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Relation de soins et grande précarité

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carité 5/ Méthode de recueil de données 6/ Analyse et interprétation des entretiens 7/ Conclusion Bibliographie Annexes Grille d'entretien semi-directif Entretien n° I Entretien n° II Entretien n° III Entretien n° IV Entretien n° V Entretien n° VI page 37 page 39 page 46 page 56 page 63 page 70 page 82 page 1 page 2 page 5 page 6 page 6 page 6 page 9 page 13 page 13

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1/ Introduction

Au delà de la simple prise de conscience sociale, j'ai réellement abordé la problématique de la précarité par la rencontre d'un bénévole des équipes d'Action sociale de la Croix-Rouge, et par mon engagement régulier au sein des maraudes1 de cette association durant la première année d'études en Soins infirmiers. J'ai d'autre part eu l'occasion lors de mes stages hospitaliers de prendre en charge des patients en situation de précarité. Les questionnements qui en ont découlé concernant les difficultés de prise en charge de ces patients m'ont amenés à orienter mes stages optionnels vers des structures d'accueil et de suivi de ces personnes (en deuxième année le service d'accueil Saint-Martin géré à Paris par l'Armée du Salut, et en troisième année l'équipe mobile psychiatrie-précarité2 de l'hôpital Sainte-Anne), et à choisir le thème de la précarité pour le module optionnel de deuxième année. Ces expériences ne faisaient qu'approfondir mes interrogations. Orienter ce travail écrit de fin d'étude sur cette thématique était donc une évidence, qui m'a conduit d'impasses en impasses durant deux ans, jusqu'à trouver une façon de l'aborder que j'espère constructive dans le cadre de ma future profession. Ce mémoire est donc parti d'un questionnement spontané sur l'articulation des notions de précarité et de relation de soins. La nature du lien entre les deux restait cependant obscure, et les différents travaux sociologiques consultés, essentiellement descriptifs, ne permettaient guère de mieux la comprendre. Une première piste vint de la lecture du livre de l'anthropologue et psychanalyste Patrick Declerk, Les naufragés3, dans lequel la grande précarité est définit comme une « pathologie du lien ». Cela ne faisait néanmoins que repousser l'interrogation, puisqu'il n'est pas a priori évident que la fragilité des liens sociaux dans une vie quotidienne difficile doive se traduire par une difficulté à s'inscrire dans une

1 Action qui consiste à aller à la rencontre des personnes en situation de précarité, généralement par le moyen de tournées pédestres ou motorisées dans l'espace publique se déroulant selon un planning régulier, à assurer une veille sanitaire afin de repérer les personnes en danger, à leur apporter certains éléments facilitant leur vie à la rue (repas chaud, vêtements, duvets...), et à établir un lien sur le long terme dans une perspective de sortie de la précarité. 2 Service psychiatrique de secteur qui regroupe des médecins psychiatres, des infirmiers, des travailleurs sociaux, et qui a pour rôle essentiel de se projeter dans des structures partenaires intervenant dans le domaine de la précarité (centre d'accueil de jour, d'hébergement, maraudes institutionnelles...) et de repérer les personnes en souffrance psychique afin de les orienter vers le dispositif commun de soins psychiatriques. Nom officiel : Santé mentale et Exclusion sociale (SMES). 3 Cf. bibliographie. –1–

relation centrée sur un objectif spécifique (tel que recevoir des soins) dans un environnement aussi cadré et normé que l'hôpital. La lumière vint d'un cours sur... l'autisme, au détour duquel l'intervenant signala à ses auditeurs que « si vous ne créez pas d'abord un lien avec votre patient, vous ne pourrez jamais créer de relation ». Ce médecin me renvoya vers la théorie de l'attachement, qui s'avéra être un élément explicatif très fort de nombreuses difficultés des personnes en situation de grande précarité. La partie théorique de ce mémoire comprendra donc deux sous-parties : dans la première nous définirons la grande précarité et nous chercherons à mieux en cerner les problématiques du point de vue relationnel ; dans la seconde partie nous explorerons les conséquences d'une situation de grande précarité sur la mise en place et le maintien d'une relation de soin4.

