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"Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève", Jacques Prévert

Dissertation : "Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève", Jacques Prévert. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  31 Mai 2022  •  Dissertation  •  2 638 Mots (11 Pages)  •  821 Vues

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Sujet : Dans Spectacles, Jacques Prévert écrit : “Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève.”

L’enfance est souvent présentée comme une période durant laquelle l’être humain est faible, démuni et dépendant. Ainsi, le rôle et la place des parents au sein de la famille semblent constituer un enjeu de taille : aider l’enfant à se développer, à se construire, et lui donner ce qu’il ne possède pas, par l’éducation.  

Le poète français Jacques Prévert semble prendre le contrepied de ces opinions, en écrivant dans Spectacle en 1951 : “Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève.” Ce disant, il semble affirmer que l’éducation, au lieu d'aider l'enfant à se développer, le restreint. On ne ferait alors qu’enlever aux enfants ce qu’ils possèdent déjà. Que pourrait signifier “tout avoir” ? Est-ce réellement tout avoir, avoir tout ce qu’un homme peut posséder ? Il semble évident que non, un enfant ne peut pas posséder plus de choses que ce qu’il pourrait avoir plus tard dans sa vie. Il n’a notamment pas d’argent, pas de maison : il n’a pas tout d’un point de vue matériel. Cependant, l’enfant ne pourrait-il pas posséder autre chose, qui ne soit pas matériel, et qu’on ne retrouve jamais autre part dans l’existence ? En particulier, l'enfance, le tout premier âge de la vie humaine, est une période marquée par l’inné : l’enfant dispose seulement de ce qu’il a eu à sa naissance, et son comportement, ses sentiments ou ses idées sont uniquement inhérents à cet inné. “Tout avoir” signifierait-t-il alors être libre d’agir selon son instinct, sans contraintes, notamment sociales ? De plus, l’enfance est souvent présentée comme un âge d’or : une période durant laquelle l’être humain n’a pas à se préoccuper de tous les maux de la vie, il peut juste penser à jouer, à être aimé. “Tout avoir” signifierait-il tout avoir pour être pleinement soi-même, pour être heureux ? Ensuite, l’enfance est la période de l’existence durant laquelle l’être humain a le plus de potentiel à développer, du fait de sa perfectibilité. “Tout avoir”, serait-ce alors avoir un plein potentiel, une intelligence à développer ?

Enfin, d’après Jacques Prévert, une partie de ce que l’enfant possède est comme volé, subtilisé par une force extérieure. Quelle peut être la nature de cette intervention ? Quelle part y a l’éducation ? Est-ce la famille, l’école ou encore la société en général qui intervient dans ce processus ? Quelles répercussions cela a-t-il sur l’enfant ?

Nous nous demanderons donc comment l’enfant peut être privé d’une partie de ce qu’il possède par nature.

Pour répondre à cette interrogation, nous nous intéresserons en premier lieu à la façon dont l'intelligence ou le potentiel de l’enfant peuvent être restreints. Puis, nous étudierons comment le bonheur, caractéristique de la période de l'enfance, comme un âge d’or, est susceptible d’être limité. Enfin, nous nous interrogerons sur la liberté de l’enfant, qui agit selon son instinct primaire, et dans quelle mesure elle risque d’être réduite.

 

L’être humain, durant la période de l’enfance, va développer ses capacités inconscientes, son potentiel, va assimiler des connaissances, et ce pas seulement en classe ni uniquement sur des matières scolaires, mais également grâce à ses parents, à ses activités à l’extérieur, ou encore par lui-même en expérimentant le monde qui l’entoure. Parmi ces différents acteurs, certains sont susceptibles de l’aider à se former, à cultiver son intelligence et son potentiel, et d'autres risquent de restreindre l’enfant dans ses capacités.

L’école est un moyen de transmettre des connaissances, des compétences, mais également une culture aux enfants. Une opinion très répandue est que la réussite scolaire dépend de l’intelligence. Cependant n’existe-t-il pas plusieurs formes d’intelligence, dont certaines ne seraient pas évaluées ou développées par le système scolaire ? L’école convient à une grande partie des enfants, comme le petit Wole dans Aké, les années d'enfance, consterné à l’idée de manquer une journée de cours : “Je le regardai avec stupéfaction. Ne pas avoir envie d'aller à l'école !”. L’école permet donc à des enfants comme Wole de développer leur potentiel et leurs connaissances : Wole voit l’école comme une “salle de jeux”, un endroit dans lequel il se sent bien et qui lui permet de satisfaire pleinement son désir d’apprendre. Cependant, il y a également beaucoup d’enfants qui ne s’épanouissent pas à l’école, et qui peuvent se retrouver restreints dans leurs capacités inconscientes. L’enfance est notamment l'âge de la perfectibilité, l’enfant a la possibilité de changer de forme, de se perfectionner : c’est une idée qu’avance Rousseau dans Émile ou De l'éducation page 218 : “La nature donne au cerveau d’un enfant cette souplesse qui le rend propre à recevoir toutes sortes d’impressions”. Or, l'école, ne proposant pas un programme très étendu durant les premières années, ne permet pas d’exploiter le potentiel de chaque enfant dans toutes les dimensions de l’intelligence, elle ne permet pas aux enfants de découvrir leurs éventuels talents et de se spécialiser dans les domaines qu'ils préfèrent. L’école peut donc restreindre l’enfant dans son potentiel.

