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Le décret Frequens du concile de Constance (1414-1418)

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Par   •  29 Novembre 2019  •  Commentaire de texte  •  3 856 Mots (16 Pages)  •  982 Vues

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Le décret Frequens du concile de Constance

Les conciles sont un outil essentiel de la réglementation de l’église depuis l’époque tardo-antique et, pendant le moyen-âge, ils deviennent des jalons indispensables de la volonté réformatrice de celle-ci.

Les conciles nationaux, provinciaux ou locaux font d’ailleurs partie de la vie d’église et sont réunis relativement fréquemment tandis que leur périodicité est souvent établit institutionnellement puisqu’on retrouve la trace de nombreux canon préconisant par exemple, une organisation annuelle des conciles provinciaux.

En ce qui concerne les conciles œcuméniques en revanche, c’est à dire les conciles qui ont vocation à réunir toutes les autorités ecclésiastiques, il faut attendre 1417 et le Concile de Constance pour que les pères conciliaires essaient d’institutionnaliser la périodicité des conciles pour impulser une réforme profonde de l’institution ecclésiale

Ils le firent en promulguant, le 9 octobre 1417, le décret Frequens qui est le centre de notre étude et qui est au cœur de la doctrine conciliariste qui nourri la pensée de nombreux clercs au XVe siècle.

L’étude de ce décret est aussi facilité par le remarquable travail des 6 auteurs du Conciliorum oecumenicorum decreta paru pour la première fois en 1962 et dans lequel les historiens se livrent à un recensement de tous les décret des conciles œcuméniques depuis concile de Nicée en 325 jusqu’au concile de Vatican II.

De prime abord, la question de la périodicité des conciles peut paraître anodine mais, dans le contexte qui est celui de l’église au XVe siècle, elle revêt une importance capitale puisqu’elle tend à contester l’organisation traditionnelle monarchique de la papauté pour lui substituer un pouvoir conciliaire donc un pouvoir d’assemblée.

Ce contexte si particulier est d’ailleurs caractérisé par un schisme dont les contours s’esquissent dès 1378.

Après le nomadisme pontifical et la papauté avignonnaise, le retour du pontife à Rome se déroule sous les plus mauvais auspices : Les romains, qui ne veulent plus d’un pape français, se révoltent, et sous leur pression est élu l’archevêque de Bari, Bartoloméo Pignano qui prit le nom d’Urbain VI.

L’aspect discutable de cette élection fournit toutefois des arguments aux mécontents, notamment un parti de cardinal à majorité française qui déclarent la nullité de la désignation d’Urbain VI et qui choisissent comme pape le Français Robert de Genève qui prend le nom de Clément VII.

A partir de 1378 ce sont 40 années de schisme où les fidèles cherchèrent pape légitime et le retour à l’unité, 40 années de crises de conscience pour les fidèles, 40 années d’affaiblissement progressif du pouvoir pontificale qui est bicéphale est qui ne tardera pas à être tricéphale.

C’est cette situation qui explique, dans le courant du 15e siècle, l’intensification de la portée des doctrines conciliaristes qui se déclinent en deux mouvement :

Le conciliarisme modéré qui préconise un équilibre entre les pouvoirs du conciles et ceux du papes et le conciliarisme radical qui postule de la supériorité du concile sur le pontife.

L’idée d’avoir recours à un concile pour endiguer le grand schisme commence donc à faire son chemin dans l’esprit de certains clercs européens qui pensaient peut-être avoir utilisés tous les autres moyens.

En effet très rapidement, princes docteurs fidèles, irritaient par l’attitude des papes qui entretenaient cette situation schismatique, se détachèrent de leur obédience et virent à penser que la solution pourrait-être trouvé dans un concile général.

Ce courant aboutit à la réunion d’un premier concile à Pise en 1409 sans l’aval des deux papes qui n’ont pas été consultés.

Les pères de ce concile, qui siégèrent au nombre de 500, déposèrent les deux papes en fonction et en choisir un autre, Alexandre V, qui ne tarda pas à mourir pour laisser sa place à Jean XXIII.

Cela n’eut aucun effet sur les deux papes schismatiques et de deux papes, on passa à trois.

Il fallut la détermination et la ténacité du roi des Romains et futur empereur Sigismond pour arracher à Jean XXIII la bulle de convocation du Concile de Constance, petite ville italienne de 6000 habitants.

Il semble même qu’au-delà de l’unité à rétablir, Sigismond se soit préoccupé de la survie de l’œuvre du concile, notamment le respect du décret Frequens.

