Art, médiums et écris

le. Pourquoi ? Son identité était-elle si peu affirmé ? Van Gogh, «La chaise du peintre», 1888, National Gallery, London

• Vittore Carpaccio (Italie, 1472-1526) La signature est plus que le seul nom de l’artiste : elle est une technique d’art due à un effet de trompe l’oeil : le papier plié (déplié). Celui-ci découvre le nom du peintre en latin et l’année MDX. Vittore Carpaccio, «Présentation de Jésus dans le Temple», 1510, Galerie de l’Academie, Venise

• Marcel Duchamp achète un urinoir au magasin de la J. L. Mott Iron Works Company, 115 Fifth Avenue, il date et signe l’urinoir : R. Mutt 1917. Il y a comme une assonance entre Mott et Mutt et la signature peut suggérer que l’auteur est un pauvre d’esprit. Duchamp veut faire admettre, anonymement, l’oeuvre auprès de la Society of Independent Artists, à New York, avec la complicité de Walter et Louise Arensberg. «Fountain» est refusé. Marcel Duchamp, «Fontaine», 1917, Museum of art, Philadelphie.

B . L E T I T R E E T L’O E U V R E

Pour cer tains ar tistes, le titre fait par tie intégrante de l’oeuvre ; donné avant ou dès son achèvement, comme un prénom est associé à un individu à sa naissance et y reste de manière intime, il peut même (selon cer tains) influencer son carac tère. Chez cer tains ar tistes, le titre donné est plus qu’un titre. Ils nomme leurs oeuvres car le nom leur donnent une dimension ... comme une clé avec laquelle la perception et la réflexion peuvent commencer. • Les peintures de René Magritte jouent souvent sur le décalage entre un objet et sa représentation. Par exemple, un de ses tableaux les plus célèbres est une image de pipe sous laquelle figure le texte « Ceci n’est pas une pipe » (La Trahison des images, 1928-29). Il s’agit en fait de considérer l’objet comme une réalité concrète et non pas en fonction d’un terme à la fois abstrait et arbitraire. Pour expliquer ce qu’il a voulu représenter à travers cette œuvre, Magritte a déclaré : « pouvez-vous la bourrer ma pipe ? Non, n’est-ce pas, elle n’est qu’une représentation. Donc si j’avais écrit sous mon tableau « ceci est une pipe », j’aurais menti ! » • Marcel Duchamp crée «L.H.O.O.Q», parodiant la Joconde. Son titre est à la fois un homophone du mot anglais look et un allographe que l’on peut ainsi prononcer : « elle a chaud au cul ». Il s’agit d’une vulgaire carte postale reproduisant la Joconde. Duchamp l’a surchargée d’une moustache, d’un bouc et des lettres qui donnent le titre à l’œuvre. L ‘œuvre s’inscrit dans le courant des ready-made que l’artiste a créés et participe à la volonté de l’artiste de questionner l’art. Le geste de Duchamp se comprend en rapport à la publication de l’essai de Sigmund Freud «Un souvenir d’enfance» de Léonard de Vinci dans le lequel le psychanalyste parle de l’incapacité de l’artiste à terminer son œuvre, la sublimation de la vie dans l’art et surtout de son homosexualité.

René Magritte, «Ceci n’est pas une pipe», 1929

Marcel Duchamp, «L.H.O.O.Q», 1919,

C . L’ E C R I T U R E CO M M E F O R M E A R T I S T I Q U E L’esthétique est une discipline philosophique ayant pour objet les perceptions, les sens, le beau (dans la nature ou l’ar t), ou exclusivement ce qui se rappor te au concept de l’ar t. L’esthétique correspond ainsi au domaine désigné jusqu’au X VIIIe siècle par science du beau ou critique du goût, et devient depuis le XIXe siècle la philosophie de l’ar t. L’esthétique est plus généralement, dans la philosophie de la connaissance, la science du sensible, de ce qui est donné aux sens dans l’intuition ou dans la vision, c ’est- à- dire dans l’espace et dans les temps, par opposition à ce qui relève de l’intelligible, de l’entendement ou de la raison pure, soit la métaphysique.

