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Parole et pouvoir.

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Par   •  12 Février 2017  •  Cours  •  1 588 Mots (7 Pages)  •  1 147 Vues

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Parole et pouvoir

La parole est investie d’un pouvoir surprenant capable d’opérer des changements réels dans le monde où nous vivons. Définie comme faculté donnant naissant à un acte, la parole permet d’agir sur le monde physique, sur l’espace, sur le temps, sur les autres et sur le moi.

La force motrice du mot provient essentiellement de l’esprit qui produit ou reçoit une parole et qui lui donne toute sa puissance. Les hindous affirment : « L’Homme est le créateur des mots ; par conséquent, c’est lui qui les choisit, les contrôle, leur accorde une place, les fait exister pour qu’ils puissent fonctionner ou devenir puissants ». 

La parole peut s’avérer un moyen de persuasion très efficace :

"Les mots faisaient primitivement partie de la magie, et de nos jours encore le mot garde beaucoup de sa puissance de jadis. Avec des mots, un homme peut rendre son semblable heureux ou le pousser au désespoir. Les mots provoquent des émotions et constituent pour les hommes le moyen général de s'influencer réciproquement."

Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse.

La dialectique et la rhétorique sont deux arts dont la maîtrise facilite l’atteinte de certains objectifs par le biais de la parole.

"parce que nous avons reçu le pouvoir de nous convaincre mutuellement et de faire apparaître clairement à nous-mêmes l’objet de nos décisions, non seulement nous nous sommes débarrassés de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis pour construire des villes ; nous avons fixé des lois ; nous avons découvert des arts ; et, presque toutes nos inventions, c’est la parole qui nous a permis de les conduire à bonne fin. C’est la parole qui a fixé les limites légales entre la justice et l’injustice, entre le mal et le bien ; si cette séparation n’avait pas été établie, nous serions incapables d’habiter les uns près des autres. […] La parole est le guide de toutes nos actions comme de toutes nos pensées ; on a d’autant recours à elle que l’on a plus d’intelligence."                                      

Isocrate, "Éloge de la parole".

Dans son dialogue avec Socrate, Gorgias montre la grande puissance de la rhétorique sophiste et comment elle parvient à influencer et à charmer l’auditoire.

Gorgias, le discours est un tyran très puissant

 "Le discours est un tyran très puissant; la parole peut faire cesser la peur, dissiper le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié. Par la parole, les auditeurs sont envahis de frissons de crainte , ou pénétrée de cette pitié qui arrache les larmes ou de ce regret qui éveille la douleur. {…] Il y a des discours qui affligent, d'autres qui enhardissent leurs auditeurs, et d'autres qui, avec l'aide maligne de la persuasion, mettent l'âme dans la dépendance de leur drogue et de leur magie".

Mais cette même rhétorique sophiste souffre d’une faiblesse à savoir que la persuasion qu’elle entraîne ne fait qu’arracher des opinions pour leur substituer d’autres, et ce sans pouvoir installer ou planter des convictions profondes chez l’interlocuteur.

Le dialogue de Gorgias et de Socrate est l’occasion de confronter deux façons tout à fait distinctes de concevoir et d’utiliser la parole. D’un côté Gorgias, avec ses beaux et longs discours et son éloquence, qui emploie la rhétorique pour manipuler l’opinion publique, et de l’autre Socrate qui s’intéresse peu à la beauté du style et qui adopte une méthode reposant essentiellement sur le questionnement dont la pertinence et l’enchaînement logique fait face à la rhétorique sophiste. C’est une confrontation entre la sophistique (art de parler) qui fait de la parole un simple moyen de manipulation et la philosophie (art de penser) qui en fait la voie d’accès à la vérité.

La rhétorique est employée dans les cérémonies sociales, dans les débats politiques et dans les procès judiciaires. Être éloquent dans ce contexte précis était synonyme de réussite sociale, de pouvoir politique. Tous ces facteurs favorables à la parole ont donné lieu à ce qu’on appelle la technè rhètorikè (technique rhétorique) définie par Aristote comme la « science à persuader le peuple » et par Socrate et Platon comme étant l’« art de tromper et de flatter. La conception sophiste du langage qui emploie la parole comme un simple outil visant la manipulation d’autrui continue d’exister et s’épanouit même dans notre époque notamment dans le discours publicitaire ou dans le discours politique.

La parole est désormais employée dans le but de dominer et de posséder plus de pouvoir. On cherche alors le pouvoir de la parole au lieu du pouvoir de la vérité.

Hubert Grenier   le langage et le pouvoir

"Si donc penser n'est plus, comme Socrate voulait, penser pour le principe, si penser (=parler) n'est plus qu'agir, cette entreprise ne connaît qu'une nécessité, une loi, impitoyable, le succès. Là où se termine le pouvoir de la vérité s'inaugure la vérité du pouvoir. Pouvoir dans tous les sens, pouvoir technique, non détachable de celui de la parole (commanderont, feront faire ceux qui savent parler), pouvoir politique enfin. Le maître des mots deviendra le maître des hommes. Qui use "bien" des mots abusera des hommes.

La Connaissance philosophique, p. 82.

Phillipe Breton démontre en ces termes et de façon claire la distinction dans la parole entre argumentation et manipulation.

« Rapidement s’est donc imposée la nécessité de réfléchir à la frontière entre ce que serait l’argumentation, c’est-à-dire le respect de l’autre, et la manipulation, qui serait privation de la liberté de l’auditoire pour l’obliger, par une contrainte spécifique, à partager une opinion ou à adopter tel comportement. Cette frontière entre le respect et la violence existe. (…)

La plus grande résistance à admettre l’idée que la manipulation est bien présente, là, autour de nous, est qu’il n’est guère agréable de se laisser dire que l’on est, ou que l’on a été manipulé. mieux vaut se croire indemne de toute influence. Or la première étape de toute manipulation consiste justement à faire croire à son interlocuteur qu’il est libre. (…)

La parole manipulée est une violence : d’abord envers celui sur lequel elle s’exerce, ensuite sur la parole elle-même en tant qu’elle constitue le pilier central de notre démocratie. »    

« La parole manipulée », P. Breton.

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