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Art et esthétique

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Par   •  22 Août 2016  •  Cours  •  9 265 Mots (38 Pages)  •  1 150 Vues

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ART ET ESTHETIQUE

Introduction

L’art est un vieux compagnon de l’homme. En effet, aussi loin que remonte l’histoire, les sociétés humaines ont toujours exprimé leurs civilisations à travers leurs productions artistiques majeures. La philosophie s’intéresse à l’ensemble des domaines de la vie humaine. Lorsqu’en particulier, elle réfléchit sur l’art on la nomme esthétique. Ce terme se diffuse à partir de la publication, en 1750, de l’Aesthetica d’Alexander BAUMGARTEN (1714-1762) et il désigne la théorie de l’art et du beau.

Le premier problème qui se pose est celui de l’identification de la notion d’art : un critère est nécessaire pour distinguer ce qui est art de ce qui n’en est pas. L’art renvoie à une technique ou à un ensemble de techniques (le même mot grec technê signifie à la fois technique et art). Du coup la première question qui se pose est de savoir ce qui distingue la création artistique des autres productions techniques. L’art est-il réductible à une technique ou bien possède-t-il une spécificité qui le définit en tant que tel ?

La différence spécifique en question pourrait être esthétique et qualitative : l’art pourrait se définir par le beau. Mais c’est à condition qu’il soit identifiable et que ce qui est beau pour moi puisse l’être aussi pour l’autre : or l’universalité du goût fait manifestement difficulté. Y a-t-il une norme du goût, ou bien sommes-nous renvoyés à la multiplicité des sensibilités ?

L’idée que l’art doit se contenter d’embellir nous renvoie au rapport le plus classique entre art et réalité. L’art s’y présente comme pure imitation : le rejet de l’art contemporain quand il n’est plus figuratif montre encore combien l’opinion demeure attachée à cette idée. Pourtant la relation est peut-être plus riche, puisque l’art peut devenir au contraire le modèle d’un réel qu’il nous apprend à voir : l’art est-il plutôt imitation ou création ?

Mais, même à admettre que le beau soit communément déterminable, il resterait encore à savoir si ce critère peut valablement caractériser l’art. Chacun peut en effet observer qu’il y a du beau en dehors de l’art, et soupçonner donc que peut-être inversement ce qui n’est pas beau a sa place en art. Quelle est alors la fonction de l’art ? Embellir ou dénoncer ?

I. Elucidation conceptuelle

A. Qu’est-ce que l’art ?

1. Le sens ancien du mot : art et technique

Pendant l’antiquité, les Grecs et les Romains n’établissaient pas de différence entre l’art et la technique. Ils les confondaient. En effet, les termes « ars » en latin et « technê » en grec traduisaient une seule et même réalité. Par là, ils entendaient un ensemble de procédés et des règles pratiques qui permettent d’obtenir certains résultats, d’atteindre certaines fins. Ainsi, en son sens originel, l’art est synonyme de talent, de savoir-faire, de technique. Posséder l’art d’une activité quelconque revient à en avoir la technicité, l’ingéniosité. Ce que l’on fait avec art, c’est ce qu’on réalise avec toute l’habileté et la dextérité requises. Ainsi, on pourrait dire d’un sophiste qu’il est maître de l’art oratoire, et d’un cordon-bleu qu’il applique à merveille les règles de l’art culinaire. Par les termes, « ars » et « technê », les anciens désignaient également l’activité artisanale. Or cette activité n’est rien d’autre que la production de moyens utilitaires, d’outils ou d’ustensiles visant à faciliter les divers travaux de la vie quotidienne.

De nos jours, le mot « art » n’a plus du tout le même sens. C’est à partir du XVIIIe siècle qu’il se distingue aussi bien de l’artisanat que de la technique et acquiert ainsi un statut spécifique. Il désigne en particulier la création de choses belles, d’objets ou d’œuvres esthétiques. Dans la réalité des faits historiques, force est de constater que cette distinction conceptuelle ne s’est opérée qu’au moment exact où l’art et la technique ont été concrètement constitués en deux domaines de la pratique sociale absolument séparés.

