Etes-Vous Un Homme Ou Une Femme ?

e que par quoi nous exprimons notre conscience d'appartenir au sexe masculin ou féminin" (page 16).

"L'identité sexuelle est donc la perception intérieure du rôle sexuel, le rôle sexuel étant l'expression de l'identité sexuelle" (page 16).

Les stéréotypes sexuels sont des conventions sur les rôles qui sont assignés aux hommes et aux femmes. Ils évoluent avec la société. La seconde guerre mondiale semble avoir eu une influence marquante sur l'évolution des stéréotypes sexuels (page 19).

Comme le rappelle si justement Money, il n'y a "aucun comportement propre à l'espèce humaine que nous ne puissions avoir du fait de notre sexe" (page 71) hormis les quatre fonctions fondamentales de la reproduction, correspondant au pouvoir de féconder chez l'homme, aux règles, au pouvoir d'enfanter et d'allaiter chez les femmes (page 40). En dehors de ces quatre fonctions, absolument rien n'est défini de façon immuable à l'égard des différences entre les sexes (page 42).

Notre appartenance à un sexe, masculin ou féminin, c'est à dire le sentiment d'identité sexuelle, nous apparait comme une vérité éternelle et immuable. Pourtant, ce livre nous montre qu'en réalité, il s'agit de l'aboutissement d'un long cheminement et Money utilise la "métaphore de l'itinéraire routier" (page 70) pour l'expliquer.

On s'est longtemps contenté d'une vue simpliste en deux itinéraires possibles conduisant soit vers la masculinité, soit vers la féminité. La réalité semble indiquer qu'il n'y a non pas deux itinéraires mais une seule route jalonnée d'embranchements permettant de prendre soit le chemin de la masculinité ou celui de la féminité (page 13). A chacune des bifurcations de la différenciation sexuelle, il existe des barrières mobiles qui peuvent ou non se fermer de façon irrémédiable.

Money a considéré dans son raisonnement que c'est "la femme qui est à la base de l'être humain" et que pour que la différenciation sexuelle se fasse dans le sens masculin, il fallait un élément , qualifié de "principe masculin" (page 22). Ainsi le chemin de la différenciation sexuelle conduit vers le développement d'un être féminin et pour qu'un être masculin se développe, il faut qu'il soit attiré dans la direction masculine à chacune des étapes critiques par une impulsion que Money appelle "le principe masculin" (page 46). En son absence, c'est la féminité qui l'emporte. La nécessité de l'intervention du principe masculin expliquerait, selon Money, pourquoi les possibilités d'erreurs dans le processus de différenciation sexuelle sont plus grandes lors de la formation des êtres de sexe masculin que féminin (page 49). Pour Money, les problèmes psychosexuels tels que l'homosexualité, le travestisme et le transsexualisme sont des "manifestations d'une insuffisance du principe masculin" (page 24), théorie que nous ne partageons pas complètement, notamment concernant l'homosexualité. Nous pensons en effet que Money confond identité et orientation sexuelle.

La différenciation sexuelle

On oppose souvent deux théories sur la question de l'origine de la différence entre les deux sexes : la théorie nativiste (la nature) et la théorie génétiste (l'éducation, la culture et le milieu). Pour Money, aucune de ces deux théories n'est juste : "nous sommes les fruits d'une interaction continue entre notre hérédité et notre milieu" (page 40). Cependant, malgré cette affirmation, Money est plutôt convaincu que l'essentiel réside dans l'éducation.

Le développement sexuel conduisant à la maturité sexuelle se fait selon Money en 5 phases (page 38) qui seront développées dans les différents chapitres du livre :

• la phase prénatale (chapitre 2)

• la première et deuxième enfance (chapitre 5)

• la troisième enfance

• la puberté et l'adolescence (chapitre 6)

• la maturité sexuelle

Le stade prénatal

Dans le chapitre 2, Money reprend les différentes étapes conduisant à la différenciation sexuelle au stade prénatal :

• le sexe chromosomique : le chromosome Y

le chromosome Y envoie le message aux gonades de devenir testicule. En l'absence de chromosome Y et donc de message, les gonades finiront par donner des ovaires.

• le sexe gonadique : les testicules

Les testicules sécrètent des hormones, les androgènes, qui stimulent le développement des canaux de Wolff qui donneront les vésicules séminales, la prostate et les canaux déférents, et l'hormone anti mullerienne qui inhiberont les canaux de Muller.