• Cy Twombly montre dans ses œuvres peintes une grande diversité dans ses techniques et ses enjeux. Nombre de ses toiles sont des surfaces blanches recevant toute sorte de traces : chiffres, croix, schémas géométriques, barbouillages réalisés au doigt, griffonnages en hachures ou en boucles, écoulements sanglants ou scatologiques et enfin quelques mots. L’écriture est heurtée, les lettres capitales se mélangent aux minuscules, les mots les plus simples sont raturés. « Son graphisme, est poésie, geste furtif, défoulement sexuel, écriture automatique, affirmation de soi, et refus aussi... il n’y a ni syntaxe, ni logique, mais un frémissement de l’être, un murmure qui va jusqu’au fond des choses ».

Twombly, « Untitled », 197O

• Wassily Kandinsky, créateur de l’écriture «point, ligne, plan». Il analyse les éléments géométriques qui composent toute peinture, à savoir le point et la ligne, ainsi que le support physique et la surface matérielle sur laquelle l’artiste dessine ou peint et qu’il appelle le plan originel. Il ne les analyse pas d’un point de vue objectif et extérieur, mais du point de vue de leur effet intérieur sur la subjectivité vivante du spectateur qui les regarde et les laisse agir sur sa sensibilité.

Wassily Kandinsky, « Cossaques », 1910/1911

• Jackson Pollock est le père du mouvement «Action Painting». Les techniques de celui-ci consistent à appliquer la peinture sur un support placé par terre, soit en l’égouttant, soit en la déversant directement. Il s’agit d’ une « écriture automatique », action qui échapperait à toute élaboration préalable, dans une sorte de hasard que guideraient les impulsions du peintre, un besoin d’accomplissement, qui lui est dicté de l’intérieur.

Jackson Pollock, «Number 1A», 1948

II. L’écriture dans l’art moderne et contemporain

A. L’ U T I L I S AT I O N D ’ E C R I T D E J A E X I S TA N T

>> Inclusion d’écrit dans un collage

• L es cubistes

Ils nous apportent une autre façon de voir en analysant les objets. Ils intègrent des matières, des matériaux dans leurs peintures. Picasso et Braque par exemple délaissent progressivement peinture et pinceaux pour coller ou assembler des journaux, papiers peints, faux bois… Braque , « Bouteille de Vieux Marc», Verre et Journal, 1912.

• K ur t s chwitters Schwitters remplit ses poches des mille papiers qui traînent sur les trottoirs : billets de théâtre, coupures de journaux, enveloppes timbrées... Ces matériaux, l’artiste les coupe, les colle pour créer, faisant jouer subtilement les harmonies de couleurs

Kurt Schwitters, «Pour Anton Raderscheïd» , 1927

• Les affichistes

Des couches successives d’affiches lacérées dont les textes sont devenus illisibles émergent parfois des noms, des titres de spectacle, des dates. Les mots des affiches deviennent la matière première du tableau. A partir de 1949, Villéglé collecte les affiches lacérées. Pour lui, le véritable artiste est le « lacérateur anonyme », la collecte pouvant être effectuée par n’importe qui : il annonce ainsi le moment de la disparition de la figure de l’artiste, cédant la place au « collecteur » ou collectionneur. Dans l’esprit du collectionneur d’affiches lacérées, l’art du décollage est l’invitation à quitter le domaine de la propagande et de la publicité pour celui poétique, du rêve et de l’imaginaire. « Le prélèvement, dit-il, est le parallèle du cadrage du photographe », et lui-même se veut comme Hains, simple collecteur de fragments qu’il ne fait que choisir et signer.

Villéglé, «Rue Jean Paris-Sélesto»

Raymond Hains , «Décollage»

>> Les écrits utilisés comme support

• a LechinsKy Le support écrit peut enrichir l’œuvre en étant présent comme fond ou servir de point de départ à l’artiste pour « imaginer ».

Pierre Alechinsky , «Je veux être une machine»

B. DES ARTISTES QUI « ECRIVENT »

>> Lettres à voir

• Paul Klee

L’écrit ne délivre pas de message, il est présent pour être regardé et non pas pour être lu.

Paul Klee utilise les lettres comme des motifs décoratifs associés pour remplir une surface ou il les fait intervenir dans un tableau comme des personnages ou des éléments du paysage.