L’enfant peut, en parallèle de l’école, assimiler des connaissances par l’intermédiaire de ses parents ou plus généralement par les adultes qui l’entourent, et par ses activités extra-scolaires. Il peut notamment s'intéresser aux loisirs de ses parents, tels que la cuisine ou le dessin; pratiquer du sport, ce qui lui permettra de se dépenser, mais également d’apprendre la persévérance, de prendre confiance en lui…  De plus, même en “ne faisant rien” chez lui, l’enfant peut imaginer, créer, développer des aptitudes que l’école ne permet peut-être pas de cultiver, justement parce qu’elle ne permet pas la rêverie. Dans “Les fleurs de la petite Ida” dans Contes d’Andersen, Ida trouve amusante l’idée avancée par l’étudiant, qui lui dit que les fleurs vont au bal et dansent la nuit, et cela l’incite à “[réfléchir] beaucoup à la question”. Au contraire, “l’ennuyeux conseiller” pense qu’il est insensé de laisser un enfant croire de telles choses : “A-t-on idée de faire croire des choses pareilles à cette enfant ! C’est de l’imagination, ce sont des stupidités”. Ainsi, on comprend que des parents qui, comme le conseiller, ne stimulent pas l’intelligence de l’enfant, vont le limiter dans son potentiel créatif, alors qu’au contraire des parents encourageant la créativité de l'enfant lui permettront de se développer, l’inciteront à se poser des questions, à voir le monde sous un autre angle.

Enfin, l’enfant peut développer son intelligence et ses connaissances en expérimentant tout seul le monde qui l’entoure, à l’aide de ses sens. C’est une idée que Rousseau soutient : "Intéressez l’enfant à ne jamais faire d’efforts insuffisants ou superflus. Si vous l'accoutumez à prévoir ainsi l’effet de tous ses mouvements, et à redresser ses erreurs par l’expérience, n’est-il pas clair que plus il agira, plus il deviendra judicieux ?” (p 262). Ainsi, l’enfant peut, par lui-même, acquérir des connaissances et donc de l’intelligence qui seront ancrées par l’expérience. Tout ce que l'enfant perçoit passe par ses sens : un enfant libre d’approcher et d’expérimenter son environnement développe sa raison sensitive et donc intellectuelle, puisqu’il associe des sensations à des concepts, et acquerra bien plus de connaissances qu’un enfant pour lequel cette expérimentation est supprimée au profit d’autres activités peut-être moins formatrices.

        Nous avons donc vu que l’enfance est une période durant laquelle l’enfant peut développer son potentiel, ses connaissances et son intelligence, cela grâce à différents acteurs tels que l’école ou les parents. Il peut cependant dans certaines situations se retrouver limité dans ses capacités et son potentiel, comme à l’école par exemple pour des enfants qui ne s’y épanouissent pas. Mais en voulant lui apporter des connaissances, ne le prive-t-on finalement pas, d’une certaine façon, d’une partie de son insouciance, de son bonheur ?

L'enfance est souvent présentée comme une période heureuse, un âge insouciant : l’enfant est loin des soucis quotidiens qu’éprouvent les adultes. Ses besoins étant moindres par rapport à ceux des adultes, il réalise peut-être un équilibre parfait entre ses besoins et sa force, une plénitude qu’on ne retrouve nulle part dans l’existence. L’éducation donnée à l’enfant peut alors l’aider à être heureux, ou au contraire contraindre son insouciance.

“Tout allait pour le mieux pour ces enfants, mais il ne devait pas en être ainsi pour toujours”, dit Andersen dans le conte “Les cygnes sauvages” : l’enfance semble être une période de pur bonheur, mais qui ne dure pas et provoque la nostalgie. Les adultes rêvent d’y retourner, pour abandonner les complications de la vie d'adulte et retrouver la légèreté et l'insouciance des premières années de leur existence. Ainsi, l’enfance est idéalisée comme un âge d’or. On retrouve cette idée dans les Contes d’Andersen, avec par exemple le sapin dans le conte homonyme, qui, pressé de pousser et d’être un grand arbre, est de plus en plus déçu de sa condition au fur et à mesure qu’il grandit : “Fini ! Fini ! [...] Si seulement je m’étais réjoui quand je le pouvais !” L’enfance, la première période de la vie, apparaît alors comme l’unique moment où l’on est pleinement heureux. Cette insouciance se caractérise notamment dans la capacité de l’enfant à s’émerveiller de tout. En effet, par son manque d’expérience, tout ce qu’un enfant voit est une découverte. L’enfant est donc uniquement guidé par son enthousiasme et sa curiosité, et cette insouciance est sans aucun doute une manifestation du bonheur. On retrouve particulièrement cette soif de découverte avec Wole dans Aké, les années d'enfance. L’enfant pose en effet incessamment des questions aux adultes qui l’entourent, si bien qu’il se fait traiter de “questionneur irrépressible" et que sa mère le reprend quelques fois  : “Tu veux tout savoir”. L’auteur lui-même reconnaît cette curiosité qui l’animait enfant : “Grande était ma curiosité”, “Ma curiosité grandissait de jour en jour”. L’enfance semble donc une période marquée par le bonheur.

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