Utopie Et Illusion

teurs situent l'action dans un monde imaginaire, dans un pays lointain et mythique

comme L'Eldorado du Candide de Voltaire en 1759 ou Les troglodytes des Lettres Persanes de Montesquieu. Ce genre a été le principal véhicule des idées réformatrices.

L'utopie a alors une double fonction dans le discours politique ; celle de proposer une rupture radicale avec un système existant et ensuite de proposer un modèle de société idéale comme plus tard dans Le Capital de Karl Marx . Cela correspond à une période où l'on pense, justement, que, plutôt que d'attendre un monde meilleur dans un au-delà providentiel, d'autres modes de vie sont réellement possibles.

En cette fin de XVIIIème , pour certains, l'utopie est l'horizon de l'Histoire, et il convient d'en accélérer le processus pour se rapprocher du règne de la liberté. De nombreux mouvements sociaux, en particulier dans les périodes des grands ébranlements révolutionnaires, sont portés par cette espérance, et même s'il n'y a pas de fatalité historique l'utopie peut se retourner en son contraire, et le rêve tourner au cauchemar.

Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle que le sens courant actuel s'impose et que l'utopie prend une tournure plus pratique ; les utopistes ne sont plus simplement des théoriciens mais des militants.; des créations de micro sociétés utopiques sont tentées comme la secte des Shakers aux États-Unis ou le Familistère de Jean-Baptiste André Godin à Guise dans l'Aisne , avec cependant un succès limité.

Il me paraît important de dire qu'une utopie naît d'une insatisfaction collective à laquelle il devient nécessaire de remédier pour entrevoir une réalité meilleure . Elle se transforme continuellement en s'enrichissant des apports individuels de ceux qui la soutiennent collectivement sans échéance définie. C'est un projet irréalisable, voire irréaliste ; il suffit de lire les synonymes courants dans n'importe quel dictionnaire : chimère, illusion, mirage, rêve, rêverie…

Illusion donc,

Le mot illusion vient du latin “illudere” : se jouer de , se tromper, se leurrer : il désigne l’état de celui qui se trompe ou est trompé, qui subit la méprise des sens ou de l’esprit qui se laisse abuser par l’apparence. En approfondissant, on rencontre une somme de termes péjoratifs : chimère, aveuglement, fausseté, ... Ces termes montrent l'aspect négatif de l'illusion. Cependant, d'autres termes plus positifs viennent à l'esprit : l'illusion n'est-elle pas, en quelque sorte la traduction du rêve, de l'espoir ? Cela mène à constater l'aspect indispensable de l'illusion comme motivation. Ne dit-on pas par ailleurs, « l'Espoir fait vivre » ?

La différence fondamentale qui existe entre une simple erreur et une illusion est que dans le premier cas, on peut se tromper sincèrement à cause d'un raisonnement erroné, alors qu'à l'inverse, une illusion provient d'un aveuglement.

Par contre, l’illusion et l’erreur ont en commun de manquer la vérité et la réalité, mais de façon différente : l’illusion est un mode d’être tandis que l’erreur est un mode de pensée. Commettre une erreur signifie seulement qu’on juge à partir d’une mauvaise information ou que la raison effectue un mauvais calcul (défaillance de la pensée) ; l’erreur est un énoncé contredisant la vérité. Etre dans l’illusion, au contraire, c’est être en dehors de la vérité. L’illusion est donc plus perverse que l’erreur car elle ne se contente pas de “rater” la réalité, elle invente une autre réalité. Ainsi, quand l'erreur est rectifiable, l'illusion, quand bien même on l'a expliquée, persiste.

Par exemple l'illusion d'optique décrite par Descartes dans les Méditations Métaphysiques ; quand on plonge un bâton dans l'eau, il paraît brisé : même si l'on en est conscient, il apparaîtra toujours brisé.

A la différence de l’erreur, l’illusion est tenace car elle engage l'intime.

La force de l’illusion provient du fait que nous tenons à la garder , consciemment ou inconsciemment , car elle apporte un réconfort par sa capacité à compenser le réel, la réalité trop dure : on dit alors que l'on est « bercé par ses illusions ».

Mais est-ce bénéfique pour l'Homme ?

Dès Socrate, un des bienfaiteurs de l'Humanité, la tradition philosophique n’a pas cessé de valoriser la lucidité, comme capacité à “regarder la réalité en face” et, donc, de dénoncer l’illusion comme un mal qui emprisonne les hommes, qui les détourne de la réalité et leur interdit de pouvoir connaître la vérité. Son fameux “Connais-toi toi même” qui exprime l’exigence de lucidité (s’interroger sur le sens de nos actes, de nos paroles, de nos opinions) ; fondement du travail de tout maçon entamé comme Apprenti , jamais achevé.

Cependant un excès de lucidité peut paraître néfaste car il en découle la résignation, le fatalisme, qui poussent à l'inaction et au « je-m'en-foutisme »

N'est-il pas louable de croire encore aux grands idéaux tels ceux qui sont l'emblème de notre pays "Liberté, Egalité, Fraternité" ? Nous pouvons alors considérer l'illusion comme un moteur, une motivation, donnant à l'Homme la force d'entreprendre pour le bien-être de l'Humanité.

Dès lors que l'on s'efforce de rendre réalisables ses illusions tout en prenant en compte les contraintes de la réalité, en s'y confrontant, on peut alors prétendre à une amélioration de notre condition.

Et puis, comment connaître la limite du possible sans en avoir fait l'expérience ? Qui pouvait imaginer, en partant de Voltaire qui a émit l'idée de l'abolition de l'esclavage , en poursuivant avec Martin Luther King se battant pour l'égalité des droits des noirs et des blancs, qu'un homme noir devienne Président des EU ?

L’illusion n’a-t-elle pas aussi cette fonction salutaire d’aider à supporter l’insupportable? De sorte qu’on pourrait très bien, pour vivre, préférer une illusion rassurante à une vérité désespérante.

Cela ne veut pas dire qu’il faut chasser toute part de rêve en soi ; pour construire des projets d’avenir, le rêve semble indispensable.

Mais attention , en constatant les ravages que certaines illusions ont pu causer dans l’histoire de l’humanité (guerres de religions, intolérance, fanatisme; idéologies politiques telles que le nazisme, le fascisme; obscurantisme prôné par les sectes...) on peut choisir de les refuser en restant lucide mais en gardant l'espoir d'un monde meilleur.

Utopie et Illusion sont donc étroitement liées.

Dans l'utopie , l’illusion permet d'avoir la confiance en soi qui