Chez le fœtus féminin, l'absence de stimulation hormonale fait régresser les canaux de Wolff. En l'absence d'hormone anti mullerienne, les canaux de Muller persistent et donneront l'utérus, les trompes et la partie supérieure du vagin.

• Une fois que l'ensemble des organes reproducteurs ont commencé à se développer, on arrive à l'étape de modelage des organes génitaux externes, qui se fait en organes masculins si présence d'hormones virilisantes, et en organes féminins en l'absence de ces hormones (page 50).

Cependant, ces trois éléments, que sont les chromosomes, les hormones et les organes sexuels, ne sont pas suffisants pour faire de nous un homme ou une femme (page 61); et pour Money, leur influence sur l'élaboration de l' identité sexuelle est minime comparativement à la pression sociale (page 83).

Money dédie ensuite un chapitre entier (chapitre 3 page 62) aux effets des hormones sur le cerveau car selon lui, il s'agit d'un élément de plus qui interviendrait dans la différenciation sexuelle au stade prénatal. Il pense que les hormones sexuelles agiraient au stade prénatal en abaissant ou en élevant le seuil nécessaire pour changer de comportement en adoptant celui du sexe opposé. Bien que probablement fausse, sa théorie sur le rôle des hormones sur le cerveau a le mérite de ne pas méconnaitre le rôle des hormones en anténatal.

Cependant, Money considère que ni les hormones sexuelles auxquelles nous avons été soumis en période prénatale ni tous les autres évènements de la vie intra utérine n'ont pu déterminer complètement notre conscience d'appartenir au sexe masculin ou féminin (page 85). L'identité sexuelle ne serait donc qu'une virtuosité à la naissance (page 84) et elle ne deviendrait que homme ou femme qu'avec la stimulation de la société qui interviendra après le stade prénatal.

Ainsi, L'identité sexuelle des nouveaux nés normaux n'est pas déterminée et les pressions sociales peuvent influer de façon décisive sur elle pendant un an et demi au moins après la naissance (page 86). Après s'être abaissée, la barrière de l'identité sexuelle reste fermée de façon irrémédiable, vers environ 3-4 ans, la période critique de la différenciation de l'identité sexuelle coïncidant avec la période de l'apprentissage du langage.

C'est ce principe que Money a utilisé pour la réassignation de genre. En effet, au stade prénatal, certaines anomalies du développement sexuel peuvent conduire à des erreurs dans l'assignation du sexe à la naissance : délétions ou excès de chromosomes sexuels, défaut d'hormones anti mullérienne, syndrome d'insensibilité aux androgènes, administration d'hormones virilisante pendant la gestation d'un fœtus féminin...

Bien que ne correspondant pas à une anomalie acquise au stade prénatal, Money appliqua ce principe dans une expérience surnommée le cas John/Joan dans les années 60 et 70. Brian et David, deux jumeaux homozygotes, sont nés en 1965. Lors d' une circoncision pour phimosis, David perd son pénis, il a alors 7 mois. A 17 mois, il a sa première consultation chez John Money avec toute sa famille. Après avoir beaucoup réfléchi, ses parents acceptent la proposition de Money de réassignation de sexe, qui doit être faite le plus rapidement possible avant que la barrière de l'identité sexuelle ne se ferme.

Cette transformation de sexe a été rapportée comme un succès et selon Money constituait une preuve implacable de sa théorie selon laquelle les enfants ne sont pas, par nature, féminins ou masculins mais socialisés par l'éducation pour devenir des filles ou des garçons. Brian, le frère jumeau homozygote de David offrait aux chercheurs un sujet de contrôle parfait.

Ce livre n'en fait pas mention mais on apprit plus tard que David, devenu Brenda, ne s'était jamais vraiment senti féminin. A 9 ans, il refusa l'intervention pour lui fabriquer un vagin et à 11 ans, on lui demanda de prendre des hormones féminines qu'il refusa également, refusant d' avoir des seins. Il menaça même de se suicider si on l'obligeait à continuer de voir Money. A 14 ans, devant son attitude de plus en plus réfractaire, ses parents décidèrent de lui dire la vérité sur son passé. David en fut soulagé et décida de reprendre