Ainsi donc, de façon décisive, l’art s’écarte de la technique, du métier, de l’artisanat, bref de toute activité qui se sert de moyens utilitaires pour atteindre une fin socialement valorisée. Dans la Critique de la faculté de juger, Emmanuel KANT écrit : « L’art est (…) distinct du métier, l’art est dit libéral, le métier est dit mercenaire. On considère le premier comme s’il ne pouvait obtenir de la finalité (réussir) qu’en tant que jeu, c'est-à-dire comme une activité en elle-même agréable ; on considère le second comme un travail, c'est-à-dire comme une activité, qui est en elle-même désagréable (pénible) et qui n’est attirante que par son effet (par exemple le salaire). »

L’art est dit « libéral » dans la mesure où il constitue une activité libre à laquelle on s’adonne librement. On n’y est pas poussé par le gain ni par aucun intérêt particulier. En revanche, celui qui exerce un métier en attend une rémunération. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il travaille ; il a juste besoin d’un salaire afin de pouvoir se nourrir. Il y a donc une grande différence entre l’art et le travail. En effet, l’art, dans la mesure où il ne vise que la création libre et désintéressée de choses belles, n’est soumis à aucune nécessité, à aucune contrainte. Par contre, le travail est une activité pénible et contraignante que l’on est obligé de faire pour survivre. Il existe une différence entre l’art et le travail, entre la production de l’œuvre d’art et celle de l’œuvre utilitaire. La procédure d’exécution n’est pas la même dans l’un et l’autre des cas. En effet, selon ALAIN, « un beau vers n’est pas d’abord un projet et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu’il la fait ; et le portrait naît sous le pinceau ». Dans l’art, l’œuvre précède l’idée, l’artiste ne sait pas au départ ce qu’il veut faire. Il crée son œuvre sous la dictée de l’inspiration. Dans le métier de l’artisanat, par contre, il y a une finalité qui est visée dans la création de l’œuvre, si bien que la pensée de ce qu’on crée précède son exécution. L’artisan a d’abord une idée précise de l’objet qu’il veut créer, de sa fonction, de son utilité avant de s’atteler à sa fabrication. L’œuvre d’art n’existe réellement que si elle est faite. Mais avant d’être composée, elle est encore prisonnière de l’ « imprévisibilité radicale » de la liberté de son auteur.

On retiendra, en somme, que même si à l’origine, l’art était confondu à la technique, à l’artisanat, au travail, il n’empêche que, de nos jours, il ne désigne qu’une activité libre à travers laquelle on s’adonne à la création désintéressée de choses belles ou d’œuvres esthétiques. Si l’art se distingue de la technique, quel rapport entretient-il avec la science ?

2. Art et science

Quoique différent de la technique, l’art semble plus proche d’elle que de la science. En effet, on le considérerait beaucoup plus comme un savoir-faire qu’une connaissance théorique. Selon KANT, « l’art, comme habileté de l’homme, est aussi distinct de la science (comme pouvoir l’est de savoir), que la faculté pratique est distincte de la faculté théorique, la technique de la théorie (comme l’arpentage de la géométrie.) » Si l’art est « pouvoir », capacité, action créatrice, la science par contre, est « savoir », contemplation. Le premier est de l’ordre de la pratique, tandis que la seconde intègre plutôt la dimension théorique de la vie humaine. La sensibilité est la faculté qui se met à l’œuvre dans le domaine de l’art. Mais dans celui de la science, l’entendement qui est la faculté de la connaissance et de la compréhension reprend ses droits.

Par ailleurs, on sait que la science n’est pas un savoir complet et définitif ; elle n’est pas figée ; elle est plutôt dynamique, en évolution constante. Les travaux scientifiques ne sont jamais achevés. Ce n’est pas le cas de l’œuvre d’art. Celle-ci, une fois terminée peut être présentée telle quelle. Ainsi, dans le domaine scientifique, il y aura toujours de nouvelles théories qui viendront compléter la gravitation universelle de Newton et la relativité d’Einstein. Mais la Joconde de Leonard de Vinci (1452-1519) et les demoiselles d’Avignon de Pablo Picasso (1881-1973) sont et resteront des œuvres d’art de renom auxquelles rien ne sera ajouté.

Mais par delà les différences entre ces deux domaines de la culture, il convient de souligner qu’il y a une affinité profonde entre l’art et la science. Cette affinité se traduit en termes d’interaction : l’art agit sur la science, mais la science aussi agit sur l’art.

D’une part, on peut, en effet, parler de la valeur esthétique de la connaissance scientifique, en ce sens qu’il arrive qu’une théorie présente des structures, des éléments, des formes qui au même titre que l’œuvre plastique ou musicale, frappent notre sensibilité. On peut bien ressentir devant une théorie scientifique ou devant l’élégance d’une démonstration mathématique une satisfaction esthétique similaire à celle que l’on éprouve pour une œuvre d’art. Selon Henri POINCARE, «

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