Pour cela, le concile de Constance fut, un peu comme les conciles antiques, et à la différence des conciles médiévaux antérieurs, un concile de l’empereur.

C’est surtout un concile qui à un triple objectif : extirper l’hérésie, réduire le schisme et induire une réforme profonde de l’église, et c’est aussi un concile qui siège sans pape, chose aujourd’hui inconcevable puisqu’il est prévu par le canon 340 du Code de droit canonique qu’en cas de vacance du saint-siège, le concile soit suspendu jusqu’à l’élection d’un nouveau pontife.

Le concile demeura le seul organe décisionnaire de l’église pendant plusieurs mois, ce qui est unique dans l’histoire de l’église catholique, et cet œuvre conciliariste du concile de Constance trouve sa parfaite illustration dans le décret Frequens que l’on peut séparer en trois parties : la première traitant de la périodicité des conciles, périodicité nécessaire pour restructurer les institutions de l’église, une seconde partie aborde les risques de schisme et des dispositifs institutionnels pour les prévenir, enfin, une dernière partie traite des progrès de la fiscalité pontificale et surtout de ses excès.

Comment le décret Frequens, parfaite application de la doctrine conciliariste, témoigne-t-il de la volonté réformatrice des pères du concile de Constance à travers une politique de subordination du pouvoir pontifical face à l’émergence d’une église conciliaire ?

Pour répondre à cette question, nous parlerons, dans un premier temps, de l’enjeu de la périodicité des conciles à travers l’analyse des modalités nouvelles quant à la réunion des conciles œcuméniques et nous verrons que celui de Constance, par le biais du décret Frequens, tend à promouvoir la négation de la supériorité pontificale sur les conciles.

Dans une seconde partie nous observerons qu’il y a dans ce décret un soucis permanent de prévenir les tentations schismatiques grâce à plusieurs dispositions théoriques énoncées par les pères conciliaires.

Enfin, nous parlerons des progrès et de la remise en cause de la fiscalité pontificale à travers la dénonciation par les pères conciliaires d’une imposition excessive sur les bénéficiers.

 

I) L’enjeu de la périodicité des conciles

a) Des modalités nouvelles relatives à la réunion des conciles œcuméniques

Dès la XIIIe session générale du 15 juin 1545, plusieurs décisions relatives à la réforme de l’église furent prises, mais aucune n’abordait le cœur de la réforme : on avait décrété le maintien du jeune eucharistique, la communion sous l’unique espèce du pain pour les fidèles, des débats doctrinaux qui n’ont pas vocation à bouleverser l’institution ecclésiastique.

En revanche, la promulgation par les pères conciliaires du décret Frequens lors de la 37e sessions générales le 9 octobre 1417 est plus de cette nature.

Le décret Frequens à le mérite de rentrer directement dans le vif du sujet en résumant parfaitement, sur les 5 premières lignes, l’esprit du décret : «  La tenue fréquente des conciles généraux est la principale façon de cultiver le champ du seigneur (à savoir le domaine spirituel en opposition au champ des hommes, le domaine temporel) pour arracher les buissons, épines et ronces des hérésies, erreurs et schismes, corriger les excès, réformer les écarts et amener la vigne du seigneur à une vendange fertile et abondante : négliger ces conciles, c’est répandre et favoriser ces causes troubles ».

Ici, nous avons un clair résumé des ambitions réformatrices du concile de Constance et dans ces 5 premières lignes sont incluses toutes les grandes idées de ce commentaire : « La tenue fréquente des conciles généraux », donc la périodicité des conciles.

« Pour arracher épines et ronces des hérésies », on a ici la prévention de la tentation d’une déchirure dans la robe sans couture du christ, et enfin « corriger les excès » ce qui peut être interpréter comme une critique de la dépendance des pontifes à des expédients fiscaux coercitifs pour les bénéficiers.

Consécutivement à ce bref résumé, les modalités relatives à la réunion des conciles œcuméniques  sont clairement exprimés à partir de la ligne 7 puisqu’il est précisé que le prochain concile général sera fixé « dans les 5 ans après la fin du premier Concile, le deuxième dans les 7 ans qui suivront le précédent, et ensuite de dix ans en dix ans, à perpétuité ».

Devant une telle clarté, on est condamné à la paraphrase si l’on veut commenter ces modalités mais il sera intéressant de savoir pourquoi elle participe du processus de  contestation de l’hégémonie pontificale sur l’église.

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