2/ Problématique

Lors d'un stage de troisième année en soins infirmiers, j'ai été amené à accompagner un patient qui, suivi par une équipe mobile psychiatrie-précarité, devait être hospitalisé en service d'hépatologie pour un sevrage alcoolique. Ce patient âgé de quarante ans vivait en situation de grande instabilité sociale depuis une vingtaine d'années, avec des épisodes de stabilisation provisoire rompue par des accidents de vie. Suivi depuis plus d'un an par le service psychiatrie-précarité, il s'était distingué par une hétéro-agressivité apparente qui cachait un processus d'auto-agressivité s'exprimant par l'alcool et l'échec social, un fort sentiment d'auto-dépréciation, et une frustration qui s'exprimait là aussi sur un mode très agressif et revendicatif, avec un mode relationnel très auto-centré. Cependant ces attitudes étaient appréhendées par l'équipe de psychiatrie-précarité en tant que symptômes de la situation de précarité du patient.

4 Ces pages se basent principalement sur deux ouvrages, Les naufragés déjà mentionné, et L'attachement, concepts et applications1, manuel coordonné par Nicole et Antoine Guedeney. Pour la relation de soins je me suis également basé sur La relation soignant-soigné d'Alexandre Manoukian et Anne Massebeuf, et sur La communication soignant-soigné d'Antoine Bioy, Françoise Bourgeois et Isabelle Nègre. Cf. bibliographie. –2–

L'admission en cure de sevrage était investie par le patient, qui y plaçait des espoirs de changement de vie, tempérés par son auto-dépréciation constante. Les consultations de préadmission lui avaient permis de bien comprendre les enjeux du traitement, il déclarait se sentir en confiance avec le chef de service. Le jour de l'admission le patient était accompagné par une infirmière du service psychiatrie-précarité et par moi-même, et l'accueil de l'équipe avait été tout à fait correct, dans la cordialité et la présentation du service et des soignants. Le patient recevait par la suite une visite quasi-quotidienne de son infirmière référente de psychiatrie, ou de ma part (j'effectuais seul certains actes d'accompagnement avec ce patient depuis trois semaines à la demande de son infirmière référente, dans le cadre de sa prise en charge globale). Tout semblait donc a priori devoir bien se passer. Pour autant des problèmes relationnels sont rapidement apparus entre le patient et l'équipe soignante. Les difficultés du sevrage jouaient bien sûr un rôle, mais surtout l'ennui de l'hospitalisation qui laissait réapparaitre les problématiques sous-jacentes, le patient ayant tendance à gérer son malaise par des « coups de gueule » et une agressivité qui pouvait faire craindre à l'équipe un passage à l'acte hétéro-agressif (en pratique son agressivité est surtout verbale, ou se dirige plutôt contre les objets). Au bout de quelques jours le service était classé entre « bons soignants » et ceux « à qui je ne parle plus », le chef de clinique faisant partie de cette dernière catégorie. Le ton bourru et revendicatif était d'évidence assez mal accepté par les soignants. L'annonce par le médecin d'un délai possible de quelques jours entre la fin du sevrage et l'admission en centre de post-cure fut accompagnée d'une explosion de colère de la part du patient, qui entraina finalement une décision de fin d'hospitalisation anticipée au bout de la première semaine, et donc l'échec du sevrage. Contrairement aux échecs précédents le patient a, dès les jours suivants, repris une démarche en direction d'un nouveau projet de sevrage, ce qui indique que l'échec est dû à une inadaptation envers les contraintes et les demandes de l'environnement hospitalier plus qu'à un refus du sevrage en lui-même. Cette situation était similaire à plusieurs autres observées lors de mes stages en santé publique ou en service d'hospitalisation, et les professionnels concernées insistaient systématiquement sur le caractère général de ce type de difficulté dans la prise en charge des patients en grande précarité5. Cela m'a fourni quelques motifs de questionnements, qui ne se

5 La notion de grande précarité sera explorée dans le cadre de référence. –3–

sont pas apaisés par les échanges avec les infirmières du service de psychiatrie-précarité. Ces dernières mettaient en avant la difficulté fréquente de ces patients à se conformer à l'attitude qu'on attend d'eux au sein d'un service de santé, et celle des soignants à faire face aux sentiments que ces patients génèrent au sein des équipes. La facette la plus apparente du problème était donc un échec de l'instauration de la relation de soins6. La prise en charge du patient, à court ou à long terme, ne peut en effet se faire sans la mise en place d'une relation particulière entre le soignant et

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