne capitaliste, n’a-t-elle pas intérêt à manipuler les consciences générationnelles et à entretenir un sentiment généralisé d’angoisse de la population vis-à-vis de leurs trajectoires individuelles ? N’a-t-elle pas tout intérêt d’une part à éloigner les nouvelles générations du politique (laissant ainsi place aux aînés dans la gestion et la prise de décision politique, -soulignons ici l’augmentation entre 1981 et 2002 du nombre de députés plus âgés à l’Assemblée nationale, Chauvel), et d’autre part à diminuer la préoccupation sociale des individus, en augmentant leur virulence à l’égard des exclus, des étrangers, des différents, des inconnus, des inassimilables, des parias ? Espérons qu’une alternative politique, via une transformation de la société, puisse atténuer les craintes, renverser le durcissement actuel entre les individus et les classes sociales, et la compétition face à l’obtention des meilleurs statuts sociaux.

Louis Chauvel, « Les nouvelles générations devant la panne prolongée de l’ascenseur social », Revue de l’OFCE, n°96, janvier 2006

Camille Peugny, « L’expérience du déclassement », Agora débats/jeunesses, n°49, 2009, p.50-58.

Eric Maurin, La peur du déclassement, Paris, Le Seuil, 2009. (Introduction, chapitre III, conclusion)