Manon Lescaut
Mémoires Gratuits : Manon Lescaut. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires1) Des forces qui dépassent l'individu
- le temps, évoqué dès la 1ère phrase, qui crée le hasard des rencontres : « un jour plus tôt » renforcé par hyperbole « toute mon innocence » = il suffit d'un jour pour que la vie bascule. De plus le temps précipite les événements sans retour en arrière possible : le désir surgit « tout d'un coup », Manon doit entrer au couvent sous peu, il faut donc agir vite et sans réfléchir.
- « destinée » (l.26) : c'est elle par-dessus tout qui entraîne le narrateur à sa perte.
- Divinités : divinité de l'amour (l.31), mais aussi évocation de la « volonté du Ciel » (l.24), comme si la vie n'était réglée que par ces instances supérieures, sans qu'il n'y ait de place pour la volonté humaine individuelle.
2) Une dépossession de la volonté
- un rapport de domination et de passivité s'établit entre le narrateur et la jeune fille dès le début du texte : il suit le coche (suivre = soumission), et à partir de ce moment, il n'est plus sujet mais objet, ce qui est souligné par les occurrences du pronom personnel objet « me » tout au long du texte : « l'amour me rendait », « purent me suggérer », « ne me permirent pas »... ; c'est Manon qui mène le jeu : elle est la « maîtresse » de son cœur, elle est « bien plus expérimentée » (comparatif de supériorité), elle peut « suppléer » à la stérilité de l'esprit du narrateur...enfin, c'est elle qui invente la ruse dans laquelle «entre » Des Grieux.
- Narrateur semble ainsi progresser dans le vice jusqu'à perdre l'innocence qui constitue au départ son personnage : péché de curiosité, rébellion contre l'autorité parentale, marché proche de la prostitution, mensonge et ruse. On aboutit ainsi à une dépossession de l'identité en plus de la volonté : le narrateur devient le « cousin » de Manon.
II.Un point de vue qui met en doute la victimisation du narrateur
1) Une scène construite par un regard déculpabilisant
- C'est le jeu de l'écriture qui place le narrateur en posture passive : dans les faits, c'est lui qui va parler à Manon, c'est lui qui suggère de se rebeller...mais il excuse chacune de ces actions grâce à l'art du récit : utilisation par exemple de la tournure consécutive l.9-12, qui donne l'impression d'une résistance impossible à la beauté de Manon.
- Se pose aussi en victime en anticipant sur les malheurs qui vont arriver par la suite : « j'aurais porté chez mon père toute mon innocence », « tous ses malheurs et tous les miens », « ma destinée qui m'entraînait à ma perte »... => on en vient à le plaindre.
2) Un portrait biaisé de Manon
- tout le vice semble être de son côté : « son penchant au plaisir » = cause de tous les malheurs, alors que c'est lui qui éprouve d'abord un désir sensuel.
- va jusqu'à détourner la logique, ligne 19 : la conjonction « car » instaure un faux rapport de cause à effet, puisque c'est d'abord la façon de parler qui devrait faire comprendre les sentiments.
- toutes les paroles de Manon sont rapportées au style indirect ; certains discours sont même narrativisés, comme celui que fait Des Grieux pour faire comprendre à la jeune fille ses sentiments (l.18-19) : il est donc difficile de juger objectivement du vice ou de la vertu des deux personnages.
III.Un texte qui joue des codes du tragique pour susciter à la fois compassion et amusement
1) Recours à un vocabulaire tragique pour décrire une scène grivoise dans les faits
- hyperboles et exagérations qui peuvent prêter à sourire : « qui n'avais jamais pensé à faire la différence des sexes » ; « un coup mortel pour mes désirs » ; « la cruelle intention de ses parents »...peut créer un contraste amusant entre le jeune homme naïf et la fille de petite vertu.
- Détournement de l'amour courtois : ici le chevalier veut bien donner sa vie pour celle qu'il aime, mais cela se transforme en marché douteux, Manon acceptant de lui donner en retour « quelque chose de plus cher que la vie ». de plus, il ne s'agit pas de la délivrer d'autres personnes que ses parents, qui veulent avant tout la remettre sur le chemin de la vertu.
2) Des personnages entre l'ingénuité et la malice
- Manon : « ingénument », soumission à la volonté du Ciel : n'est pas le vice incarné. Complexité d'un personnage très abstrait, presque allégorique, qui incarne surtout la femme tentatrice sous tous ses aspects = femme-enfant, courtisane...
- Des Grieux : faible face au désir, n'est pas la vertu incarnée. Rentre facilement dans le jeu de Manon : aucune évocation d'une quelconque lutte contre son désir, au nom de la morale
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